Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/538

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M. de V… ; c’est la politesse même ; il est plein de talents, et d’honnêteté, et de sentiments.

Vite, vite, mes amies, sauvons-nous dans un bois, à Pékin, à Avignon. Madame, prenez votre fille par une main, et mettez sous l’autre bras un de vos oreillers, ou plutôt laissez là vos oreillers ; tandis qu’on les remplira, qu’on choisira le duvet, avant qu’ils soient cousus, vous aurez vécu deux jours de plus avec les méchants ! Et qui sait le mal qu’ils vous feront dans deux jours ? Fuyons, vous dis-je.

Notre maladie de Langres n’a rien de commun avec celle de Vitry. Cela commençait par un grand mal de tête, la fièvre survenait, le transport, le vomissement de sang ou de vers, la mort ou la guérison.

Elle ne vous a pas proposé de vous embrasser pour moi ; mais si elle l’eût fait, l’eussiez-vous accepté ?

J’aimerais tout autant que vous partissiez toutes deux pour Paris, et que Mme Le Gendre vînt faire la chose elle-même. Vous ne la serviriez peut-être pas à son gré ; et puis vous embrasser pour moi, je n’entends pas. Est-ce vous embrasser comme je vous embrasserais bien, si vous vouliez, ou comme je serais embrassé d’elle, si j’y étais ? Cela est fort différent. Je permets le second.

Je persiste, mon amie ; je n’ai pas un liard de cette monnaie-là. Je sais dire tout, excepté bonjour. J’en serai toute ma vie à l’a b c de tous ces propos que l’on porte de maison en maison ; ce qu’on entend dans tous les quartiers, à la même heure. Au reste, je suis prêt à croire tout le bien que vous me dites de votre sœur. Il faut bien qu’elle soit de la famille. D’ailleurs on ne peut avoir trop bonne opinion d’une femme qu’une autre femme loue, et dont Mme Le Gendre ne dédaigne pas d’être jalouse.

Sérieusement, vous croyez que la présence des honnêtes gens déconcerte les fripons… Oui, la première fois qu’ils mettent la main dans la poche, et qu’on les y prend. En peu de temps ils deviennent insolents, à moins que le cœur ne soit mal à l’aise, lorsque la contenance est la meilleure. Mais cette hypocrisie habituelle n’étouffe-t-elle pas à la longue le cri de la conscience ? le cœur ne s’ennuie-t-il pas de s’entendre imposer silence, et ne prend-il pas le parti de se taire ? On acquiert le geste de la vertu, et l’on s’en tient là.