Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/18

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ont été écharpés dans l’action, vous avoir, vous brûler, vous fumer et vous manger. Mais ne craignez rien, cela ne sera pas. Ils menacent de me quitter, ils peuvent faire pis ; mais ou vous vivrez, ou ils nous égorgeront tous deux. »

Tandis qu’ils s’entretenaient ainsi, les sauvages rentrèrent ; la contestation recommença, mais avec moins de chaleur ; peu à peu les sauvages s’apaisèrent. Avant de se retirer, ils s’approchèrent du baron, lui tendirent la main, et la paix fut faite. Mais ils n’étaient pas hors de la tente, que le général Johnson dit au baron : « Mon ami, si vous vous croyez en sûreté, vous avez tort ; malgré vos blessures, il faut sortir d’ici, et vous porter à la ville. » En même temps on entrelace quelques branches d’arbre, on l’étend dessus, et on le porte à la ville, au milieu de quarante soldats qui l’escortent. Le lendemain les sauvages, instruits de cette évasion, vont à la ville, s’introduisent dans la maison où il était soigné ; ils avaient leurs poignards cachés sous leurs vêtements ; ils fondent sur lui, et ils l’auraient égorgé, s’il n’avait promptement été secouru. Il y eut seulement deux ou trois blessures d’ajoutées à celles qu’il avait déjà.

Eh bien ! me direz-vous, où est la bonté naturelle ? Qui est-ce qui a corrompu ces Iroquois ? Qui est-ce qui leur a inspiré la vengeance et la trahison ? Les dieux, mon amie, les dieux ; la vengeance est chez ces malheureux une vertu religieuse. Ils croient que le Grand-Esprit, qui habite derrière une montagne qui n’est pas trop loin de Québec, les attend après leur mort, qu’il les jugera, et qu’il estimera leur mérite par le nombre de chevelures qu’ils lui apporteront. Ainsi, lorsque vous voyez un Iroquois étendre un ennemi d’un coup de massue, se pencher sur lui, tirer son couteau, lui fendre la peau du front, et lui arracher avec les dents la peau de la tête, c’est pour plaire à son Dieu. Il n’y a pas une seule contrée, il n’y a pas un seul peuple où l’ordre de Dieu n’ait consacré quelque crime.

Les Canadiens disent que les montagnards écossais sont les sauvages de l’Europe. Vous voyez bien qu’il faut lire tout ceci comme une conversation.

« Cela est assez vrai, dit le père Hoop, nos montagnards sont nus, ils sont braves et vindicatifs ; lorsqu’ils mangent en troupe, sur la fin du repas, où les têtes sont échauffées par le vin, et où les vieilles querelles se rappellent et les propos deviennent inju-