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pole d’un aimant, comme nous avons dit, ne reçoit, ou plûtôt ne conserve jamais qu’une vertu magnétique déterminée ; & il paroît que cette quantité de vertu magnétique est déterminée par la longueur, la largeur & l’épaisseur du morceau de fer ou d’acier qu’on aimante. 6°. Puisque le fer ne reçoit de vertu magnétique que suivant sa longueur ; il est important, lorsqu’on veut lui communiquer beaucoup de vertu magnétique, que cette longueur soit un peu considérable : c’est pourquoi une lame d’épée reçoit plus de vertu qu’une lame de couteau, passée sur la même pierre. Il y a cependant de certaines proportions d’épaisseur & de longueur, hors desquelles le fer reçoit moins de vertu magnétique ; en voici un exemple : on a aimanté six lames de fer de 4 pouces de long, & d’environ de pouce d’épaisseur ; leur largeur respective étoit de 1, 2, 3, 4, 5, & 6 lignes ; on les a passées chacune trois fois & de la même maniere sur le pole d’un excellent aimant, & on a éprouvé les différens poids qu’elles pourroient soulever. La premiere, qui étoit la plus petite, leva

1 grain
La 2e large de deux lignes, 10
La 3e large de trois lignes, 7
La 4e large de quatre lignes, 2 0
La 5e large de cinq lignes, 1
La 6e large de six lignes, 1

Voici maintenant la preuve que la force magnétique qu’un morceau de fer peut recevoir d’un aimant, dépend aussi de la proportion de sa longueur : on a pris une lame de fer de de pouce d’épaisseur, de 5 lignes de large, & de pouces de long : on l’a passée trois fois sur le pole d’un aimant, & elle a porté 25 grains : on l’a réduite à la longueur de 10 pouces, & on l’a aimantée trois autres fois ; elle a porté 33 grains : réduite à 9 pouces, elle a porté 19 grains : à 8 pouces, 17 grains : à 4 pouces, grain : d’où l’on voit que la longueur doit être déterminée à 10 pouces ou entre 10 & , pour qu’avec la largeur & l’épaisseur donnée, cette barre puisse acquérir le plus de vertu magnétique.

Lorsqu’une lame de fer ou d’acier d’une certaine largeur & épaisseur se trouve trop courte, pour recevoir beaucoup de vertu magnétique par communication, on peut y suppléer en l’attachant sur un autre morceau de fer plus long, à-peu-près de même largeur & épaisseur, ensorte que se tout soit à-peu-près aussi long qu’il est nécessaire, pour qu’une barre qui auroit ces mêmes dimensions pût acquérir le plus de vertu magnétique qu’il est possible en la passant sur le pole de l’aimant : alors en séparant la petite barre de la grande, on trouvera sa vertu magnétique considérablement augmentée. C’est ainsi qu’on a trouvé moyen d’augmenter considérablement la vertu magnétique d’un bout de lame de sabre d’un pied de long, en l’appliquant sur un autre qui avoit 2 piés 7 pouces & huit lignes de longueur, & en les aimantant dans cette situation : alors la petite lame qui ne pouvoit porter, étant aimantée toute seule, que 4 onces 2 gros 36 grains, soûleva après avoir été séparée de la grande, 7 onces 3 gros 36 grains.

Il faut cependant observer que deux lames ainsi unies l’une à l’autre, ne reçoivent pas autant de vertu magnétique, qu’une seule lame de même longueur & d’égale dimension. Car on a coupé en deux parties bien égales une lame de fer médiocrement mince, & on a partagé une des moitiés en plusieurs morceaux rectangulaires : on a rapproché les parties sciées les unes des autres, afin qu’elles pussent faire à-peu-près la longueur qu’elles avoient auparavant, & on les a fixées dans cette situation : on a placé à côté la moitié de la lame qui n’a

point été coupée, & on les a aimantées toutes deux également : la partie qui étoit restée entiere a eu beaucoup plus de vertu magnétique que l’autre, & la partie coupée en recevoit d’autant moins, que ses fragmens étoient moins contigus les uns aux autres.

Indépendamment de ces méthodes de communiquer au fer la vertu magnétique par le moyen de l’aimant, il y en a d’autres dont nous parlerons ci-après en traitant du magnétisme artificiel : mais nous ne saurions nous dispenser à présent de faire savoir qu’il y a des moyens de donner au fer une vertu magnétique très-considérable, & même d’augmenter celle des aimans foibles au point de les rendre très-vigoureux. M. Knight du Collége de la Magdelaine à Oxford, est l’auteur de cette découverte, qu’il n’a pas encore rendue publique : voici des exemples de la grande vertu magnétique qu’il a communiquée à des barreaux d’acier, qu’on ne pouvoit pas leur procurer en les aimantant sur les meilleurs aimans à la maniere ordinaire : 1°. un petit barreau d’acier à huit pans, de trois pouces de long, & du poids d’environ une demi-once, a levé par un de ses bouts environ onze onces sans être armé : 2°. un autre barreau d’acier parallelepipede de de pouce de long, de de pouce de large, & de d’épaisseur, pesant deux onces huit grains , a levé vingt onces par une de ses extrémités sans être armé : 3°. un autre barreau de la même forme & de quatre pouces de long, armé d’acier comme un aimant, l’armure contenue avec un bandage d’argent, le tout pesant une once quatorze grains, a levé par le pié de son armure quatre livres : 4°. un barreau d’acier parallelepipede de quatre pouces de long, d’un pouce de large, & de de pouce d’épaisseur, armé par ses extrémités avec un bandage de cuivre pour maintenir l’armure, le tout pesant quatorze onces un scrupule, a levé par un des piés de l’armure quatorze livres deux onces & demie.

Il a fait aussi un aimant artificiel avec douze barreaux d’acier armés à la maniere ordinaire, lequel a levé par un des piés de l’armure 23 livres deux onces & demie. Ces 12 barreaux avoient chacun un peu plus de 4 pouces de long, de pouce de large, & d’épaisseur ; chacune de ces lames pesoit environ 25 scrupules ; & elles étoient placées l’une sur l’autre, ensorte qu’elles formoient un parallelepipede d’environ deux pouces de haut : toutes ces lames étoient bien serrées avec des liens de cuivre, & portoient une armure d’acier à l’ordinaire ; le tout pesoit 20 onces.

La méthode de communiquer une grande vertu magnétique, particuliere à M. Knight, n’est pas bornée au fer & à l’acier : il sait aussi aimanter un aimant foible au point de le rendre excellent : il en a présenté un à la Société Royale de Londres, qui pesoit tout armé 7 scrupules 14 grains, & qui pouvoit à peine lever deux onces ; l’ayant aimanté diverses fois, suivant sa méthode, il souleva jusqu’à 13 onces. Il aimante si fort un aimant foible, qu’il fait évanoüir la vertu de ses poles, & leur en substitue ensuite d’autres plus vigoureux & directement contraires, ensorte qu’il met le pole boréal où étoit naturellement le pole austral, & ainsi de l’autre pole : pareillement il place les poles d’un aimant où étoit auparavant l’équateur, & l’équateur où étoient les poles : dans un aimant cylindrique il met un pole boréal tout-au-tour de la circonférence du cercle qui fait une des bases, & le pole austral au centre de ce même cercle, tandis que toute la circonférence de l’autre base est un pole austral, & le centre est pole boréal. Il place à sa volonté les poles d’un aimant en quel endroit on peut le desirer ; par exemple, il rend pole boréal le milieu d’une pierre, & les deux extrémités sont pole austral. En-