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connoître le génie des Zabiens, de rapporter ici quelques-uns de leurs dogmes. Ils croyoient que les étoiles étoient autant de dieux ; & que le soleil tenoit parmi elles le premier rang. Ils les honoroient d’un double culte, savoir d’un culte qui étoit de tous les jours, & d’un autre qui ne se renouvelloit que tous les mois. Ils adoroient les démons sous la forme de boucs ; ils se nourrissoient du sang des victimes, qu’ils avoient cependant en abomination ; ils croyoient par-là s’unir plus intimement avec les démons. Ils rendoient leurs hommages au soleil levant, & ils observoient scrupuleusement toutes les cérémonies, dont nous voyons le contraste frappant dans la plûpart des lois de Moyse ; car Dieu, selon plusieurs savans, n’a affecté de donner aux Juifs des lois qui se trouvoient en opposition avec celles des Zabiens, que pour détourner les premiers de la superstition extravagante des autres. Si nous lisons Pocock, Hyde, Prideaux, & les auteurs arabes, nous trouverons que tout leur système de religion se réduit à ces différens articles que nous allons détailler. 1°. Il y avoit deux sectes de Zabiens ; le fondement de la croyance de l’une & de l’autre étoit, que les hommes ont besoin de médiateurs qui soient placés entr’eux & la Divinité ; que ces médiateurs sont des substances pures, spirituelles & invisibles ; que ces substances, par cela même qu’elles ne peuvent être vûes, ne peuvent se communiquer aux hommes, si l’on ne suppose entr’elles & les hommes d’autres médiateurs qui soient visibles ; que ces médiateurs visibles étoient pour les uns des chapelles, & pour les autres des simulachres ; que les chapelles étoient pour ceux qui adoroient les sept planetes, lesquelles étoient animées par autant d’intelligences, qui gouvernoient tous leurs mouvemens, à peu près comme notre corps est animé par une ame qui en conduit & gouverne tous les ressorts ; que ces astres étoient des dieux, & qu’ils présidoient au destin des hommes, mais qu’ils étoient soûmis eux-mêmes à l’Être suprème ; qu’il falloit observer le lever & le coucher des planetes, leurs différentes conjonctions, ce qui formoit autant de positions plus ou moins régulieres ; qu’il falloit assigner à ces planetes leurs jours, leurs nuits, leurs heures pour diviser le tems de leur révolution, leurs formes, leurs personnes, & les régions où elles roulent ; que moyennant toutes ces observations on pouvoit faire des talismans, des enchantemens, des évocations qui réussissoient toûjours ; qu’à l’égard de ceux qui se portoient pour adorateurs des simulachres, ces simulachres leur étoient nécessaires, d’autant plus qu’ils avoient besoin d’un médiateur toûjours visible, ce qu’ils ne pouvoient trouver dans les astres, dont le lever & le coucher qui se succedent régulierement, les dérobent aux regards des mortels ; qu’il falloit donc leur substituer des simulachres, moyennant lesquels ils pussent s’élever jusqu’aux corps des planetes, des planetes aux intelligences qui les animent, & de ces intelligences jusqu’au Dieu suprème ; que ces simulachres devoient être faits du métal qui est consacré à chaque planete, & avoir chacun la figure de l’astre qu’ils réprésentent ; mais qu’il falloit sur-tout observer avec attention les jours, les heures, les degrés, les minutes, & les autres circonstances propres à attirer de bénignes influences, & se servir des évocations, des enchantemens, & des talismans qui étoient agréables à la planete ; que ces simulachres tenoient la place de ces dieux célestes, & qu’ils étoient entr’eux & nous autant de médiateurs. Leurs pratiques n’étoient pas moins ridicules que leur croyance. Abulfeda rapporte qu’ils avoient coûtume de prier la face tournée vers le pole arctique, trois fois par jour ; avant le lever du soleil, à midi, & au soir ; qu’ils avoient trois jeûnes, l’un de trente jours, l’autre de neuf, & l’autre de sept ; qu’ils

s’abstenoient de manger des féves & de l’ail ; qu’ils faisoient brûler entierement les victimes, & qu’ils ne s’en réservoient rien pour manger.

Voilà tout ce que les Arabes nous ont appris du système de religion des Zabiens. Plusieurs traces de l’astrologie Chaldaïque, telle que nous la donnerons à l’article Chaldéens, s’y laissent appercevoir. C’est elle sans doute qui aura été la premiere pierre de l’édifice de religion que les Zabiens ont bâti. On y voit encore quelques autres traits de ressemblance, comme cette ame du monde qui se distribue dans toutes ses différentes parties, & qui anime les corps célestes, sur-tout les planetes, dont l’influence sur les choses d’ici bas est si marquée & si incontestable dans tous les vieux systèmes des religions orientales. Mais ce qui y domine sur-tout, c’est la doctrine d’un médiateur ; doctrine qu’ils auront dérobée, soit aux Juifs, soit aux Chrétiens ; la doctrine des génies médiateurs, laquelle a eu un si grand cours dans tout l’Orient, d’où elle a passé chez les cabalistes & les philosophes d’Alexandrie, pour revivre chez quelques Chrétiens hérétiques, qui en prirent occasion d’imaginer divers ordres d’æones. Il est aisé de voir par-là que le Zabaïsme n’est qu’un composé monstrueux & un mêlange embarrassant de tout ce que l’idolatrie, la superstition & l’hérésie ont pû imaginer dans tous les tems de plus ridicule & de plus extravagant. Voilà pourquoi, comme le remarque fort bien Spencer, il n’y a rien de suivi ni de lié dans les différentes parties qui composent le Zabaïsme. On y retrouve quelque chose de toutes les religions, malgré la diversité qui les sépare les unes des autres. Cette seule remarque suffit pour faire voir que le Zabaïsme n’est pas aussi ancien qu’on le croit ordinairement ; & combien s’abusent ceux qui en donnent le nom à cette idolatrie universellement répandue des premiers siecles, laquelle adoroit le soleil & les astres. Le culte religieux que les Zabiens rendoient aux astres, les jetta, par cet enchaînement fatal que les erreurs ont entr’elles, dans l’Astrologie, science vaine & ridicule, mais qui flatte les deux passions favorites de l’homme ; sa crédulité, en lui promettant qu’il percera dans l’avenir ; & son orgueil, en lui insinuant que sa destinée est écrite dans le ciel. Ceux qui d’entr’eux s’y sont le plus distingués, sont Thebet Ibn Korra, Albategnius, &c.

ARABESQUE ou MORESQUE, s. m. ouvrage de peinture ou de sculpture, qu’on nomme ainsi des Arabes & des Mores, qui employoient ces sortes d’ornemens au défaut de réprésentations humaines & d’animaux que leur religion défendoit d’employer. On fait encore usage de ces ornemens, que l’on exécute en peinture seulement & non en sculpture, tels qu’on en voit au château de Meudon, à celui de Sceaux, de Chantilly, à la Ménagerie, à Trianon, &c. peints par Audran avec beaucoup d’art, de feu, & d’invention. Berin, Gillot & Vateau ont aussi excellé dans ce genre d’ornement, dont on s’est servi pour fabriquer aux Gobelins & à la Savonerie quelques tapisseries des appartemens du Roi, des portieres, des paravens, & autres meubles de cette espece, auxquels ces sortes d’ornemens sont propres, & non ailleurs ; aussi nos meilleurs architectes n’en font-ils usage que là, ou tout au plus dans de petits appartemens, comme chambre & salle des bains, cabinets de toilette, garde-robes, &c. & méprisent le mauvais goût de ces sculpteurs qui prodiguent ces ornemens chimériques & imaginaires dans les appartemens qui demandent de la gravité ; au lieu de leur préférer ce que la nature nous offre de plus beau dans ses productions. (P)

* ARABI, le golfe de Gli-Arabi, (Géog. anc. & mod.) autrefois Gysis ou Zygis, petit golfe de la mer de Barbarie, entre les côtes de Barca & de l’Egypte.