Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/236

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donc, mon ami, elle debout et le Russe son sujet, un autel entre deux ; sur cet autel le rouleau de la loi à demi déplié, et sur ce rouleau, le souverain et l’esclave jurant tous les deux également d’observer la loi… Mais j’entame malgré moi la lettre qui doit succéder à celle-ci. Nous nous entretenons sans cesse de vous. Nous buvons sans cesse à votre santé. Je suis sans cesse assailli de gens qui viennent m’interroger sur votre sort. Je ne compte pas ceux-là au nombre des importuns. Ils me font parler de vous. Ils me font sentir que votre bonheur est le mien, et ils s’en retournent affligés ou satisfaits, selon le motif qui les amenait. J’attends avec impatience une réponse à ma dernière lettre à Son Exc. M. le général Betzky. Je voudrais bien qu’elle fût telle que je la désire. Avec quelle ardeur je me mettrais à l’ouvrage ! La belle chose que je ferais ! Et avec quelle célérité ! Chaque ligne me paraîtrait un pas fait vers la contrée qu’habite mon ami. Bonjour, mon ami, bonjour, tendre ami. Bonjour, mademoiselle Victoire. Je vous chéris toujours également. Conservez-moi les sentiments que vous m’avez accordés. Vous vous doutez bien que votre nom se trouve souvent mêlé ici avec celui de Falconet ; vous l’avouerai-je ? c’est avec tant d’intérêt, une si douce émotion qu’il est prononcé, qu’on est quelquefois tenté de croire que vous m’êtes plus chère encore qu’une fille ne l’est à son père, et j’ai quelquefois senti qu’il fallait toute la force de l’honnêteté pour écarter des esprits une idée dont j’étais vain. Je vous reverrai aussi et ce sera moi qui ferai les avances. Comme de raison, recevez toutes les amitiés de la mère et de la fille. Je vous réponds de leur sincérité ; c’est avec le plus grand plaisir que la mère s’est chargée de votre commission ; si elle est aussi bien faite qu’on l’a souhaitée, vous ne serez pas mécontente… Embrassez-le pour moi. Embrassez-la pour nous tous et songez que nous sommes trois… Vous n’avez donc pas pu souffrir qu’un M. Berard se plaignît de moi en votre présence. Je pardonne à M. Berard de ne m’avoir pas connu ; si vous le revoyez, dites-lui que j’ai risqué d’aller à la Bastille pour avoir voulu lui tenir la parole que je lui avais donnée.

Adieu, mes amis, mes bons amis. Sous quelques jours, nous causerons plus longtemps ensemble.