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dans les élémens d’Artillerie de David Rivaut, précepteur du roi Louis XIII : elle a été inventée par un nommé Marin, bourgeois de Lisieux, & présentée au roi Henry IV. ce qu’il est à propos de remarquer, dit M. Blondel dans son livre de l’art de jetter les bombes, afin de desabuser ceux qui ont crû qu’on en devoit le secret à des ouvriers d’Hollande, qui en ont débité depuis. On peut encore observer qu’on en trouve la description dans la plûpart des traités de Physique, entre autres dans les leçons de Physique de M. l’abbé Nollet, pag. 233. tom. III. (Q)

ARQUEBUSERIE, s. f. art de fabriquer toutes sortes d’armes à feu, qui se montent sur des fûts, comme sont les arquebuses, les fusils, les mousquets, les carabines, les mousquetons, les pistolets. Il se dit aussi du commerce, qui se fait de ces armes. L’arquebuserie, que quelques-uns mettent au rang de la quincaille, fait partie du négoce des marchands Merciers.

ARQUEBUSIER, s. m. qu’on nommoit autrefois artillier, artisan qui fabrique les petites armes à feu, telles que sont les arquebuses, dont ils ont pris leur nouveau nom, les fusils, les mousquets, les pistolets, & qui en forgent les canons ; qui en font les platines, & qui les montent sur des fûts de bois. Toutes les armes que fabriquent les arquebusiers, consistent en quatre principales pieces, qui sont le canon, la platine, le fût & la baguette.

Les meilleurs canons se forgent à Paris, par des maîtres de la communauté, qui ne s’appliquent qu’à cette partie du métier, & qui en fournissent les autres. Il en vient néanmoins quantité de Sedan, de Charleville, d’Abbeville, de Forès, de Franche-Comté, &c. Les canons des belles armes s’ornent vers la culasse d’ouvrages de ciselure & de damasquinure d’or au d’argent, suivant le génie de l’ouvrier, & le goût de celui qui les commande. Voyez Damasquinure. C’est aussi à Paris qu’on travaille les plus excellentes platines ; chaque maître faisant ordinairement celles des ouvrages qu’il monte. Plusieurs se servent néanmoins de platines foraines pour les armes communes, & les tirent des mêmes lieux que les canons. Voyez Canon, Platine.

Les fûts qu’on employe pour l’arquebuserie, sont de bois de noyer, de frêne, ou d’érable, suivant la qualité ou la beauté des armes qu’on veut monter dessus. Ce sont les marchands de bois qui vendent les pieces en gros ; les menuisiers qui les débitent suivant les calibres au modele qu’on leur fournit, & les arquebusiers qui les dégrossissent & les achevent. On embellit quelquefois ces fûts de divers ornemens d’or, d’argent, de cuivre ou d’acier, gravés & ciselés ; les statuts de la communauté permettent aux maîtres de travailler, & d’appliquer ces ouvrages de gravure & de cizelure, de quelque métal qu’ils veuillent les faire. Voyez Fust.

Les baguettes sont de chêne, de noyer, ou de baleine ; il s’en fait aux environs de Paris : mais la plus grande quantité & les meilleures viennent de Normandie & de Ligourne : elles se vendent au paquet & au quart de paquet. Le paquet est ordinairement de cent baguettes, néanmoins le nombre n’en est pas reglé. Ce sont les arquebusiers qui les ferrent & qui les achevent : ils font aussi les baguettes ou yerges de fer, qui servent à charger certaines armes, particulierement celles dont les canons sont rayés en dedans.

C’est aussi aux maîtres arquebusiers à faire tout ce qui sert à charger, décharger, monter, démonter & nettoyer toutes les sortes d’armes qu’ils fabriquent.

Les outils & instrumens dont se servent les maîtres arquebusiers, sont la forge, comme celle des serruriers, l’enclume, la grande bigorne, divers marteaux, gros, moyens & petits ; plusieurs limes, les compas communs, les compas à pointes courbées, les compas à

lunette & les compas à tête ; les calibres d’acier doubles & simples, pour roder la noix & les vis ; d’autres calibres de bois pour servir de modele à tailler les fûts ; diverses filieres, les unes communes, les autres simples, & les autres doubles ; des pinces ou pincettes, des étaux à main, des rifloirs, des ciselets, des matoirs, des gouges, & des ciseaux en bois & en fer ; des rabots ; la plane ou couteau à deux manches ; la broche à huit pans pour arrondir les trous ; celle à quatre pour les agrandir & équarrir ; les tenailles ordinaires, les tenailles à chanfraindre ; la potence, l’équierre, les fraises, le tour avec ses poupées & son archet ; le poinçon à piquer, pour ouvrir les trous ; le bec d’âne pour travailler le fer ; des écoüennes & écoüenettes de diverses sortes ; des portes-tarieres ; des portes-broches ; un chevalet à fraiser avec son arçon : enfin plusieurs scies à main & à refendre ; & quelques autres outils, que chaque ouvrier invente, suivant son génie & son besoin, & qui ont rapport à plusieurs de ceux qu’on vient de nommer.

Les arquebusiers, nommés improprement armuriers, parce que ce nom ne convient qu’aux heaumiers qui font des armes défensives, composent une des plus nombreuses communautés de Paris, quoique leur erection en corps de jurande ne soit pas d’une grande antiquité. Les reglemens des arquebusiers sont composés de 28 articles : les jurés sont fixés au nombre de quatre, dont deux s’élisent chaque année. Les jurés sont chargés de la passation & enregistrement des brevets d’apprentissage, des réceptions à maîtrise pour lesquelles ils donnent le chef-d’œuvre ; des visites, tant ordinaires qu’extraordinaires, soit des ouvrages des maîtres, soit des marchandises foraines ; enfin, de tout ce qui regarde l’exécution des statuts & la police de la communauté. Nul ne peut tenir boutique qu’il n’ait été reçû maître ; & aucun ne peut être reçû maître, qu’il n’ait été apprenti & compagnon du métier d’arquebuserie. Il n’est permis aux maîtres d’ouvrir sur rue qu’une seule boutique. Tout maître doit avoir son poinçon pour marquer ses ouvrages, dont l’empreinte doit rester sur une table de cuivre, déposée au Châtelet dans la chambre du Procureur du Roi. L’apprentissage doit être de quatre années consécutives, & le service chez les maîtres en qualité de compagnon, avant d’aspirer à la maîtrise, de quatre autres années. Chaque maître ne peut avoir qu’un seul apprenti à la fois ; sauf néanmoins à ceux qui le veulent, d’en prendre un second après la troisieme année du premier achevée. Il est défendu à tout apprenti d’être plus de trois mois hors de chez son maître, s’il n’a cause légitime, à peine d’être renvoyé, & être déchû de tout droit à la maîtrise. Les maîtres ne peuvent débaucher ni les apprentis, ni les compagnons, non plus que ceux-ci quitter leurs maîtres pour aller chez d’autres, avant que leurs ouvrages ou leur tems soient achevés. Tout aspirant à la maîtrise doit chef-d’œuvre, à l’exception des fils de maîtres, qui ne doivent qu’expérience.

Les fils de maîtres, soit qu’ils travaillent dans la maison de leur pere, soit qu’ils apprennent le métier dehors, sont obligés à l’apprentissage de quatre ans ; tenant lieu d’apprentis aux autres maîtres, mais non pas à leurs peres. Nul apprenti ne peut racheter son tems. Les compagnons qui ont fait apprentissage à Paris doivent être préférés pour l’ouvrage chez les maîtres, aux compagnons étrangers, à moins que les premiers ne voulussent pas travailler au même prix que les derniers. Les veuves restant en viduité joüissent des priviléges de leurs maris, sans néanmoins pouvoir faire d’apprentis ; & elles & les filles de maîtres affranchissent les compagnons qui les épousent. Toute marchandise foraine du métier d’arque-