Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/85

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Celui qui a borné son commerce aux livres classiques, grecs et latins, ne s’éloignera jamais de la porte d’un collège. Aussi l’Université ne s’est-elle pas opposée à cette dispersion et n’en a-t-elle rien stipulé dans l’arrêt de règlement du 10 septembre 1725.

Les libraires établiront leur domicile où bon leur semblera ; quant aux trente-six imprimeurs qui suffiraient seuls à pourvoir les savants de la montagne, ils resteront dans la première enceinte, et par ce moyen on aura pourvu à l’intérêt de la religion, du gouvernement et des mœurs, à la liberté du commerce, au secours de la librairie qui en a plus besoin que jamais, à la commodité générale et au bien des lettres.

Si donc les libraires requièrent à ce qu’il plaise au roi de leur permettre de passer les ponts et de déroger aux arrêts et règlements à ce contraire, il faut leur accorder.

S’ils demandent des défenses expresses à tous colporteurs et autres sans qualité de s’immiscer de leur commerce et de s’établir dans les maisons royales et autres lieux privilégiés, dépens, dommages et intérêts, même poursuite extraordinaire, information, enquête, peines selon les ordonnances, saisie et le reste, il faut leur accorder.

S’ils demandent qu’il soit défendu à tous libraires forains et étrangers d’avoir entrepôt et magasin et même de s’adresser pour la vente à d’autres que le vrai commerçant, et ce sur les peines susdites, il faut encore leur accorder.

Toute cette contrainte me répugne plus peut-être qu’à vous ; mais ou procurez la liberté totale du commerce, l’extinction de toute communauté, la suppression des impôts que vous en tirez, l’acquit des dettes qu’elles ont contractées dans vos besoins, ou la jouissance complète des droits que vous leur vendez. Sans quoi, je vous le répète, vous ressemblerez au commerçant qui entretiendrait à sa porte un filou pour enlever la marchandise qu’on aurait achetée de lui ; vous aurez rassemblé en corps des citoyens sous le prétexte de leur plus grand intérêt, pour les écraser plus sûrement tous.


FIN DE LA LETTRE SUR LA LIBRAIRIE