Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/302

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si vous n’entrez dans aucune tracasserie de cour ; si vous n’entretenez l’impératrice que d’art et de science, l’envie se taira et vous serez aimé, estimé, honoré comme vous le méritez.

Si vous ne croyez pas avoir donné une scène aux Russes, vous vous trompez, ou du moins les Russes me trompent.

On n’a point trouvé extraordinaire que vous vous plaignissiez. Je le crois. On le désirait peut-être, et qui sait si vous n’avez pas été une machine ?

Il ne s’agit point ici de résignation évangélique. Il s’agit de fierté, de grandeur, de vraie dignité, de cette noble confiance qu’on tient du témoignage qu’on se rend à soi-même, et qui nous fait marcher, au milieu des calomniateurs qui nous attaquent et des sots qui les croient, la tête haute et levée ; qui fait baisser les yeux aux uns et qui tient les autres la bouche béante. Les bonnes mœurs, le talent décidé, le temps qui éclaircit tout, achèvent le reste. Je défie tous les méchants de la terre. Ils pourront m’ôter la vie, mais il n’y a que moi qui puisse me déshonorer. J’étais déchiré par la calomnie. Je vivais de la vie la plus retirée et la plus obscure ; nul défenseur au milieu d’une infinité de jaloux, de traîtres, de malveillants, de prêtres enragés, de gens de cour envieux, de magistrats indisposés, de bigots déchaînés, d’hommes de lettres perfides, d’idiots corrompus et séduits. Qu’en est-il arrivé ? Rien. Justice s’est faite et promptement. Il ne faut que la voix ferme d’un homme de bien qui réclame pour étouffer celle de cent méchants, et cet homme de bien se montre à la fin. En attendant, nos actions et nos ouvrages préparent l’effet de son discours, et quand il a parlé, les calomniateurs et leurs dupes changent de rôle ; ils enchérissent sur lui et deviennent les trompettes du mérite, toujours également vils. Songez qu’on a d’abord pour soi le petit nombre de gens de bien très-réservés à croire le mal.

Voilà mes principes, et tu conviendras qu’ils sont consolants et bien propres à assurer nos pas dans le chemin de la vie.

Je veux que vous fassiez le bonheur de Mlle Collot, parce que vous êtes son maître, son ami, son appui, son bienfaiteur surtout ; parce que tous les succès et tous les honneurs possibles ne la dédommageront pas des chagrins domestiques et secrets ; parce qu’ayant attaché son sort au vôtre, je dois désirer qu’il soit heureux. Il ne faut pas que vous flétrissiez vos bienfaits ; il