Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/318

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de Galitzin, qui s’achemine vers sa souveraine et ses amis, vous expliquera tout cela. J’ai vu le moment où j’allais me trouver au Fort-Lévêque avec la jolie Mme Casanove, elle pour ses dettes, moi pour mes engagements. C’est une manœuvre du diable, dont je ne vous rendrais pas compte en quatre pages. Imaginez qu’ils s’étaient mis dans la tête de ruiner le crédit de Sa Majesté Impériale par une avanie bien publique, bien éclatante, faite à l’homme qu’elle a comblé de ses grâces ; de persuader qu’elle était au bout de ses ressources dès le commencement d’une guerre ; de me forcer à revendre les tableaux que j’avais acquis pour elle, et par conséquent d’interrompre ma correspondance avec le général et avec vous. Ils en auront un pied de nez, les plats bougres qu’ils sont. Tout est payé, et payé avec générosité, et déjà nos artistes sont aux genoux de Sa Majesté pour obtenir de faire des pendants à leurs tableaux[1]. Ah ! mon ami, le beau Murillo que je vous envoie, les beaux Gérard Dow, j’entends beaux comme les ouvrages de ce maître. J’espère que le Machy, le Casanove,le Casanove surtout, le Vien et le Van Loo vous feront plaisir. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils y ont mis tout leur talent. Ils sont désespérés que ces morceaux ne puissent être exposés au Salon. C’était une espèce de dédommagement qui les consolait un peu du retard de leur payement. Je joins à cet envoi un J.-B. Van Loo, beau sujet, d’excellente couleur et d’un dessin très-correct. C’est une trouvaille ; car cet artiste a peu fait de tableaux de chevalet. Deux nouvelles qui ne vous déplairont pas : l’une, c’est qu’enfin nous avons découvert que Mlle Collot était orpheline. Je joins ici l’extrait mortuaire de son père. L’autre que ce M. de La Live, menacé d’imbécillité depuis si longtemps, est devenu fou. Je voudrais, par maintes raisons que vous devinerez de suite, que Sa Majesté Impériale achetât son cabinet et le payât sur-le-champ. J’espère que monsieur le général vous en parlera. Je lui envoie le catalogue à tout hasard. Je suis charmé que votre santé et votre tranquillité se soutiennent. Je reçois vos amitiés et celles de Mlle Collot, comme vous recevrez les miennes quand je vous les porterai. Ah ! quel moment, mon ami ! Si nous avons la force de parler, c’est que nous ne nous aimons pas autant

  1. Je le crois bien. (Note de Falconet.)