Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XX.djvu/113

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tumés à cette rigueur, aussi n’en suis-je point rebuté. Mme la princesse de B*** vous a déjà dit de quelle nature est le service que nous espérons de vous. Je n’ai point voulu qu’elle vous sollicitât, et je me contenterai de vous rappeler en peu de mots ce qu’elle vous a dit.

« Une société d’hommes laborieux et qui n’ont d’autres prétentions que celle d’être utiles à leurs semblables consacrent plusieurs années à la rédaction d’un ouvrage qui doit être le dépôt des connaissances humaines. Tout ce qu’il y a de plus honnête et de plus instruit dans toutes les classes de la société contribue avec empressement à cet important travail. Tous les coopérateurs montrent à l’envi un zèle dont ils ne se doutent pas qu’on puisse jamais leur faire un crime. Ils n’ambitionnent rien. Plusieurs même d’entre eux se cachent sous le voile modeste de l’anonyme et leur désintéressement va jusqu’à dédaigner la gloire qui leur revient de leurs travaux et qui est le seul salaire digne de la vertu. L’édifice s’élève et l’Europe l’admire. Tout à coup il est attaqué par d’obscurs persécuteurs qui lui portent des coups d’autant plus dangereux que les ouvriers dédaignent, par une fierté peut-être outrée, de repousser leurs insultes. Cependant, on commence à taxer notre modération de faiblesse, il faut nous justifier, mais avec une grande circonspection. Nous craignons d’avoir un parti, si nous prenons la peine de nous défendre trop publiquement.

« Nous ne voulons point de défenseurs, nous ne voulons que des juges. Soyez le nôtre, madame, et soyez en même temps notre avocat si vous trouvez que cela convienne, et rien ne me paraît plus convenable. La vérité et la philosophie n’auront plus d’adversaires, si l’esprit et la beauté se chargent de les défendre. »

En reproduisant cette lettre et la réponse de Mme de Pompadour, l’auteur des Mémoires du baron de Grimm (1834, 2 vol. in-8), Dufey de l’Yonne, ajoute :

« Le petit madrigal qui termine cette lettre la dépare, et il n’avait pas dépendu de l’auteur qu’elle ne finît plus dignement. Cette phrase fut substituée à celle qu’il avait d’abord écrite et il avait cédé aux instances de quelques-uns de ses collaborateurs auxquels il devait plus que des égards. »