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versation qu’elle avait eue avec Mme Portail, et où il m’a semblé que celle-ci avait fait le rôle de catin, et la petite actrice celui d’honnête femme. « Mais, mademoiselle, vous n’avez point de diamants. — Non, madame, et je ne vois pas qu’ils soient fort essentiels à une petite bourgeoise de la rue du Four. — Vous avez donc des rentes ? — Des rentes ! et pourquoi, madame ? M. de Lauraguais a une femme, des enfants, un état à soutenir, et je ne vois pas que je puisse honnêtement accepter la moindre portion d’une fortune qui appartient à d’autres plus légitimement qu’à moi. — Oh ! par ma foi, pour moi je le quitterais. — Cela se peut, mais il a du goût pour moi, j’en ai pour lui. Ç’a peut-être été une imprudence que de le prendre ; mais puisque je l’ai faite, je le garderai… » Je ne me souviens pas du reste. Il me reste seulement l’idée qu’il était aussi malhonnête de la part de la présidente, et aussi honnête de la part de l’actrice.

Votre morale et votre religion sont bonnes. Je n’en ai pas une autre, et je m’en tiens là. Adieu, mes bonnes amies ; commencez-vous à entrevoir dans l’éloignement la possibilité de votre retour ? Je vous embrasse toutes deux. Mme Le Gendre sur ses joues vermeilles ; car elle a seule le secret d’avoir des chairs fraîches et fermes et des joues vermeilles avec une mauvaise santé.


LIX


À Paris, le 22 septembre 1761.


Eh bien ! voilà un bon effet de cette lecture. Imaginez que cet ouvrage est répandu sur toute la surface de la terre, et que voilà Richardson l’auteur de cent bonnes actions par jour. Imaginez qu’il fera le bien de toutes les contrées, de longs siècles après sa mort.

Ces deux femmes-là se ressemblaient si fort d’esprit, de caractère, qu’il était difficile que l’une ne se reconnût pas dans l’autre…

Toute la vie d’Uranie se serait passée à dire à un jeune