Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/32

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Pour étouffer ces contestations de libraires à libraires qui fatiguaient le Conseil et la chancellerie, le magistrat défendit verbalement à la communauté de rien imprimer sans lettres-privilèges du grand sceau. La communauté, c’est-à-dire la partie misérable, fit des remontrances ; mais le magistrat tint ferme ; il étendit même son ordre verbal jusqu’aux livres anciens, et le Conseil, statuant en conséquence de cet ordre sur les privilèges et leurs continuations par lettres patentes du 20 décembre 1649, défendit d’imprimer aucun livre sans privilège du roi, donna la préférence au libraire qui aurait obtenu le premier des lettres de continuation accordées à plusieurs, proscrivit les contrefaçons, renvoya les demandes de continuations à l’expiration des privilèges, restreignit ces demandes à ceux à qui les privilèges auraient été premièrement accordés, permit à ceux-ci de les faire renouveler quand ils en aviseraient bon être, et voulut que toutes les lettres de privilèges et de continuations fussent portées sur le registre de la communauté que le syndic serait tenu de représenter à la première réquisition, pour qu’à l’avenir on n’en prétendît cause d’ignorance, et qu’il n’y eût aucune concurrence frauduleuse ou imprévue à l’obtention d’une même permission.

Après cette décision, ne vous semble-t-il pas, monsieur, que tout devait être fini, et que le ministère avait pourvu, autant qu’il était en lui, à la tranquillité des possesseurs ? Mais la partie indigente et rapace de la communauté fit les derniers efforts contre les liens nouveaux qui arrêtaient ses mains.

Vous serez peut-être surpris qu’un homme à qui vous ne refusez pas le titre de compatissant, s’élève contre les indigents. Monsieur, je veux bien faire l’aumône, mais je ne veux pas qu’on me vole ; et si la misère excuse l’usurpation, où en sommes-nous ?

Le père du dernier des Estienne, qui avait plus de tête que de fortune et pas plus de fortune que d’équité, fut élevé tumultuairement à la qualité de syndic par la cabale des mécontents. Dans cette place, qui lui donnait du poids, il poursuivit et obtint différents arrêts du Parlement qui l’autorisaient à assigner en la cour ceux à qui il serait accordé des continuations de privilèges, et parmi ces arrêts, celui du 7 septembre 1657 défend en général de solliciter aucune permission de