Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aperçu. On affecte, quand on veut, une chaleur, un intérêt qu’on n’a pas.

Je ne vous écrivis aucune lettre fâché. Je fis comme je ferai dans la suite. J’accuserai la difficulté d’envoyer à Vitry, et tous les contre-temps qui peuvent empêcher vos lettres de partir à temps, et, parties à temps, d’arriver à temps.

Morphyse est assez disposée dans les occasions importantes à me rendre justice ; toutes les fois qu’une affaire exige de la confiance, et que j’y peux quelque chose, elle me préfère. Avec tout cela elle me mortifie, elle me rend la vie longue et pénible. La conduite qu’elle tient ne répond guère à l’estime qu’elle m’accorde. Si j’ai quelques instants heureux, je les lui arrache. Si mon projet me réussit !.... Mais il ne faut pas vous parler de cela ; vous n’approuveriez pas mes idées, quoiqu’elles soient fondées sur un principe très-raisonnable. C’est celui qu’à quarante ans passés, une fille a ses amis, ses connaissances, qui peuvent très-bien n’être pas les amis, les connaissances de sa mère.

Vous faites sur Gras précisément les mêmes observations que je faisais sur vous et sur notre chère sœur. Je vous aime tous les jours de plus en plus, de toutes sortes de vertus que je vous découvre ; et je vois avec satisfaction que la vie d’un bon domestique a son juste prix à vos yeux ; le temps, qui dépare les autres, vous embellit.

Je compte peu sur le secours de votre beau-frère ; c’est une offre de service dont il aura toute la bonne grâce, et de Villeneuve toute la mauvaise.

Si je pouvais ! Mais il faudra voir. Je serai pauvre pendant les années qui suivront : que m’importe ? Vous m’entendez ; adieu encore une fois. Je prends vos deux mains et je les baise, l’une en dedans, et c’est la vôtre ; l’autre en dessus, c’est celle de notre chère sœur.

J’espère que M. Vialet ne vous refusera pas ce que je lui demande. Aussitôt que vous aurez sa réponse, faites-m’en part. Cette lettre serait déjà à l’hôtel de Clermont-Tonnerre ; mais j’attends deux maudits papiers de Voltaire sur les Calas ; ils seront suivis d’une consultation d’avocats, d’un mémoire, de la requête en cassation ; vous aurez tout.

Il y a quelques jours qu’on donna à Duclos-Delisle un paquet