Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/260

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Sévère, assis sur son lit, disant d’une main à Caracalla, son fils : « Mon fils, si tu trouves que je vis trop longtemps, ne trempe pas pour cela les mains dans le sang de ton père ; mais ordonne à ce centurion de m’égorger » ; de l’autre main, il montre un glaive posé sur une table de nuit.

Caracalla est debout, au pied de la couche, il n’ose supporter le regard de son père. Il a bien l’air d’un scélérat. Le centurion est au chevet, la tête baissée, et confondu d’étonnement et d’indignation. C’est une belle, très-belle figure que ce vieux soldat à longue barbe et tête à demi chauve. À côté du centurion est un sénateur examinant le visage de Caracalla, et tremblant du maître féroce sous lequel ils auront un jour à vivre. Et puis, beaucoup de simplicité dans les accessoires ; un fond large et nu, avec un si grand silence, qu’il semble que la voix de Septime retentisse dans le vague de l’appartement.

Il a fait aussi une Prière à l’Amour qu’on trouvera belle. La jeune dévote est charmante. Pour moi, il me déplaira toujours dans cette composition de voir une statue en scène avec une figure vivante. L’Amour de marbre s’incline et penche une couronne sur la tête de la jeune fille qui le prie. Je suis peut-être pointilleux, mais c’est ainsi que je sens ; tant pis pour l’artiste ou pour moi. Si c’était un groupe de marbre, je serais moins choqué.

Il y a encore de lui : le Baiser envoyé par la fenêtre, et la Petite Fille en chemise qui s’est saisie d’un petit chien noir qui cherche à se débarrasser de ses bras. Cela est beau, vraiment beau.

Il a changé toute sa manière. Vous savez que ses tableaux avaient tous un ciel bleuâtre. Ce n’est plus cela. Son coloris est plus franc, plus vrai, plus vigoureux. Pour l’artiste, il continue à s’enivrer de lui-même ; et tant mieux, il ferait peut-être moins bien, sans l’énorme présomption qu’il a de son talent.

J’aime à l’entendre causer avec sa femme. C’est une parade où Polichinelle rabat les coups avec un art qui rend le compère plus méchant. Je prends quelquefois la liberté de leur en dire mon avis avec le leste que vous savez.

Cochin n’aime pas Greuze et celui-ci le lui rend bien. Mais une affaire à laquelle je prends intérêt, et que je vous recommande, c’est qu’Amédée Van Loo passât de Berlin à Pétersbourg.