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maniere que ces deux pieces touchent l’aimant dans le plus de points qu’il sera possible ; & on les contiendra avec un bandage de cuivre bien ferré, auquel on ajustera le suspensoir X, fig. 60.

Maintenant pour réunir la force attractive des deux poles, il faut avoir une traverse d’acier D A C B bien souple & non trempée, dont la longueur excede d’une ou deux lignes les boutons de l’armure, & dont l’épaisseur soit à peu près d’une ligne : il doit y avoir un trou avec un crochet L, afin qu’on puisse suspendre les poids que l’aimant pourra lever.

Lorsqu’on aura ainsi armé l’aimant, il sera facile de s’appercevoir que sa vertu attractive sera considérablement augmentée ; car tel aimant qui ne sauroit porter plus d’une demi-once lorsqu’il est nud, leve sans peine un poids de dix livres lorsqu’il est armé : cependant ses émanations ne s’étendent pas plus loin lorsqu’il est armé que lorsqu’il est nud, comme il paroit par son action sur une aiguille aimantée mobile sur son pivot ; & si l’on applique sur les piés de l’armure la traverse qui sert à soûtenir les poids qu’on fait soulever à l’aimant, la distance à laquelle il agira sur l’aiguille sera beaucoup moindre, la vertu magnétique se détournant pour la plus grande partie dans la traverse.

Lorsqu’on présente à un aimant armé un morceau de gros fil de fer A B (fig. 61.) assez pesant pour que le bouton de l’armure duquel on l’approche ne puisse pas le supporter, on le fera attirer aussi-tôt, si on ajoûte la traverse G dans la situation que la figure le représente ; & si on ôte cette piece lorsque le fil de fer A B sera ainsi fortement attiré, il tombera aussi-tôt, & cessera d’être soûtenu.

On a mis sur un des boutons de l’armure une petite plaque d’acier poli de dix à onze lignes de long, de sept lignes de large, & d’une ligne d’épaisseur. Cette plaque T (figure 61. n°. 2.) portoit un petit crochet auquel étoit suspendu le plateau d’une balance ; à l’autre pié de l’armure étoit placée la traverse G, de façon que la traverse & la plaque se touchoient : on a ensuite mis des poids dans le plateau S, jusqu’à ce que l’aimant ait cessé de soûtenir la plaque T, & on a trouvé qu’il falloit dix-huit onces : ayant ensuite ôté la traverse, & laissé la plaque toute seule appliquée contre l’aimant, un poids de deux onces dans la balance a suffi pour séparer la plaque ; ce qui prouve que la proximité de la traverse a augmenté de seize onces la vertu attractive du pole auquel la plaque étoit appliquée.

Quoique l’attraction d’un aimant armé paroisse considérable, il arrive cependant que des causes assez foibles en détruisent l’effet en un instant : par exemple, lorsqu’on soûtient un morceau de fer oblong F (fig. 68.) sous le pole d’un excellent aimant M, & qu’on présente à l’extrémité inférieure de ce morceau de fer le pole de différent nom d’un autre aimant N, plus foible ; celui-ci enlevera le fer au plus fort. On jugera bien mieux du succès de cette expérience, si elle est faite sur une glace polie & horisontale. La même chose arrive aussi à une boule d’acier qu’on touche avec un aimant foible dans le point diamétralement opposé au pole de l’aimant vigoureux sous lequel elle est suspendue.

Pareillement si on met la pointe d’une aiguille S (fig. 69.) sous un des poles de l’aimant, ensorte qu’elle soit pendante par sa tête, & qu’on présente à cette tête une barre de fer quelconque F par son extrémité supérieure, l’aiguille quittera aussi-tôt l’aimant pour s’attacher à la barre : cependant si l’aiguille tient par sa tête au pole de l’aimant, alors ni la barre de fer, ni un aimant foible ne la détacheront : il sembleroit d’abord que l’aiguille s’attacheroit à celui des deux qu’elle toucheroit en plus de points : mais des expériences faites à dessein ont prouvé le contraire.

Une autre circonstance assez légere fait encore qu’un aimant armé & vigoureux paroît n’avoir plus de force : c’est la trop grande longueur du fer qu’on veut soulever par un des poles. Il seroit facile de faire lever à de certains aimans un morceau cubique de fer pesant une livre : mais le même aimant ne pourroit pas soûtenir un fil de fer d’un pié de longueur ; en sorte qu’augmenter la longueur du corps suspendu est un moyen de diminuer l’effet de la vertu attractive des poles de l’aimant. C’est par cette raison que lorsqu’on présente le pole d’un bon aimant sur un tas d’aiguilles, de petits clous ou d’anneaux, l’aimant en attire seulement sept ou huit au bout les uns des autres ; & il est facile de remarquer que l’attraction du premier clou au second est beaucoup plus forte que celle du second au troisieme, & ainsi de suite ; de maniere que l’attraction du pénultieme au dernier est extrèmement foible. Voyez fig. 34.

III. De la communication de la vertu magnétique.

L’aimant peut communiquer au fer les qualités directives & attractives ; & l’on doit considérer celui qui les a reçûes de cette maniere, comme un véritable aimant, qui peut lui-même aussi les communiquer à d’autre fer. Un aimant vigoureux donnera aussi de la vertu à un aimant foible, & rendra pour toûjours les effets de celui-ci aussi sensibles & aussi vifs que ceux d’un bon aimant.

En général, il suffit de toucher ou même seulement d’approcher le pole d’une bonne pierre du corps à qui l’on veut communiquer la vertu magnétique, & aussi-tôt celui-ci se trouve aimanté. A la vérité le fer qui n’aura reçû de vertu que par un instant de contact avec l’aimant, la perdra presque aussi-tôt qu’il en sera séparé : mais on rendra sa vertu plus durable, en le laissant plus long-tems auprès de l’aimant, ou bien en le faisant rougir avant que de l’approcher de la pierre, & le laissant refroidir dans cette situation : dans ce cas, la partie qu’on présentera au pole boréal de l’aimant, deviendra un pole austral, & deviendroit pareillement pole boréal, si on l’approchoit du pole austral de l’aimant.

Mais comme ces moyens simples ne procurent pas une grande vertu, on en employe ordinairement d’autres plus efficaces.

Premierement on a découvert que le fer frotté sur un des poles de l’aimant, acquiert beaucoup plus de vertu que sur toute autre partie de la pierre, & que la vertu que ce pole communique au fer, est bien plus considérable lorsqu’il est armé, que lorsqu’il est nud. 2°. Plus on passe lentement le fer, & plus on le presse contre le pole de l’aimant, plus il reçoit de vertu magnétique. 3°. Il est plus avantageux d’aimanter le fer sur un seul pole de l’aimant, que successivement sur les deux poles ; parce que le fer reçoit de chaque pole la vertu magnétique, dans des directions contraires, & dont les effets se détruisent. 4°. On aimante beaucoup mieux un morceau de fer en le passant uniformément & dans la même direction sur le pole de l’aimant suivant sa longueur, qu’en le frottant simplement par son milieu ; & on remarque que l’extrémité qui touche le pole la derniere, conserve le plus de force. 5°. Un morceau d’acier poli, ou bien un morceau de fer acéré, reçoivent plus de vertu magnétique, qu’un morceau de fer simple & de même figure ; & toutes choses d’ailleurs égales, on aimante plus fortement un morceau de fer long, mince & pointu, qu’un autre d’une forme toute différente : ainsi une lame de sabre, d’épée ou de couteau, reçoivent beaucoup plus de vertu qu’un carreau d’acier de même masse, qui n’a d’autres pointes que ses angles. En général un morceau de fer ou d’acier, passé sur le