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cela étant sa situation naturelle. Et la troisieme, que l’accouchement soit prompt & facile, sans aucun mauvais accident.

Lorsque l’enfant présente les piés, ou qu’il vient de travers ou double, l’accouchement n’est point naturel. Les Latins appelloient les enfans ainsi nés agrippæ, comme qui diroit ægrè parti. Voyez Agrippa.

L’Accouchement naturel est celui qui se fait au terme juste, c’est-à-dire, dans le dixieme mois lunaire : l’accouchement n’est point naturel, lorsque l’enfant vient au monde ou plûtôt ou plûtard, comme dans le huitieme mois.

Les femmes accouchent au bout de sept, huit, neuf, dix & onze mois : mais elles ne portent pas plus long-tems, nonobstant que quelques Medecins prétendent qu’un accouchement peut être naturel dans le quatorzieme mois.

On a remarqué que les Accouchemens sont plus heureux dans le septieme mois que dans le huitieme, c’est-à-dire, qu’il est plus aisé de sauver l’enfant quand il vient dans le septieme mois que quand il vient dans le huitieme, & que ces premiers vivent plus souvent que les derniers.

Peysonnel, Medecin à Lyon, a écrit un Traité Latin du terme de l’Accouchement des femmes, où il entreprend de concilier toutes les contradictions apparentes d’Hippocrate sur ce sujet. Il prétend que le terme le plus court de l’Accouchement naturel, suivant Hippocrate, est de cent quatre-vingts-deux jours, ou de six mois entiers & complets ; & le plus long, de deux cens quatre-vingts jours, ou de neuf mois complets & dix jours ; & que les enfans qui viennent devant ou après ce terme ne vivent point, ou ne sont pas légitimes.

Bartholin a écrit un Livre de insolitis partûs viis, des conduits extraordinaires par où sort le fœtus : il rapporte différens exemples d’accouchemens fort extraordinaires. Dans les uns le fœtus est sorti par la bouche ; dans d’autres par l’anus. Voyez Salmuthus, Obs. 94. Cent. III. Transact. Philosoph. n°. 416. p. 435.

* Il est fait mention dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1702, page 235, d’un fœtus humain tiré du ventre de sa mere par le fondement. Cette espece d’accouchement est assez extraordinaire pour trouver place ici. Au mois de Mars 1702, M. Cassini ayant donné avis à l’Académie des Sciences qu’une femme, sans avoir eu aucun signe de grossesse, avoit rendu par le siége plusieurs os qui sembloient être les os d’un fœtus, la chose parut singuliere, d’autant plus que quelques-uns se souvinrent qu’on avoit autrefois proposé des faits semblables, qui s’étoient trouvé faux par l’examen qu’on en avoit fait ; & M. Littre s’offrit à vérifier celui-ci.

Il trouva dans le lit une femme de 31 ans, autrefois fort grasse, alors horriblement décharnée & très foible. Il y avoit douze ans qu’elle étoit mariée : elle avoit eu trois enfans pendant les six premieres années de son mariage ; elle avoit fait quatre fausses couches dans les trois années suivantes ; & le 15 du mois d’Août de l’année précédente elle avoit senti une douleur aiguë à la hanche droite ; & cette douleur qui étoit diminuée quelque tems après, avoit entierement cessé au bout de cinq semaines. Au commencement du mois de Novembre de la même année, elle avoit senti sous le foie une autre douleur, accompagnée d’un grand étouffement ; & en appuyant sur la région douloureuse, on y avoit remarqué une tumeur ronde & grosse qui ne paroissoit pas au dehors, & qu’on sentoit au toucher. Environ deux mois après, ce qui faisoit cette tumeur étoit tombé dans le côté droit du bassin de l’hypogastre, & la douleur & l’étouffement avoient cessé sur le champ.

Voyez la suite effrayante des symptomes de cet accident dans le Mémoire de M. Littre ; la fievre continue pendant quatre mois sans relâche, avec redoublemens par jour, & frissons ; l’aversion pour les alimens, les défaillances, les hoquets, le vomissement de sang, un cours de ventre purulent & sanglant, qui entraînoit des os, des chairs, des cheveux, &c. les épreintes, les coliques, la toux, le crachement de sang, les insomnies, les délires, &c.

À l’inspection des os rendus, M. Littre s’apperçut qu’ils appartenoient à un fœtus d’environ six mois. Cependant cette femme n’avoit jamais eu aucun soupçon de grossesse ; son ventre n’avoit jamais sensiblement grossi, & elle n’y avoit point senti remuer d’enfant : mais d’un autre côté elle avoit eu quelques autres signes de grossesse que M. Littre rapporte. M. Littre examina ensuite la matrice & le gros boyau de la malade : la matrice étoit dans son état naturel, & il n’en étoit rien sorti que dans le tems réglé pour les femmes saines qui ne sont pas grosses. Mais le fondement étant bordé d’hémorrhoïdes, son orifice étoit serré & rétréci par une dureté considérable qui en occupoit toute la circonférence ; & en introduisant avec beaucoup de peine de sa part, & de douleur de la part de la malade, le doigt & les instrumens, le rectum lui parut ulceré & percé en dedans d’un trou large d’environ un pouce & demi. Ce trou situé à la partie postérieure de l’intestin du côté droit, deux pouces & demi au-dessus du fondement, ne laissoit plus de doute sur le chemin que les os & les autres matieres étrangeres avoient tenu.

En examinant avec le doigt cette plaie, M. Littre sentit la tête d’un fœtus qui étoit si fortement appliquée, qu’il ne put la déranger, & que depuis trois jours la malade ne rendoit plus de matieres extraordinaires.

L’état de la malade étant constaté, il s’agissoit de la guérir : pour cet effet, M. Littre commença par lui donner des forces, en lui prescrivant les meilleurs alimens & les remedes les plus capables d’affoiblir les symptomes du mal : ensuite il travailla à tirer le reste du fœtus ; ce qu’il ne put exécuter qu’avec des précautions infinies, & dans un tems très-considérable. Il tira avec ses doigts tous les petits os & les chairs, il inventa des instrumens à l’aide desquels il coupa les gros os, sans aucun danger pour la femme ; & ce traitement commencé au mois de Mars dura cinq mois, au bout desquels la malade se trouva en état de vaquer à ses affaires. Ceux qui le suivront dans tout son détail, douteront si l’art a moins de ressources que la nature, & s’il n’y a pas des cas où le Chirurgien & le Medecin ne font pas plus qu’elle pour notre conservation : cependant on sait qu’elle conserve tout ce qu’elle peut empêcher de périr, & que de tous les moyens qui lui sont possibles, il n’y en a presqu’aucun qu’elle n’emploie.

M. Littre cherche, après avoir fait l’histoire de la guérison, dans quel endroit ou dans quelle partie du ventre de la malade le fœtus étoit contenu pendant qu’il vivoit. On peut d’abord soupçonner quatre endroits différens ; la simple capacité du ventre, la matrice, les trompes & les ovaires.

Il n’étoit pas dans la simple capacité du ventre, parce qu’en pressant la partie inférieure du ventre de haut en bas, on touchoit une espece de poche d’une grandeur à contenir un petit fœtus d’environ six mois, ronde, peu stable dans son assiette, & percée d’un trou. Cette poche n’étoit pas les membranes du fœtus, mais une partie de la mere, car les membranes du fœtus avoient été extraites par l’ouverture du gros boyau.

Il n’étoit pas non plus dans la cavité de la matrice ; 1°. parce que la malade a eu réglément ses ordinaires pendant cette grossesse : 2°. que le trou de