Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Mme Diderot[1]. Cochin dessinait pour ses Fables et pour les Satires de Perse des frontispices aussi compliqués que les énigmes du Mercure d’alors ; il ornait son Térence de sept belles planches gravées par Choffard, A. de Saint-Aubin, Rousseau et Prévost. Plus tard, un autre ami, Moreau le Jeune, gravait lui-même pour la Fête des bonnes gens de Canon une de ses plus délicieuses eaux-fortes.

Si l’abbé s’en était tenu à ses traductions, il serait peut-être tout doucement arrivé au fauteuil académique. Par malheur, il s’avisa d’écrire pour Philidor une comédie en un acte et en prose mêlée d’ariettes, intitulée le Bon Fils et représentée sur le Théâtre-Italien le 11 janvier 1773. Ce fut une lourde chute. Grimm se garda de signaler l’échec, d’un ami ; mais les Mémoires secrets, qui n’avaient pas les mêmes motifs pour ménager l’abbé, se montrèrent impitoyables. Dès la veille de la représentation, ils insinuent que le sujet est emprunté à un conte de Marmontel, « mine féconde où puisent tous nos faiseurs d’opéras-comiques ». Le 14 janvier, ils annoncent que les comédiens italiens l’ont jouée : « Les paroles sont d’un certain abbé Le Monnier qui a traduit Térence, mais ne s’entend en rien au théâtre. Indépendamment des vices de construction, la forme n’a aucune beauté ; il n’y a pas une scène qui vaille quelque chose ; les ariettes même sont détestables. La musique du sieur Philidor n’a pu compenser tant de défauts, et si le Bon Fils n’est pas tombé, il n’est guère possible qu’il aille bien loin. » Le 5 février : « L’abbé Le Monnier, auteur du Bon Fils, est chapelain de la Sainte-Chapelle. Il a pris un nom postiche et sur les imprimés on lit : Par M. de Vaux. Cependant, comme il est notoirement connu pour l’auteur de cette mauvaise pièce, le Chapitre est furieux contre ce suppôt prévaricateur et l’archevêque de Paris exige, dit-on, qu’il soit destitué de sa place. Cela serait acheter bien cher la honte d’avoir produit une aussi détestable drogue. » C’était dur, en effet ; le pauvre abbé dut quitter Paris. Grâce à Élie de Beaumont, il obtint la cure de Montmartin-en-Graignes, non loin de Saint-Lô. Il y fit le bien et s’occupa de l’institution des fêtes de bienfaisance que la famille d’Élie de Beaumont avait créées à Canon et à Passais. Dès lors, il ne vint plus guère à Paris. Mais ses amis ne l’oubliaient pas. Mme Vallayer-Coster, celle-là même qui avait peint Mlle Volland, exposa au Salon de 1775 un portrait de l’abbé, et Diderot, en 1779, le chargeait de solliciter Target pour le fils de Mme de Blacy, dans des termes qui prouvent que leur amitié ne s’était jamais refroidie.

La Révolution survint. Le Monnier, dépossédé de sa cure, fut arrêté et enfermé, à Paris d’abord, à Sainte-Marie-du-Mont, puis à Sainte-Pélagie. Le 9 thermidor l’en fit sortir ; et la Convention non-seulement lui accorda une pension, mais, sur la proposition de Letourneur (de la Manche), lui donna la succession de Dom Pingré comme conservateur de la bibliothèque du Panthéon. En même temps, il était élu à

  1. Voir la fable XXIX : Le Philosophe et sa femme.