Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XX.djvu/134

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ce rapport, dont le style et les sentiments pieux ne le cèdent en rien à la petite note de Pierre Hardy :


Du 20 juin 1717.
Monsieur,

J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’il m’a été donné avis que le nommé Diderot est auteur d’un ouvrage que l’on m’a dit avoir pour titre : Lettre ou amusement philosophique, qui fut condamné par le Parlement, il y a deux ans, à être brûlé en même temps qu’un autre ouvrage ayant pour titre : Lettre philosophique sur l’immortalité de l’âme.

Ce misérable Diderot est encore après à finir un ouvrage qu’il y a un an qu’il est après, dans le même goût de ceux dont je viens d’avoir l’honneur de vous parler. C’est un homme très-dangereux, et qui parle des saints mystères de notre religion avec mépris ; qui corrompt les mœurs et qui dit que, lorsqu’il viendra au dernier moment de sa vie, faudra bien qu’il fasse comme les autres, qu’il se confessera et qu’il recevra ce que nous apelons notre Dieu, et sy il le fait, ce ne sera point par devoir, que ce ne sera que par raport à sa famille, de crainte qu’on ne leur reproche qu’il est mort sans religion.

L’on m’a assuré que l’on trouvera chez lui nombre de manuscrits imprimés dans le même genre.

Il demeure rue Mouftard, chez le sieur Guillotte, exempt du prévost de lisle, à main droite en montant, au premier.

Perrault.


M. Berryer se contenta d’écrire en marge du rapport de Perrault la note suivante :

Je n’ay point de preuve qu’il soit l’autheur de l’ouvrage condamné par le Parlement, que le rapport de Perrault et la lettre du curé de Saint-Médard.


Il est probable néanmoins que Diderot fut dès ce moment surveillé de près, et, deux ans plus tard, M. Berryer procéda lui-même à l’interrogatoire qu’on va lire :


Interrogatoire de l’ordre du Roi, fait par nous, Nicolas-René Berryer, chevalier, conseiller du Roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel, lieutenant-général de police de la ville, prévôté et vicomte de Paris, commissaire du Roi en cette partie.

Au sieur Diderot, prisonnier de l’ordre du Roi au donjon de Vincennes.

Du jeudi, trente-un juillet mil sept cent quarante-neuf de relevée, dans la salle du conseil du donjon de Vincennes, après serment fait par le répondant de dire et répondre vérité.