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Mais voilà notre nouvelle arrivée qui passe en chantant par mon corridor. Il me semble qu’elle a de la voix. Adieu, mon amie ! Soyez toujours bien sage. Pour moi, je suis les conseils que je donne. Je vous l’ai dit souvent, et, plus je vais, mieux je sens que je vous l’ai bien dit : il n’y a et il n’y aura jamais qu’une femme au monde pour moi. Et cette femme, qui est-elle ? C’est ma Sophie ; c’est elle qui pense à moi, mais qui ne m’écrit point. Car voilà mon messager revenu de Charenton sans lettres. J’ai de l’humeur ; je vais me coucher de peur de gronder mal à propos et de mériter toutes les épithètes que je donnerais à mon valet ; car, après tout, ce n’est pas sa faute, si l’on n’écrit point à Paris, et si cela me fâche.


XXVIII


Au Grandval, le 3 novembre 1759.


Les il faut[1]


Il faut penser ; sans quoi l’homme devient,
Malgré son âme, un franc cheval de somme.
Il faut aimer : c’est ce qui nous soutient,
Car sans aimer, il est triste d’être homme.

Il faut avoir un ami, qu’en tout temps,
Pour son bonheur on écoute, on consulte,
Qui sache rendre à notre âme en tumulte
Les maux moins vifs et les plaisirs plus grands.

  1. Ces vers charmants sont de Voltaire. Diderot les citait de mémoire, sans doute, ce qui explique les variantes qu’ils présentent ici. Composés à Cirey, dans l’automne de 1734, lors d’un séjour de Mme  Du Châtelet, ils figurent sous le titre de Impromptu fait à un souper dans une cour d’Allemagne, au t. V des Nouveaux mélanges publiés par les frères Cramer, et sous celui de l’Usage de la vie dans une édition des Poésies. Amsterdam, 1764, in-12. Un bibliophile qui signe E. Marnicouche a réimprimé ces stances (moins les deux derniers vers), intitulées cette fois Le bonheur de la vie, sur un texte collationné par M. Clogenson. (Rouen, Cagniard, 1868, 40 ex. sur papier rose.)