L’Encyclopédie/1re édition/CANON

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* CANON, s. m. ce terme a dans notre langue une infinité d’acceptions différentes, qui n’ont presqu’aucun rapport les unes avec les autres. Il désigne un catalogue, une décision, une arme, & plusieurs instrumens méchaniques de différentes sortes.

* Canon, en Théologie, c’est un catalogue authentique des livres qu’on doit reconnoître pour divins, fait par une autorité légitime, & donné au peuple pour lui apprendre quels sont les textes originaux qui doivent être la regle de sa conduite & de sa foi. Le canon de la Bible n’a pas été le même en tout tems ; il n’a pas été uniforme dans toutes les sociétés qui reconnoissent ce recueil pour un livre divin. Les Catholiques Romains sont en contestation sur ce point avec les Protestans. L’Eglise chrétienne, outre les livres du nouveau-Testament qu’elle a admis dans son canon, en a encore ajoûté, dans le canon de l’ancien-Testament qu’elle a reçu de l’église Juive, quelques-uns qui n’étoient point auparavant dans le canon de celle-ci, & qu’elle ne reconnoissoit point pour des livres divins. Ce sont ces différences qui ont donné lieu à la distribution des livres saints en protocanoniques, deutérocanoniques, & apocryphes. Il faut cependant observer qu’elles ne tombent que sur un très-petit nombre de livres. On convient sur le plus grand nombre qui compose le corps de la Bible. On peut former sur le sujet que nous traitons, plusieurs questions importantes. Nous en allons examiner quelques-unes, moins pour les décider, que pour proposer à ceux qui doivent un jour se livrer à la critique, quelques exemples de la maniere de discuter & d’éclaircir les questions de cette nature.

Y a-t-il eu chez les Juifs un canon des livres sacrés ? Premiere question. Le peuple Juif ne reconnoissoit pas toutes sortes de livres pour divins ; cependant il accordoit ce caractere à quelques-uns : donc il y a eu chez lui un canon de ces livres, fixé & déterminé par l’autorité de la synagogue. Peut-on douter de cette vérité quand on considere que les Juifs donnoient tous le titre de divins aux mêmes livres, & que le consentement étoit entr’eux unanime sur ce point ? D’où pouvoit naitre cette unanimité ? sinon d’une regle faite & connue qui marquoit à quoi l’on devoit s’en tenir ; c’est-à-dire d’un canon ou d’un catalogue authentique qui fixoit le nombre des livres, & en indiquoit les noms. On ne conçoit pas qu’entre plusieurs livres écrits en différens tems & par différens auteurs, il y en ait eu un certain nombre généralement admis pour divins à l’exclusion des autres, sans un catalogue autorisé qui distinguât ceux-ci de ceux pour qui l’on n’a pas eu la même vénération ; & ce seroit nous donner une opinion aussi fausse que dangereuse de la nation Juive, que de nous la représenter acceptant indistinctement & sans examen tout ce qu’il plaisoit à chaque particulier de lui proposer comme inspiré : ce qui précede me paroît sans replique. Il ne s’agit plus que de prouver que les Juifs n’ont reconnu pour divins qu’un certain nombre de livres, & qu’ils se sont tous accordés à diviniser les mêmes. Les preuves en sont sous les yeux. La premiere se tire de l’uniformité des catalogues que les anciens peres ont rapportés toutes les fois qu’ils ont eu lieu de faire l’énumération des livres reconnus pour sacrés par les Hébreux. Si les Juifs n’avoient pas eux-mêmes fixé le nombre de leurs livres divins, les peres ne se seroient pas avisés de le faire : ils se seroient contentés de marquer ceux que les Chrétiens devoient regarder comme tels, sans se mettre en peine de la croyance des Juifs là-dessus ; ou s’ils avoient osé supposer un canon Juif qui n’eût pas existé, ils ne l’auroient pas tous fabriqué de la même maniere ; la vérité ne les dirigeant pas, le caprice les eût fait varier, soit dans le choix, soit dans le nombre ; & plusieurs n’auroient pas manqué surtout d’y insérer ceux que nous nommons deutérocanoniques, puisqu’ils les croyoient divins, & les citoient comme tels. Nous devons donc être persuadés de leur bonne foi par l’uniformité de leur langage, & par la sincérité de l’aveu qu’ils ont fait que quelques livres mis par l’Eglise au rang des anciennes écritures canoniques, en étoient exclus par les synagogues. La même raison doit aussi nous convaincre qu’ils ont été suffisamment instruits de ce fait : car s’il y avoit eu de la diversité ou des variations sur ce point entre les Juifs, ils auroient eu au moins autant de facilité pour s’en informer, que pour savoir qu’on y comptoit ces livres par les lettres de l’alphabet, & ils nous auroient transmis l’un comme l’autre. L’accord des peres sur la question dont il s’agit, démontre donc celui des Juifs sur leur canon.

Mais à l’autorité des peres se joint celle de Josephe, qui sur ces matieres, dit M. Huet, en vaut une foule d’autres, unus pro mille. Josephe, de race sacerdotale, & profondément instruit de tout ce qui concernoit sa nation, est du sentiment des peres. On lit dans son premier livre contre Appion, que les Juifs n’ont pas comme les Grecs, une multitude de livres ; qu’ils n’en reconnoissent qu’un certain nombre comme divins ; que ces livres contiennent tout ce qui s’est passé depuis le commencement du monde jusqu’à Artaxercès ; que quoiqu’ils ayent d’autres écrits, ces écrits n’ont pas entr’eux la même autorité que les livres divins, & que chaque Juif est prêt à répandre son sang pour la défense de ceux-ci : donc il y avoit chez les Juifs, selon Josephe, un nombre fixé & déterminé de livres reconnus pour divins ; & c’est-là précisément ce que nous appellons canon.

La tradition constante du peuple Juif est une troisieme preuve qu’on ne peut rejetter. Ils ne comptent encore aujourd’hui entre les livres divins que ceux, disent-ils, dont leurs anciens peres ont dressé le canon dans le tems de la grande synagogue, qui fleurit après le retour de la captivité. C’est même en partie par cette raison qu’elle fut nommée grande. L’auteur du traité Megillah dans la Gémare, nous apprend au ch. iij que ce titre lui fut donné non-seulement pour avoir ajoûté au nom de Dieu l’épithete gadol, grand, magnifique, mais encore pour avoir dressé le canon des livres sacrés : donc, pouvons-nous conclurre pour la troisieme fois, il est certain qu’il y a eu chez les Juifs un canon déterminé & authentique des livres de l’ancien Testament regardés comme divins.

N’y a-t-il jamais eu chez les Juifs qu’un même & seul canon des saintes Ecritures ? Seconde question, pour servir de confirmation aux preuves de la question précédente. Quelques auteurs ont avancé que les Juifs avoient fait en différens tems différens canons de leurs livres sacrés ; & qu’outre le premier composé de vingt-deux livres, ils en avoient dressé d’autres où ils avoient inséré comme divins, Tobie, Judith, l’Ecclésiastique, la Sagesse, & les Machabées.

Genebrard suppose dans sa chronologie trois différens canons faits par les assemblées de la synagogue : le premier au tems d’Esdras, dressé par la grande synagogue, qu’il compte pour le cinquieme synode ; il contenoit vingt-deux livres : le second au tems du pontife Eléazar, dans un synode assemblé pour délibérer sur la version que demandoit le roi Ptolémée, & que nous appellons des Septante, où l’on mit au nombre des livres divins Tobie, Judith, la Sagesse, & l’Ecclésiastique : le troisieme au tems d’Hircan, dans le septieme synode assemblé pour confirmer la secte des Pharisiens, dont Hillel & Sammal étoient les chefs, & condamner Sadoc & Barjetos, promoteurs de celle des Saducéens, & où le dernier canon fut augmenté du livre des Machabées, & les deux canons précédens confirmés malgré les Saducéens, qui comme les Samaritains ne vouloient admettre pour divins que les cinq livres de Moyse. À entendre Genebrard établir si délibérément toutes ces distinctions, on diroit qu’il a tous les témoignages de l’histoire ancienne des Juifs en sa faveur ; cependant on n’y trouve rien de pareil, & l’on peut regarder sa narration comme un des efforts d’imagination les plus extraordinaires, & une des meilleures preuves que l’on ait de la nécessité de vérifier les faits avant que de les admettre en démonstration.

Serrarius, qui est venu après Génébrard, n’a pas jugé à propos d’attribuer aux Juifs trois canons différens. Il a cru que c’étoit assez de deux, l’un de vingt-deux livres fait par Esdras ; & le même, augmenté des livres deutérocanoniques, & dressé du tems des Machabées. Pour preuve de ce double canon, il lui a semblé, ainsi qu’à Genebrard, que sa parole suffisoit. Il se propose cependant l’objection du silence des peres sur ces différens canons, & de leur accord unanime à n’en reconnoître qu’un composé de vingt-deux livres divins. Mais sa réponse est moins celle d’un savant qui cherche la vérité, que celle d’un disputant qui défend sa these. Il prétend avec confiance que les peres en parlant du canon des écritures Juives, composées de vingt-deux livres, n’ont fait mention que du premier, sans exclurre les autres. Quoi donc, lorsqu’on examine par une recherche expresse quels sont les livres admis pour divins par une nation, qu’on en marque positivement le nombre, & qu’on en donne les noms en particulier, on n’exclut pas ceux qu’on ne nomme pas ? Moyse en disant qu’Abraham prit avec lui trois cents dix-huit de ses serviteurs, pour délivrer Loth son neveu des mains de ses ennemis, n’a-t-il pas exclu le nombre de quatre cents ? & lorsque l’évangéliste dit que Jesus-Christ choisit douze apôtres parmi ses disciples, n’exclud-il pas un plus grand nombre ? Les peres pouvoient-ils nous dire plus expressément que le canon des livres de l’ancien Testament n’alloit pas jusqu’à trente, qu’en nous assûrant qu’il étoit de vingt-deux ? Quand Meliton dit à Onésime qu’il a voyagé jusques dans l’orient pour découvrir quels étoient les livres canoniques, & qu’il nomme ensuite ceux qu’il a découverts & connus, n’en dit-il pas assez pour nous faire entendre qu’il n’en a pas connu d’autres que ceux qu’il nomme ? C’est donc exclurre un livre du rang des livres sacrés, que de ne point le mettre dans le catalogue qu’on en fait exprès pour en désigner le nombre & les titres. Donc, en faisant l’énumération des livres reconnus pour divins par les Juifs, les peres ont nécessairement exclu tous ceux qu’ils n’ont pas nommés ; de même que quand nos papiers publics donnent la liste des officiers que le Roi a promus, on est en droit d’assûrer qu’ils excluent de ce nombre tous ceux qui ne se trouvent pas dans leur liste. Mais si ces raisons ne suffisent pas, si l’on veut des preuves positives que les peres ont exclu d’une maniere expresse & formelle du canon des Ecritures admises pour divines par les Juifs, tous les livres qu’ils n’ont pas comptés au nombre des vingt-deux, il ne sera pas difficile d’en trouver.

Saint Jérôme, dans son prologue défensif, dit qu’il l’a composé afin qu’on sache que tous les livres qui ne sont pas des vingt-deux qu’il a nommés, doivent être regardés comme apocryphes : ut scire valeamus quidquid extra hos est (on verra dans la question suivante quels étoient ces vingt-deux livres) inter apocrypha esse ponendum. Il ajoûte ensuite que la Sagesse, l’Ecclesiastique, Tobie, Judith, ne sont pas dans le canon. Igitur Sapientia, quæ vulgo Salomonis inscribitur, & Jesu filii Sirach liber, & Judith, & Tobias, & Pastor, non sunt in canone. Dans la préface sur Tobie, il dit que les Hébreux excluent ce livre du nombre des Ecritures divines, & le rejettent entre les apocryphes. Il en dit autant à la tête de son commentaire sur le prophete Jonas.

On lit dans la lettre qu’Origene écrit à Asricanus, que les Hébreux ne reconnoissent ni Tobie ni Judith, mais qu’ils les mettent au nombre des livres apocryphes : nos oportet scire quod Hebræi Tobia non utuntur neque Judith ; non enim ea habent nisi in apocryphis.

Saint Epiphane dit, nomb. 3 & 4 de son livre des Poids & des mesures, que les livres de la Sagesse & de l’Ecclésiastique ne sont pas chez les Juifs au rang des Ecritures-saintes.

L’auteur de la Synopse assure que Tobie, Judith, la Sagesse & l’Ecclesiastique, ne sont point des livres canoniques, quoiqu’on les lise aux catéchumenes.

Y a-t-il rien de plus clair & de plus décisif que ces passages ? Sur quoi se retranchera donc Serrarius ? Il répetera que les peres ne parlent dans tous ces endroits que du premier canon des Juifs : mais on ne l’en croira pas ; on verra qu’ils y disent nettement que Judith, Tobie, & les autres de la même classe, ne sont pas reconnus pour divins par les Juifs, par les Hébreux, par la nation. D’ailleurs, ce second canon imaginaire ne devoit-il pas avoir été fait par les Juifs ainsi que le premier ? Comment donc S. Jérôme & Origene auroient-ils pû avancer que les Juifs regardoient comme apocryphes des livres qu’ils auroient déclarés authentiquement divins & sacrés, quoique par un second canon ? Le premier ajoûteroit-il, comme il fait dans sa préface sur Tobie, que les Juifs peuvent lui reprocher d’avoir traduit cet ouvrage comme un livre divin, contre l’autorité de leur canon, s’il y avoit eu parmi eux un second canonTobie eût été mis au rang des livres divins ? Méliton n’a-t-il recherché que les livres du premier canon, ou a-t-il voyagé jusques dans l’orient pour connoître tous les ouvrages reconnus de son tems pour canoniques ? en un mot, le dessein des peres en publiant le catalogue des livres admis pour divins chez les Juifs, étoit-il d’exposer la croyance de ce peuple au tems d’Esdras, ou plûtôt celle de leur tems ? & s’il y avoit eu lieu à quelque distinction pareille, ne l’auroient-ils pas faite ? Laissons donc l’école penser là-dessus ce qu’elle voudra : mais concluons, nous, que les Juifs n’ont eu ni trois, ni deux canons, mais seulement un canon de vingt-deux livres ; & persistons dans ce sentiment jusqu’à ce qu’on nous en tire, en nous faisant voir que les peres se sont trompés, ce qui n’est pas possible. Car d’où tireroit-on cette preuve ? aucun ancien auteur n’a parlé du double canon. La tradition des Juifs y est formellement contraire. Ils n’ont encore aujourd’hui de livres divins que les vingt-deux qu’ils ont admis de tout tems comme tels. Josephe dit, ainsi qu’on l’a déja vû, & qu’on le verra plus bas encore, que sa nation ne reconnoît que vingt-deux livres divins ; & que, si elle en a d’autres, elle ne leur accorde pas la même autorité. Mais, dira-t-on, Josephe a cité l’Ecclésiastique dans son second livre contre Appion. Quand on en conviendroit, s’ensuivroit-il de là qu’il en a fait un livre divin ? Nullement. Mais il n’est point du tout décidé que Josephe ait cité l’Ecclésiastique. Il se propose de démontrer l’excellence & la supériorité de la législation de Moyse sur celles de Solon, de Lycurgue & des autres. Il rapporte à cette occasion des préceptes & des maximes, & il attribue à Moyse l’opinion que l’homme est supérieur en tout à la femme. Il lui fait dire que l’homme méchant est meilleur que la femme bienfaisante ; γυνὴ δὲ χείρων φησὶν ἀνδρὸς ὡς τὰ πάντα, καὶ ἡ πονηρία αὐτοῦ ὑπὲρ ἀγαθοποιοῦ γυναικὸς ; paroles citées comme de Moyse, & non comme de l’Ecclésiastique. On objectera sans doute que ce passage ne se trouve point dans Moyse. Soit. Donc Josephe ne le lui attribue pas. Je le nie, parce que le fait est évident. Mais quand je conviendrois de tout ce qu’on prétend, on n’en pourroit jamais inférer que Josephe ait déclaré l’Ecclésiastique livre canonique. M. Pithou remarque que les dernieres paroles du passage cité de Josephe ne sont pas de lui, & qu’elles ont été insérées selon toute apparence par quelque copiste. Cette critique est d’autant plus vraissemblable, qu’elles ne se trouvent pas dans l’ancienne version Latine de Rufin. Donc le double & le triple canon sont des chimeres, les Juifs n’en faisant aucune mention, & les peres ne les ayant point connus : ce qu’il falloit démontrer.

De combien de livres étoit composé le canon des Ecritures divines chez les Juifs, & quels étoient ces livres. Troisieme question, dont la solution servira d’éclaircissement & d’appui aux deux questions précédentes. Les Juifs ont toûjours composé leur canon de vingt-deux livres, ayant égard au nombre des lettres de leur alphabet dont ils faisoient usage pour les désigner, selon l’observation de S. Jérôme, dans son prologue général ou défensif. Quelques rabbins en ont compté vingt-quatre ; d’autres vingt-sept ; mais ces différens calculs n’augmentoient ni ne diminuoient le nombre réel des livres ; certains livres divisés en plusieurs parties y occupoient seulement plusieurs places.

Ceux qui comptoient vingt-quatre livres de l’Écriture, séparoient les Lamentations, de la Prophétie de Jérémie, & le livre de Ruth de celui des Juges, que ceux qui n’en comptoient que vingt-deux laissoient unis : les premiers, afin de pouvoir marquer ces vingt-quatre livres avec les lettres de leur alphabet, répétoient trois fois la lettre jod, en l’honneur du nom de Dieu Jehova, que les Chaldéens écrivoient par trois jod. Ce nombre de vingt-quatre est celui dont les Juifs d’à présent se servent pour désigner les livres de l’Ecriture-sainte ; & c’est peut-être à quoi les vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse font allusion.

Ceux qui comptoient vingt-sept livres, séparoient encore en six nombres les livres des Rois & des Paralipomenes, qui n’en faisoient que trois pour les autres. Et pour les indiquer, ils ajoûtoient aux vingt-deux lettres ordinaires de l’alphabet les cinq finales, comme nous l’apprend S. Epiphane dans son livre des Poids & des mesures. Ceux qui savent l’alphabet Hébreu (car il n’en faut pas savoir davantage) connoissent ces lettres finales. Ce sont caph, mem, nun, pé, tsad, qui s’écrivent à la fin des mots d’une maniere différente que dans le milieu ou au commencement.

Le canon étoit donc toûjours le même, soit qu’on comptât les livres par 22, 24 ou 27. Mais la premiere maniere a été la plus générale & la plus commune ; c’est celle de Josephe. M. Simon donne l’ancienneté à celle de 24 : mais je ne sai sur quelle preuve, car il n’en rapporte aucune. J’avoue que ces matieres ne me sont pas assez familieres pour prendre parti dans cette question, & pour hasarder une conjecture.

Voyons maintenant quels étoient ces 22, 24 & 27 livres. S. Jérôme témoin digne de foi dans cette matiere, en fait l’énumération suivante. La Genese. L’Exode. Le Lévitique. Les Nombres. Le Deutéronome. Josué. Les Juges, auquel est joint Ruth. Samuel, ce sont les deux premiers des Rois. Les Rois, ce sont les deux derniers livres. Isaie. Jeremie, avec ses Lamentations. Ezechiel. Les douze petits Prophetes. Job. Les Pseaumes. Les Proverbes. L’Ecclésiaste. Le Cantique des Cantiques. Daniel. Les Paralipomenes, double. Esdras, double. Esther.

S. Epiphane, Heres. viij. nomb. 6. édit. de Petau, rapporte les mêmes livres que S. Jérôme. On retrouve le même canon en deux ou trois autres endroits de son livre des Poids & mesures. Voyez les nomb. 3. 4. 22. 23. On lit au nombre 22, que les Hébreux n’ont que 22 lettres à leur alphabet ; que c’est par cette raison qu’ils ne comptent que 22 livres sacrés, quoiqu’ils en ayent 27, entre lesquels ils en doublent cinq, ainsi qu’ils ont cinq caracteres doubles ; d’où il arrive que comme il y a dans leur écriture 27 caracteres, qui ne font pourtant que vingt deux lettres, de même ils ont proprement vingt-sept livres divins, qui se réduisent à vingt deux.

S. Cyrille de Jérusalem dit aux Chrétiens, dans sa quatrieme catechese, de méditer les vingt-deux livres de l’ancien Testament, & de se les mettre dans la mémoire tels qu’il va les nommer ; puis il les nomme ainsi que nous venons de les rapporter d’après S. Jérôme & S. Epiphane.

S. Hilaire, dans son Prologue sur les Pseaumes, ne differe de l’énumération précédente, ni sur les nombres, ni sur les livres. Le canon 60, de Laodicée, dit la même chose. Origene, cité par Eusebe, avoit dressé le même canon. Ce seroit recommencer la même chose jusqu’à l’ennui, que de rapporter ces canons.

Méliton Evêque de Sardes, qui vivoit au second siecle de l’Église, avoit fait un catalogue qu’Eusebe nous a conservé, c. xxvj. l. IV. de son histoire. Il avoit pris un soin particulier de s’instruire. Il avoit voyagé exprès dans l’orient, & son catalogue est le même que celui des auteurs précédens ; car il est à présumer que l’oubli d’Esther est une faute de copiste.

Bellarmin donne ici occasion à une réflexion, par ce qu’il dit dans son livre des Ecrivains ecclésiastiques, savoir, que Méliton a mis au rang des livres de l’ancien Testament celui de la Sagesse, quoiqu’il ne fût point reconnu par les Juifs pour un livre divin. Mais Bellarmin se trompe lui-même. La Sagesse n’est point dans le canon de Méliton. On y lit : Salomonis Proverbia quæ & Sapientia, Σαλομῶντος Παροιμίαι ἢ καὶ Σοφία D’où il s’ensuit que Méliton ne nomme pas la Sagesse comme un livre distingué des Proverbes ; c’est l’ soit oublié, soit mal entendu, qui a donné lieu à la méprise. Mais, pour revenir au canon des Juifs, Josephe dit dans son livre contre Appion, qu’il n’y a dans sa nation que 22 livres reconnus pour divins, cinq de Moyse, treize des prophetes, contenant l’histoire de tous les tems jusqu’à Artaxercès, & quatre autres qui renferment des hymnes à loüange de Dieu, ou des préceptes pour les mœurs. Il n’entre pas dans le détail, mais il désigne évidemment les mêmes livres que ceux qui sont contenus dans les catalogues des peres.

Sur ce que l’historien Juif a placé dans ses Antiquités l’histoire d’Esther sous le regne d’Artaxercès, & sur ce qu’il dit dans le même endroit que les prophetes n’ont écrit l’histoire que jusqu’au tems de ce prince, & qu’on n’a pas la même foi à ce qui s’est passé depuis, M. Dupin s’est persuadé qu’il exclut le livre d’Esther du nombre des vingt-deux livres de son canon. Mais qui est-ce qui a dit à M. Dupin que Josephe ne s’est point servi du mot jusque dans un sens inclusif, ainsi que du terme depuis dans un sens exclusif ? Ce seroit faire injure à d’habiles & judicieux auteurs qui ont précédé M. Dupin, que de balancer leur témoignage par une observation grammaticale qui, au pis aller, ne prouve ni pour ni contre.

Il ne faut point non plus s’imaginer que Josephe n’ait point mis le livre de Job au nombre des vingt-deux livres divins, parce qu’il ne dit rien dans son ouvrage des malheurs de ce saint homme. Cet auteur a pû regarder le livre de Job comme un livre inspiré, mais non comme une histoire véritable ; comme un poëme qui montroit partout l’esprit de Dieu, mais non comme le récit d’un événement réel ; & en ce sens, quel rapport pourroit avoir l’aventure de Job avec l’histoire de sa nation.

Quel est le tems & quel est l’auteur du canon des livres sacrés chez les Juifs. Quatrieme question. Il semble que ce seroit aujourd’hui un paradoxe d’avancer qu’Esdras ne fut jamais l’auteur du canon des livres sacrés des Juifs ; les docteurs mêmes les plus judicieux ayant mis sur le compte d’Esdras tout ce dont ils ont ignoré l’auteur & l’origine, dans les choses qui concernent la Bible. Ils l’ont fait réparateur des livres perdus ou altérés, réformateur de la maniere d’écrire ; quelques-uns même inventeur des points voyelles, & tous auteur du canon des Ecritures. Il n’y a sur ce dernier article qu’une opinion. Il est étonnant que nos Scaliger, nos Huet, ceux d’entre nous qui se piquent d’examiner de près les choses, n’ayent pas disserté là-dessus ; la matiere en valoit pourtant bien la peine. M. Dupin, au lieu de transcrire en copiste l’opinion de ses prédécesseurs, auroit beaucoup mieux fait d’exposer la question, & de montrer combien il étoit difficile de la résoudre.

Quoi qu’il en soit de l’opinion commune, il me semble qu’il n’y auroit aucune témérité à assûrer qu’on peut soutenir qu’Esdras n’est point l’auteur du canon des livres reconnus pour livres divins par les Juifs, soit qu’on veuille discuter ce fait par l’histoire des empereurs de Perse, & celle du retour de la captivité ; soir qu’on en cherche l’éclaircissement dans les livres d’Esdras & de Néhemie, qui peuvent particulierement nous instruire. L’opinion contraire, quoique plus suivie, n’est point article de foi.

En un mot voici les difficultés qu’on aura à résoudre de part & d’autre, & ces difficultés me paroissent très-grandes : 1°. il faut s’assûrer du tems où Esdras a vécu ; 2°. sous quel prince il est revenu de Babylone à Jérusalem ; 3°. si tous les livres qui sont dans le canon étoient écrits avant lui ; 4°. si lui-même est auteur du livre qui porte son nom.

Voilà la route par laquelle il faudra passer avant que d’arriver à la solution de la 4° question : nous n’y entrerons point, de crainte qu’elle ne nous menât bien au-delà des bornes que nous nous sommes prescrites : ce que nous avons dit jusqu’à présent suffit pour donner à ceux qui se sentent le goût de la critique, un exemple de la maniere dont ils doivent procéder pour parvenir à quelque résultat, satisfaisant pour eux & pour les autres ; c’étoit là principalement notre but.

Il ne nous reste plus qu’une observation à faire, c’est que le canon qui fixe au nombre de vingt-deux les livres divins de l’ancien-Testament, a été suivi dans la premiere Église jusqu’au concile de Carthage ; que ce concile augmenta beaucoup ce canon, comme il en avoit le droit ; & que le concile de Trente a encore été au-delà du concile de Carthage, prononçant anathème contre ceux qui refuseront de se soûmettre à ses décisions.

D’où il s’ensuit que dans toutes discussions critiques sur ces matieres délicates, le jugement de l’Église doit toûjours aller avant le nôtre ; & que dans les occasions où il arriveroit que le résultat de nos recherches ne seroit pas conforme à ses decrets, nous devons croire que l’erreur est de notre côté : l’autorité que nous avons alors contre nous est d’un si grand poids, qu’elle ne nous laisse pas seulement le mérite de la modestie, quand nous nous y soûmettons, & que nous montrons une vanité impardonnable, quand nous balançons à nous soûmettre. Tels sont les sentimens dans lesquels j’ai commencé, continué, & fini cet article, pour lequel je demande au lecteur un peu d’indulgence : il la doit à la difficulté de la matiere, & aux soins que j’ai pris pour la discuter comme elle le mérite. Voyez à l’article Canoniques (Livres) ce qui concerne le canon du nouveau-Testament ; c’est la suite naturelle de ce que nous venons de dire.

Canon, terme d’Histoire ecclésiastique, signifie proprement regle ou décision, soit sur le dogme, soit sur la discipline.

Ce mot est originairement Grec, κανὼν, regle, discipline.

Nous avons les canons des apôtres, de l’authenticité desquels tout le monde ne convient pas, quoiqu’on avoue en général qu’ils sont fort anciens, & diverses collections de canons des conciles que nous allons indiquer d’après M. Fleury, dans son Institution au droit ecclésiastique.

Sous le regne de Constantin, l’an 314, se tinrent les conciles d’Ancyre en Galatie, & de Néocesarée dans le Pont, qui sont les plus anciens dont il nous reste des canons : ensuite, c’est-à-dire en 325, se tint le concile général de Nicée, dont les canons ont aussi été recueillis. Il y eut ensuite trois conciles particuliers dont les canons furent de grande autorité ; l’un à Antioche, capitale de l’Orient, en 341 ; l’autre à Laodicée en Phrygie, vers l’an 370 ; & le troisieme à Gangres en Paphlagonie, vers l’an 375 ; enfin l’an 381 se tint le second concile universel à Constantinople.

Les canons de ces sept conciles furent recueillis en un corps qu’on appella le code des canons de l’Église universelle, auxquels on ajoûta ceux du concile d’Ephese, qui fut le troisieme œcuménique tenu en 430, & ceux du concile de Chalcédoine, tenu en 450 : on y ajoûta aussi les canons des apôtres, au nombre de cinquante, & ceux du concile de Sardique, tenu en 347, & que l’on regardoit en plusieurs églises comme une suite du concile de Nicée.

Tous ces canons avoient été écrits en Grec, & il y en avoit pour les églises d’Occident une ancienne version Latine dont on ne sait point l’auteur. L’Église Romaine s’en servit jusqu’au commencement du vie siecle ; & les autres églises, particulierement celles de Gaule & de Germanie, n’en connurent point d’autres jusqu’au ixe siecle. Mais vers l’an 530 l’abbé Denys le Petit fit une autre version des canons plus fidele que l’ancienne, & y ajoûta tout ce qui étoit alors dans le code Grec ; savoir les cinquante canons des Apôtres, ceux du concile de Chalcédoine, du concile de Sardique, d’un concile de Carthage, & de quelques autres conciles d’Afrique. Il fit aussi une collection de plusieurs lettres décretales des papes, depuis Sirice qui mourut en 398, jusqu’à Anastase II. qui mourut en 498. Voyez Decretales.

La collection de Denys le Petit fut de si grande autorité, que l’Église Romaine s’en servit toûjours depuis, & on l’appella simplement le corps des canons de l’Église d’Afrique, formé principalement des conciles tenus du tems de S. Augustin. Les Grecs la traduisirent pour leur usage ; & Charlemagne l’ayant reçûe en 787 du pape Adrien I. l’apporta dans les Gaules.

Les Orientaux ajoûterent aussi des canons à l’ancien code ; savoir, trente-cinq canons des apôtres, ensorte qu’ils en comptoient quatre-vingts-cinq ; le code de l’église d’Afrique traduit en Grec ; les canons du concile in trullo, faits en 692, pour suppléer au cinquieme & au sixieme concile qui n’avoient point fait de canons ; ceux du second concile de Nicée, qui fut le septieme œcuménique tenu en 787 : tout cela composa le code des canons de l’Église d’Orient ; & ce peu de lois suffit pendant 800 ans à toute l’Église catholique.

Sur la fin du regne de Charlemagne on répandit en Occident une collection des canons qui avoit été apportée d’Espagne, & qui porte le nom d’un Isidore, que quelques-uns surnomment le marchand, Isidorus mercator : elle contient les canons orientaux d’une version plus ancienne que celle de Denys le Petit, plusieurs canons des conciles de Gaule & d’Espagne, & un grand nombre de décrétales des papes des quatre premiers siecles jusqu’à Sirice, dont plusieurs sont fausses & supposées. Voyez Decretales.

On fit ensuite plusieurs compilations nouvelles des anciens canons, comme celle de Réginon, abbé de Prum, qui vivoit l’an 900 ; celle de Burchard, évêque de Vormes, faite l’an 1020 ; celle d’Yves de Chartres, qui vivoit en 1100 ; & enfin Gratien, Bénédictin de Boulogne en Italie, fit la sienne vers l’an 1151 ; c’est celle qui est la plus citée dans le Droit canon. Fleury, Instit. au Dr. ecclés. tome I. part. I. ch. j. page 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. & 10.

Gratien mit à sa collection des textes de la Bible, les sentimens des peres sur les plus importantes matieres ecclésiastiques, & intitula son ouvrage la Concordance des canons discordans ; il le partagea par ordre de matieres, & non par ordre de tems, comme on avoit fait avant lui. Cette compilation fait partie du Droit canonique, & est appellée Decret. Voyez Decret & Canonique (droit).

On nous a depuis donné diverses collections des conciles, où l’on en a conservé les canons, comme celle des PP. Labbe & Cossart, Hardoüin, &c.

Les canons des conciles sont pour l’ordinaire conçûs en forme de lois, en termes impératifs, quelquefois conditionnels, & où l’injonction est presque toûjours accompagnée de la peine infligée à ceux qui la violeront : quand il s’agit du dogme, les canons sont quelquefois conçûs en forme d’anathème ; c’est-à-dire. que les PP. du concile y disent anathème, ou excommunient quiconque soûtiendra telle ou telle erreur qu’ils ont condamnée.

Canons des Apôtres ; on appelle ainsi une espece de collection des canons ou lois ecclésiastiques que l’on attribue à S. Clément pape, disciple de S. Pierre, comme s’il l’eût reçûe de ce prince des apôtres. Mais les Grecs même n’assûrent pas que ces canons ayent été faits par les apôtres, & recueillis de leur bouche par S. Clément ; ils se contentent de dire que ce sont des canons, λεγόμενοι τῶν ἀποστόλων, que l’on appelle des apôtres : & apparemment ils sont l’ouvrage de quelques évêques d’Orient, qui vers le milieu du iiie. siecle rassemblerent en un corps les lois qui étoient en usage dans les églises de leurs pays, & dont une partie pouvoit avoir été introduite par tradition dès le tems des apôtres, & l’autre par des conciles particuliers. Il y a quelque difficulté tant sur le nombre que sur l’autorité de ces canons. Les Grecs en comptent communément 85 : mais les Latins n’en ont reçû que 50, dont même plusieurs ne sont pas observés. Les Grecs comptent les 50 premiers à peu-près comme nous : mais ils en ajoûtent d’autres dans la plûpart desquels il y a des articles qui ne sont pas conformes à la discipline ni même à la créance de l’Église Latine ; & c’est pour cette raison qu’elle rejette les 35 derniers canons, comme ayant été la plûpart insérés ou falsifiés par les hérétiques & schismatiques. A l’égard de l’autorité de ces canons, le pape Celase, dans un concile tenu à Rome l’an 494, met le livre de ces canons des Apôtres entre les apocryphes ; & cela après le pape Damase, qui semble avoir été le premier qui détermina quels livres il falloit recevoir ou rejetter. Par cette raison Isidore les condamne aussi, dans le passage que Gratien rapporte de lui dans la seizieme distinction. Le pape Leon IX. au contraire excepte cinquante canons du nombre des apocryphes. Avant lui Denys le Petit avoit commencé son code des canons ecclésiastiques par ces cinquante canons. Gratien, dans la même distinction seizieme, rapporte qu’Isidore ayant changé de sentiment, & se contredisant lui-même, met au-dessus des conciles ces canons des apôtres, comme approuvés par la plûpart des peres, & reçûs entre les constitutions canoniques ; & ajoûte que le pape Adrien I. a approuvé les canons en recevant le quatrieme concile où ils sont insérés : mais on peut dire que Gratien se trompe, & qu’il prend le second concile in trullo, que les Grecs appellent souvent le quatrieme concile, pour le premier concile tenu in trullo, qui est véritablement le sixieme œcuménique ou général. Quant à Isidore, le premier passage est d’Isidore de Séville, & le second est d’Isidore mercator ou peccator, selon la remarque d’Antoine Augustin, archevêque de Tarragone, qui dit que pour concilier ces diverses opinions il faut suivre le sentiment de Léon IX. qui est qu’il y a cinquante de ces canons des apôtres qui ont été reçûs, & que les autres n’ont aucune autorité dans l’église Occidentale. Il est certain que ces canons ne sont point des apôtres : mais ils paroissent fort anciens, & ont été cités par les anciens sous le nom de canons anciens, canons des Peres, canons ecclésiastiques. S’ils sont quelquefois appellés ou intitulés canons apostoliques, ce n’est pas à dire pour cela qu’ils soient des apôtres : mais il suffit qu’il y en ait quelques-uns qui ayent été faits par des évêques qui vivoient peu de tems après les apôtres, & que l’on appelloit hommes apostoliques. L’auteur des Constitutions apostoliques est le premier qui attribue ces canons aux Apôtres. Ils contiennent des réglemens qui conviennent à la discipline du second & du troisieme siecle de l’Église : ils sont cités dans les conciles de Nicée, d’Antioche, de Constantinople, & par plusieurs anciens. On ne fait pas en quel tems cette collection de canons a été faite ; il se peut faire que ce soit en différens tems ; non-seulement les cinquante premiers, mais les trente-cinq derniers, sont fort anciens ; les Grecs les ont toûjours reçûs : Jean d’Antioche, qui vivoit du tems de Justinien, les cite dans sa sixieme novelle ; ils sont approuvés dans le synode in trullo, & loüés par Jean Damascene & par Photius. Parmi les Latins ils n’ont pas toûjours eu le même sort : le cardinal Humbert les a rejettés ; Celase les a mis au nombre des livres apocryphes : Denys le Petit a traduit les cinquante premiers, & les a mis à la tête de sa collection ; remarquant toutefois que quelques personnes ne les avoient pas voulu reconnoître ; c’est peut-être pour cette raison que Martin de Brague ne les fit point entrer dans sa collection : mais Isidore ne fit point difficulté de les mettre dans la sienne ; & depuis ils ont toûjours fait partie du Droit canon. Aussi-tôt qu’ils parurent en France ils furent estimés, & allégués pour la premiere fois dans la cause de Prétextat du tems du roi Chilperic, & on y déféra. Hincmar témoigne qu’ils étoient à la tête d’une collection de canons faite par l’Église de France, & les croit anciens, quoiqu’ils ne soient pas des Apôtres. Voyez Beveregius, dans la Defense du code des canons de l’Église primitive. Daillé, de Pseud. epigraphis. Dupin, Dissertations préliminaires sur la Bible, chap. iij. Doujat, Hist. du Droit. (G)

Canon, (Chronol.) ce mot, autant qu’on en peut juger en parcourant les Chronologistes, est employé en différens sens : quelquefois il signifie simplement des tables chronologiques, telles que les tables du nombre d’or, des épactes, & de la pâque ; quelquefois il signifie la méthode ou regle pour résoudre certains problèmes de chronologie ; comme trouver les épactes, les pleines lunes, les fêtes mobiles, &c. (O)

* Canon Paschal, (Hist. ecclés.) c’est une table des fêtes mobiles où l’on marque pour un cycle de dix-neuf ans le jour auquel tombe la fête de Pâque, & les autres fêtes qui en dépendent.

On croit que le canon paschal a été calculé par Eusebe de Césarée, & de l’ordre du concile de Nicée. Voyez Pasque, Fête, Cycle.

* Canon, parmi les religieux, c’est le livre qui contient la regle & les instituts de l’ordre : on l’appelle aussi regle, institut. Voyez Regle.

* Canon, se dit encore dans l’Eglise du catalogue des saints reconnus & canonisés par l’Eglise. Voyez Saint & Canonisation.

* Canon ; on appelle ainsi par excellence les paroles sacramentales de la messe ; les paroles secretes dans lesquelles on comprend depuis la préface jusqu’au Pater ; intervalle au milieu duquel le prêtre fait la consécration de l’hostie. Voyez Messe.

Le sentiment commun est que le canon commence à Te igitur, &c. Le peuple doit se tenir à genoux pendant le canon de la messe, & le réciter en soi-même tout bas, & de maniere à n’être point entendu. Quelques-uns disent que S. Jerôme par ordre du pape Sirice, a mis le canon dans la forme où nous l’avons ; d’autres l’attribuent au pape Sirice même qui vivoit sur la fin du ive. siecle. Le concile de Trente dit que le canon de la messe a été dressé par l’Eglise, & qu’il est composé des paroles de Jesus-Christ, de celles des apôtres, & des premiers pontifes qui ont gouverné l’Eglise.

Canon, dans la Musique ancienne ; c’étoit une regle ou méthode de déterminer les intervalles des notes. Voyez Gamme, Note, Musique, &c.

Canon, en Musique moderne, est une sorte de fugue qu’on appelle perpétuelle, parce que les parties partant l’une après l’autre, répetent sans cesse le même chant.

Autrefois, dit Zarlin, on mettoit à la tête des fugues perpétuelles qu’il appelle fughe in conseguenza, certains avertissemens qui marquoient comment il falloit chanter ces sortes de fugues ; & ces avertissemens étant proprement les regles de cette espece de fugue, s’intituloient canoni, canons. C’est de-là que prenant le titre pour la chose même, on a nommé canons ces sortes de fugues.

Les canons les plus faciles & les plus communs, se prennent à l’unisson ou à l’octave, c’est-à-dire, que chaque partie répete sur le même ton le chant de celle qui l’a précédée. Pour composer cette espece de canon, il ne faut qu’imaginer un chant à son gré, y ajoûter en partition autant de parties qu’on veut, puis de toutes ces parties chantées successivement n’en composer qu’un seul air ; faisant ensorte que le chant de l’une puisse former une suite agréable avec celui de l’autre.

Pour exécuter un tel canon, la personne qui chante la premiere partie part seule, chantant de suite tout l’air, & le recommence aussi-tôt sans manquer à la mesure. Dès que celui-ci a fini le premier chant qui a servi de sujet, le second entre, commence, & poursuit ce même chant comme a fait le premier ; les autres partent de même successivement aussi-tôt que celui qui les précede a achevé le premier chant ; & recommençant ainsi sans cesse, on peut continuer ce canon aussi long-tems qu’on veut.

L’on peut encore prendre une fugue perpétuelle à la quinte ou la quarte ; c’est-à-dire, que chaque partie fera entendre le même chant que la précédente, une quinte ou une quarte au-dessus d’elle. Il faut alors que l’air soit entierement imaginé, & que l’on ajoûte des diéses ou des bémols selon le cas, aux notes dont les degrés naturels ne rendroient pas exactement à la quinte ou à la quarte, le chant de la partie précédente. On ne doit avoir ici égard à aucune modulation, mais seulement au chant ; ce qui augmente beaucoup la difficulté : car à chaque fois qu’une partie reprend la fugue, elle entre dans un nouveau ton.

Pour faire un canon dont l’harmonie soit un peu variée, il faut que les parties ne se suivent pas trop promptement, que l’une n’entre que long-tems après l’autre ; quand elles se suivent rapidement, comme à la demi-pause ou aux soupirs, on n’a pas le tems d’y faire entendre plusieurs accords, & le canon ne peut manquer d’être monotone : mais c’est un moyen de faire sans beaucoup de peine des canons à tant de parties qu’on veut ; car un canon de quatre mesures seulement sera déjà à huit parties si elles se suivent à la demi-pause ; & à chaque mesure qu’on ajoûtera, on gagnera encore deux parties.

L’empereur Charles VI. qui étoit grand Musicien, & composoit très-bien, se plaisoit beaucoup à faire & chanter des canons. L’Italie est encore pleine de fort beaux canons qui ont été faits pour ce prince par les meilleurs maîtres de ce pays-là. (S)

* Canon, (en Géométrie & en Algebre,) signifie une regle générale pour la solution de plusieurs questions d’un même genre ; ce mot est aujourd’hui peu usité. On se sert plus communément des termes méthode & formule. Voyez Méthode & Formule.

Canon naturel des triangles : c’est une table qui contient tout ensemble, les sinus, les tangentes, & les sécantes des angles ; on la nomme de la sorte, parce qu’elle sert principalement à la résolution des triangles. Voyez Triangle.

Canon artificiel des triangles : c’est une table où se trouvent les logarithmes des sinus & des tangentes, &c. Voyez Sinus, Tangente, Logarithme.

Canon, (dans l’Art militaire.) est une arme à feu de fonte ou de fer, propre à jetter des boulets de plomb ou de fer.

Le mot de canon semble venir de l’Italien cannone, qui vient de canna, canne, parce que le canon est long, droit, & creux comme une canne.

Les premiers canons ont été appellés bombardes. Voyez Bombarde. On leur a aussi donné des noms terribles, pareils à ceux que les anciens donnoient à leurs machines de guerre ; tels sont ceux de coulevrine, qui vient du nom de couleuvre ; de serpentine, de basilic, & d’autres semblables. Ces noms leur furent donnés à cause de la figure de ces animaux que l’on représentoit sur ces sortes de pieces : les Espagnols par dévotion leur donnoient quelquefois des noms de saints, témoins les douze apôtres que l’empereur Charles-Quint fit faire à Malaga pour son expédition de Tunis.

Les principales parties du canon sont Planche V. de l’Art milit. fig. 4, 5, & 6. 1°. La culasse A avec son bouton ; elle n’est autre chose que l’épaisseur du métal du canon depuis le fond de sa partie concave jusqu’au bouton, lequel termine le canon du côté opposé à sa bouche.

2°. Les tourillons I, qui sont deux especes de bras qui servent à soûtenir le canon, & sur lesquels il peut se balancer & se tenir à peu près en équilibre : je dis à peu près, parce que le côté de la culasse doit l’emporter sur l’autre d’environ la trentieme partie de la pesanteur de la piece. Comme le métal est plus épais à la culasse que vers l’embouchure du canon, les tourillons sont plus près de sa culasse que de sa bouche.

3°. L’ame qui est toute la partie intérieure ou concave du canon. Elle est marquée dans la fig. 5. Pl. V. de l’Art milit. par deux lignes ponctuées.

Au fond de l’ame est la chambre, c’est-à-dire la partie qu’occupe la poudre dont on charge la piece. Voyez Chambre.

Dans les pieces de 24 & de 16, on pratique au fond de l’ame une espece de petite chambre cylindrique ab, Pl. V. de l’Art mil. fig. 5. & 6. qui peut contenir environ deux onces de poudre.

4°. La lumiere S, qui est une ouverture qu’on fait dans l’épaisseur du métal proche la culasse, & par laquelle on met le feu à la poudre qui est dans le canon. Elle se fait dans une espece de coquille qu’on construit sur la partie supérieure du canon.

Dans les pieces de 24 & de 16 livres de balle, la lumiere aboutit vers le fond des petites chambres cylindriques dont on vient de parler, comme cd, fig. 6. Elles ont pour objet d’empêcher que l’effort de la poudre dont le canon est chargé, n’agisse immédiatement sur le canal de la lumiere, ce qui peut le conserver plus long-tems. Suivant l’ordonnance du 7 Octobre 1732, la lumiere des pieces de canon, mortiers, & pierriers, doit être percée dans le milieu d’une masse de cuivre rouge, pure rosette, bien corroyée ; & cette masse doit avoir la figure d’un cone tronqué renversé. Voyez Lumiere.

5°. Les anses H, qui sont deux especes d’anneaux de même métal que la piece, placés vers les tourillons du côté de la culasse, auxquels on donne la figure de dauphins, de serpens, & autres animaux ; ces anses servent à passer des cordages par le moyen desquels on éleve & on fait mouvoir le canon. Lorsqu’il est suspendu à ces cordages, il doit être en équilibre, c’est-à-dire, que la culasse ne doit point l’emporter sur la bouche.

Noms des autres parties du Canon. B, plate-bande & moulures de la culasse. G, champ de la lumiere. D, astragale de la lumiere. E, premier renfort. F, plate-bande & moulures du premier renfort. L, ceinture ou ornement de volée. M, astragale de la ceinture. N, volée. O, l’astragale du collet. P, collet avec le bourrelet en tulipe. Q, couronne avec ses moulures. R, bouche.

Composition du métal du canon. Le métal ou la fonte dont on se sert pour les canons, est composée de rosette ou cuivre rouge, de laiton ou cuivre jaune, & d’étain. (Q)

* On n’est pas encore d’accord sur la quantité proportionnelle des métaux qui doivent entrer dans la composition destinée à la fonte des canons. Les étrangers mettent 100 livres de rosette ; 10 & même 20 livres d’étain, & 20 livres de laiton.

On prétend que les Keller mêloient à 10 milliers de rosette 900 livres d’étain & 600 livres de laiton.

L’étain est très-propre à empêcher les chambres : mais comme il est mou, les lumieres durent d’autant moins qu’on en a plus employé.

Le sieur Bereau, fondeur, prétend que quand on est obligé d’employer de vieilles pieces de métal bas, le fondeur doit demander sur 100 livres de ce métal, 25 livres de bon cuivre & 5 livres d’étain.

D’autres prennent un tiers de rosette, un quart de laiton ou vieux métal, & un dix-septieme d’étain.

Il faut à chaque fonte mettre dix livres de vieux-oing, sur cinq mille livres de métal.

On a soin de purifier le cuivre, l’étain & le plomb. Pour cet effet on prend une once de cinnabre, quatre onces de poix noire, une once & demie de racine de raifort seche, seize onces d’antimoine ; quatre onces de mercure sublimé, six onces de bol d’Arménie, & vingt onces de salpetre. On met tout en poudre séparément ; puis on mêle. On arrose ensuite de deux livres de l’eau-forte suivante : Prenez deux livres de vitriol, deux onces de sel ammoniac, douze onces de salpetre, trois onces de verd-de-gris, huit onces d’alun : mettez en poudre séparément, mêlez & distillez.

Mettez deux parties de cette eau-forte sur trois parties de la poudre précédente dans une terrine sur le feu, remuant bien, & laissant évaporer l’eau jusqu’à dessication.

Cela préparé, fondez 97 livres de rosette, avec 6 de laiton, & avec autant d’étain : laissez le tout quelque tems en fusion, le remuant de tems en tems avec un bâton ferré & entortillé de haillons trempés dans le vieux-oing.

Au bout d’un quart d’heure, sur les 109 livres de métal mettez deux onces de la poudre susdite. Pour cet effet renfermez ces deux onces dans une boîte : attachez cette boîte à une verge de fer, & plongez-la au fond du métal, remuant jusqu’à ce qu’il ne s’éleve plus de fumée blanche. Laissez encore le tout en fusion pendant une demi-heure, au bout de laquelle vous pouvez jetter en moule.

A l’égard des canons de fer, on les construit de la même maniere que les autres. Ils ne sont pas capables de la même résistance que ceux de fonte : mais comme ils coûtent beaucoup moins, on s’en sert sur les vaisseaux, & même dans différentes places de guerre.

Les canons sont de différentes grandeurs, & ils chassent des boulets plus ou moins gros, suivant leur ouverture.

On faisoit autrefois des canons qui chassoient des boulets de 33, de 48, & même de 96 livres de balle : mais suivant l’ordonnance du 7 Octobre 1732, il ne doit être fondu en France que des pieces de 24, qui sont les plus grosses ; ensuite de 16, de 12, de 8, & de 4, c’est-à-dire des pieces qui chassent des boulets de 24 livres, de 16 livres, &c. car le canon porte ordinairement le nom de la pesanteur du boulet qu’il peut chasser. Ainsi une piece de 24, est un canon qui tire un boulet de 24 livres, & de même des autres pieces.

On désigne encore les pieces de canon par le diametre de leur bouche, qu’on nomme ordinairement leur calibre. Voyez Calibre. On doit le diviser en 36 parties, suivant l’ordonnance du 7 Octobre 1732, pour déterminer par ces parties les dimensions des différentes moulures du canon.

On joint ici la table de toutes les dimensions des pieces des cinq calibres suivant cette ordonnance.

Table des dimensions des pieces de canon des cinq calibres.


Pieces de canon de 24 de 16 de 12 de 8 de 4





pié pouce lig pié pouce lig pié pouce lig pié pouce lig pié pouce lig
Longueur de l’ame 9 6 9 2 8 8 7 10 6 6





Profondeur de la petite chambre 2 6 1 10





Epaisseur du métal à la culasse 5 5 4 9 4 4 3 9 3





Longueur du bouton 10 11 9 6 8 8 7 7 6





Diametre des tourillons 5 5 4 9 4 4 3 10 3





Saillie des tourillons 5 5 4 9 4 4 3 10 3





Calibre de la piece 5 8 4 11 4 6 3 11 3 2





Diametre du boulet 5 6 4 9 4 4 3 9 3





Longueur totale 11 10 6 10 8 10 7 3





Poids de la piece 5400 liv. 4200 liv. 3200 liv. 2100 liv. 1150 liv.


L’ordonnance de 1732 assujettit tous les Fondeurs à suivre le même profil ou les mêmes moulures dans les différentes pieces des cinq calibres : on joint ici la table des dimensions de ce profil, qui accompagne cette ordonnance. On y suppose le calibre de chaque piece divisé en 36 parties égales : ce sont ces parties qui servent à exprimer ou donner les différentes dimensions de ce profil général.


Table des dimensions des moulures d’une piece de canon, exprimées en parties de son calibre divisé en 36 parties égales.


Nom des Moulures. larg. Saillie.



1. Plinthe ou plate-bande de la culasse
2. Tore de la culasse
3. Listel inférieur de la gorge
4. Gorge de la culasse Les extrémités finissent aux angles des listels.
5. Listel supérieur de la gorge
6. Rondeau de la culasse
7. Listel du rondeau
8. Champ de lumiere Vif de la piece.
9. Listel inférieur de l’astragale du premier renfort
10. Astragale du premier renfort
11. Listel supér. de l’astragale du premier renfort
12. Plate-bande du premier renfort
13. Doucine du renfort au plus saill.
au moyen.
au plus bas.
14. Listel de la doucine du second renfort
15. Plate-bande du 2d renfort
16. Doucine de la volée au plus saill.
au moyen.
au plus bas.
17. Listel de la doucine de la volée
18. Ornemens de la volée Vif de la volée.
19. Listel inférieur de l’astragale de la volée
20. Astragale de l’ornement de la volée
21. Listel supérieur de l’astragale de la volée au plus haut.
au plus bas.
22. Scotie de l’astragale du collet
23. Ceinture de la scotie
24. Astragale du collet
25. Le collet & le bourrelet en tulipe, formés en doucine renversée au plus haut.
au plus bas.
26. Ceinture de la couronne
27. Couronne au plus haut.
au plus bas.
28. Réglet ou ceinture de la couronne
Longueur totale de la piece, y compris le bouton de la culasse 22
diam.
(Q)


Maniere de faire les moules du canon & de les fondre.

* Avant tout, il est à propos d’avoir les terres toutes préparées. La premiere qu’on employera sur la natte, ainsi qu’il sera dit ci-après, sera de la terre grasse détrempée avec de la poudre de brique : la quantité de la poudre de brique dépend de la bonté de la terre grasse.

La seconde terre qui servira pour le moule, sera pareillement de la terre grasse bien battue, avec de la fiente de cheval & de la bourre ; la quantité de fiente de cheval dépend aussi de la qualité de la terre.

La troisieme, nommée potée, dont on se servira pour commencer la chape du moule, sera de la terre grasse très-fine & passée au tamis, mêlée de fiente de cheval, d’argille, & de bourre. La terre grasse, l’argille & la fiente de cheval se mettront en parties égales avec un tiers de bourre.

La quatrieme, qui s’appliquera sur la potée, sera de la terre grasse avec fiente de cheval & bourre, dans la proportion ci-dessus.

Il y a une façon de faire une potée, qui sera meilleure que la précédente. Prenez une demi-queue de terre à four, deux seaux de fiente de cheval : mêlez le tout dans un tonneau avec de l’eau commune, & l’y laissez plusieurs jours, au bout desquels faites des gâteaux de ce mêlange : faites sécher ces gâteaux : pilez-les bien menus : mettez cette poudre à détremper avec de l’eau de fiente de cheval : broyez-la, ainsi détrempée, avec une molette, sur une pierre à broyer les couleurs. Quand elle sera bien broyée, ajoûtez-y environ un litron de céruse pilée & passée au tamis de soie : rebroyez le mêlange à la molette avec de l’urine, puis ajoûtez une douzaine de blancs d’œufs.

Pour faire l’eau de fiente de cheval dont on vient de parler, remplissez un tonneau de cette fiente ; jettez dessus de l’eau jusqu’à ce que l’eau surnage ; laissez tremper quelque-tems, & vous aurez l’eau de fiente.

Quant à la terre qu’on employera sur cette potée, on la composera d’un muid de terre grasse, de quatre seaux de fiente de cheval, & d’autant de forte urine qu’il en faudra pour détremper la terre & la bourre, & battre le tout ensemble.

On prend une piece de bois de sapin, bien droite & à plusieurs pans, ou même toute unie & plus longue que la piece ne peut être, c’est-à-dire de 12 piés & plus : cette piece de bois s’appelle trousseau. On couche ce trousseau tout de son long, & l’on en appuie les bouts sur des tréteaux ou chantiers. V. Pl. I. Fonderie des canons, figure 1. Le trousseau de bois A sur les chantiers BB. La partie C du trousseau s’appelle le moulinet : ce moulinet sert à tourner le trousseau, lorsqu’on y met la natte, & que l’on applique la terre qui doit former par son enduit le moule ou la chape.

On graisse le trousseau avec du vieux oing ; on roule par-dessus, & l’on attache avec deux clous une natte de paille qui couvre le trousseau, & qui lui donne une grosseur relative à celle que doit avoir la piece de canon. Voyez, même figure, cette natte sur le trousseau.

Sur cette natte on applique plusieurs charges ou couches d’une terre grasse détrempée avec de la poudre de brique, & l’on commence à former un modele de canon.

On met ensuite une autre couche, dont la terre est bien battue & mêlée avec de la bourre & de la fiente de cheval : on en garnit le modele, jusqu’à ce qu’il soit de la grosseur dont on veut la piece.

En appliquant toutes ces couches de terre, on entretient toûjours sous le trousseau un feu de bois ou de tourbes, suivant les lieux, afin de faire sécher la terre plus promptement.

Après cela on fait toutes les parties de la piece, comme le bourrelet, le collet, les astragales, les renforts, les plates-bandes, &c. ce qui se fait d’une maniere fort simple, & néanmoins fort ingénieuse.

Lorsque la derniere terre appliquée est encore toute molle, on approche du moule, qui est brut, ce que l’on appelle l’échantillon : c’est une planche de douze piés ou environ, dans laquelle sont entaillées toutes les différentes moulures du canon : on assûre cette planche bien solidement sur les deux chantiers, ensorte qu’elle ne puisse recevoir aucun mouvement.

On tourne après cela à force le moule contre l’échantillon, par le moyen de petits moulinets qui sont à l’une de ces extrémités : le moule frottant ainsi contre les moulures de l’échantillon, en prend l’impression, ensorte qu’il ressemble entierement à une piece de canon finie dans toutes ses parties.

A la fonderie de Paris, au lieu des terres susdites on employe du plâtre bien fin : mais ce plâtre a un inconvénient, c’est de se renfler inégalement, ce qui rend la surface des pieces moins parfaite ; ce qu’on pourroit corriger en finissant le moule un peu plus menu, laissant faire au plâtre son effet ; le rechargeant ensuite avec du suif, & le repassant à l’échantillon jusqu’à ce qu’il eût la grosseur requise.

Voyez Planc. XI. de l’Art milit. fig. 1. le trousseau de bois A posé sur les chantiers BB. C, est le moulinet du trousseau. D, est l’échantillon de bois arrêté sur des chantiers garnis de fer du côté du moule de la piece, qui sert à former les moulures sur la terre molle qui couvre le trousseau, à mesure qu’on tourne par le moulinet que l’on voit au bout du trousseau. E, est le moule de terre sur le trousseau, que l’on tourne par le moulinet pour lui imprimer les moulures marquées sur l’échantillon.

Lorsque le moule du canon est formé avec ses moulures, on lui pose les anses, les devises, les armes, le bassinet, le nom, l’ornement de volée ; ce qui se fait avec de la cire & de la térébenthine mêlées, qui ont été fondues dans des creux faits de plâtre très-fin, où ces ornemens ont été moulés.

Les tourillons se font ensuite ; ce sont deux morceaux de bois de la figure que doivent avoir les tourillons : on les fait tenir au moule avec deux grands clous. Il faut avoir soin de renfler les renforts avec de la filasse ; car faute de cette précaution, ils sont creux à cause des moulures qui saillent.

Après avoir ôté le feu de dessous le moule, on le frotte partout avec force suif, afin que la chape qui doit être travaillée par-dessus, pour le couvrir, ne s’y attache point. On passe ensuite le moule par l’échantillon, pour faire coucher le suif également partout.

Cette chape se commence d’abord par une couche ou chemise de terre grasse, mais très-fine, qui s’appelle potée. On a déja dit que cette potée est une terre passée & préparée avec de la fiente de cheval, de l’argille, & de la bourre.

On laisse sécher la premiere couche sans feu, ce qui s’appelle à l’ombre.

Quand elle est seche, on met par-dessus d’une terre plus grasse, mêlée aussi de bourre & de fiente de cheval : la proportion est demi-livre de terre, demi-livre de fiente de cheval, & un tiers de bourre ou environ. Quand c’est d’une certaine terre rouge comme celle qui se prend à Paris auprès des Chartreux, elle suffit seule en y mêlant un peu de bourre.

Après que la chape a pris une épaisseur de quatre pouces, & qu’elle a été bien séchée au feu, on tire les clous qui arrêtoient les anses & les tourillons, on en bouche les entrées avec de la terre, puis l’on bande ce moule, ainsi bien couvert de terre, avec de bons bandages de fer passés en long & en large & bien arrêtés : par-dessus ce fer on met encore de la grosse terre.

La chape des gros moules a ordinairement cinq ou six pouces d’épaisseur.

Quand le trou est bien sec, on ôte les clous de la natte ; on donne quelques coups de marteau sur les extrémités du trousseau, lequel étant plus menu par un bout que par l’autre, ce que l’on appelle être en dépouille, se détache insensiblement du milieu du moule qu’il traverse de bout en bout ; & en retirant ce trousseau, la natte vient à mesure, & se défile avec beaucoup de facilité.

Ce moule ainsi vuidé par dedans, on le porte tout d’un coup dans la fosse qui est devant le fourneau, & où le canon doit être fondu.

L’on jette force bûches allumées dans ce moule jusqu’à ce qu’il soit parfaitement sec ; & c’est ce qu’on appelle le mettre au recuit.

L’ardeur du feu opere deux effets : elle fond le suif qui sépare la chappe d’avec le moule ; & elle seche en même tems les terres de ce moule, de maniere qu’on les casse facilement avec des ferremens, afin qu’il ne reste en entier que la chape seule, laquelle dans son intérieur a conservé l’impression de tous les ornemens faits sur le moule.

A la place du moule que l’on vient de détruire, l’on met une longue piece de fer qu’on appelle le noyau. Voyez Noyau. Elle se pose très-juste dans le milieu de la chape, afin que le métal se répande également de côté & d’autre.

Le noyau est couvert d’une pâte de cendre bien recuite au feu comme le moule, & arrêtée avec du fil d’archal, aussi bien recuit, le long & à l’entour par trois fois en spirale, couche sur couche, jusqu’à la grosseur du calibre dont doit être l’ame de la piece, ensorte qu’il reste un espace vuide entre le noyau & le creux de la chape qui doit être rempli par le métal ; ce qui fait l’épaisseur de la piece. Cette précaution de couvrir ce noyau, s’observe pour empêcher que le métal ne s’attache, & pour pouvoir ensuite le retirer aisément du milieu de la piece ; comme en effet on l’en tire quand la piece est fondue.

Pour faire tenir ce noyau bien droit, on le soûtient du côté de la culasse par des barreaux d’acier passés en croix ; c’est ce qu’on appelle le chapelet. Voyez Chapelet. Du côté de la bouche de la piece, le noyau est soûtenu par une meule faite de plâtre & de tuiles, dans laquelle passe le bout opposé au chapelet.

Lorsque le noyau est placé, on attache la culasse au moule. Cette culasse est faite à part, de la même composition & de la même maniere que le moule du corps de la piece. Elle est aussi bien bandée de lames de fer, & elle s’enchâsse proprement au bout du moule, où elle s’accroche avec du fil d’archal aux crochets des bandages de la chape.

On coule ordinairement les pieces de la culasse en bas, & on laisse au bout du moule qui est en haut, un espace vuide d’environ deux piés & demi de haut, lequel sert à contenir la masselotte, c’est-à-dire l’excédent du métal de la piece, qui pese quatre milliers au moins : ce poids fait serrer le métal qui compose la piece, & il le rend moins poreux & moins sujet à avoir des chambres.

F, dans la fig. 1. de la Pl. II. de l’Art milit. représente le noyau. G, dans la même figure, est une coupe du noyau recouvert de pâte de cendre pour former le calibre de la piece. H, est le chapelet de fer qui se met à l’extrémité de l’ame de la piece pour assembler la piece avec la culasse. I, est le profil du moule recouvert de ses terres, & retenu par des bandages de fer. KK, dans la fig. 1. toûjours même Pl. II. est l’épaisseur de la terre, qui forme la chape du moule. LL, est la chape de la culasse qui s’assemble au corps de la piece par le chapelet, comme les lignes ponctuées le font voir. MM, est l’espace vuide pour recevoir le métal entre la chappe & le noyau. NN, est le noyau tel qu’il est posé dans le moule : on l’en fait sortir lorsque la piece est fondue. OO, est la masselotte ou l’excédent de la matiere, que l’on scie au bout de la volée à l’endroit qui est ponctué. P, est le passage par où le métal s’écoule dans le moule. Q, est le moule recouvert de ses terres & bandages, tel qu’il est dans la fosse où on le met pour fondre la piece.

Supposant qu’on veuille fondre plusieurs pieces à la fois, au haut du moule sont disposés plusieurs tuyaux creux & godets de terre répondant à l’intérieur du corps du moule, par où le métal doit couler ; & l’on laisse aussi plusieurs tuyaux pour servir d’évent. Quand tout est bien préparé, la fosse se remplit de terre bien seche que l’on bat avec grand soin couche sur couche autour du moule jusqu’en haut, les godets, tuyaux, & évents surpassant de quelques pouces l’air ou la superficie du dessus de la fosse. On forme des rigoles tout autour avec une terre grasse que l’on seche parfaitement : elles se nomment échenos, & elles servent à conduire le métal du fourneau dans le moule des pieces. S. Remy. (Q)

* Le fourneau de cette fonderie ne differe presqu’en rien du fourneau de la grande fonderie en bronze. Voyez l’article de cette fonderie. Il y a à ses fondations voûte sous la chausse, & voûte sous le fourneau, avec évent, pour donner sortie à la fumée. Il y a au raiz-de-chaussée des atres de fer pour remuer le métal en fusion, avec une ouverture pour jetter le bois dans la chausse : cette ouverture se bouche avec une pelle de fer. Voyez Planc. II. de la fonderie dont il s’agit ici, une coupe du fourneau par le milieu sur les atres de fer, fig. 3. BB, évents de dessus le fourneau. GG, atres de fer par où l’on remue le métal. LL, ouvertures par où l’on tire les crasses. M, chauffe. P, voûte sous le fourneau. La figure 4. de la même Planche, est une autre coupe du même fourneau perpendiculaire à la précédente, & par la chauffe. Q, évent pour la fumée. OO, voûte sous la chauffe. N, grille. G, atres de fer. K, la chauffe. L, ouverture pour remuer le métal. M, le fourneau. ZZ, bâtis de charpente pour descendre les moules & remonter les pieces fondues. V, X, Y, bascule pour lever & baisser la porte du fourneau par où l’on remue le métal. Fig. 5. cette porte vûe séparément. X, la porte. V, la bascule. Y, le boulet qui la fait hausser & baisser.

Quand le métal est chaud à un certain degré connu par le fondeur, c’est-à-dire fort fluide & non empâté, à quoi l’on employe ordinairement 24 ou 30 heures ou environ, observant de tenir les morceaux de rosette dans le fourneau élevés sur des grès, & ne posant pas sur l’atre ; on dispose des hommes qui tiennent des pinces ou écluses de fer sur tous les trous qui communiquent dans les moules, afin que quand le métal vient à sortir du fourneau, il remplisse également toutes les rigoles, & qu’il soit également chaud en descendant dans toutes les parties du moule.

On débouche le trou du fourneau avec une longue & grosse piece de fer pointue appellée la serriere. Ce trou est fermé en-dedans avec de la terre grasse. Aussi-tôt qu’il est ouvert, le métal tout bouillonnant sort avec impétuosité, & il remplit toutes les rigoles : alors les hommes qui tiennent les petites écluses de fer sur les trous, les débouchent deux à deux, & à mesure que les trous se remplissent ils se retirent ; & le métal tombant avec rapidité dans le moule, forme la piece.

Pour éviter les soufflures que le métal forme dans son bouillonnement & dans la chûte précipitée qui presse l’air dans les canaux, les Keller avoient imaginé un tuyau qu’ils disposoient à côté de leur moule : le métal entroit par ce tuyau ; & comme il faisoit le chemin de descendre avec violence au fond de ce tuyau, qui avoit un trou pour communiquer dans le moule, il remontoit dans le moule par ce trou, de la même maniere que l’eau qu’on verse dans une branche d’un siphon, remonte dans l’autre : par-là il chassoit l’air devant lui, & il étoit moins à portée d’en conserver des parties. Mais l’usage de ces habiles Fondeurs sur ce point, n’a pas été généralement suivi.

Les moules & les fontes des mortiers & des pierriers se font de la même maniere que pour le canon.

Lorsque les moules sont retirés de la fosse, on les casse à coups de marteau pour découvrir la piece qu’ils renferment. La figure se montre ensuite ; & comme elle est brute en plusieurs endroits, on se sert de ciseaux bien acérés & de marteaux, pour couper toutes les superfluités & les jets du métal ; & avec le tems, on donne à la piece toute la perfection que l’on veut. Lorsqu’elle commence à avoir une forme un peu réguliere, ce qui s’appelle être décrottée, on la met à l’alésoir pour lui donner le calibre qu’elle doit avoir. Voyez Alésoir. On perce ensuite sa lumiere avec une espece de foret particulier : après quoi on fait l’épreuve de la piece. Voyez Epreuve. Mémoires d’Artillerie par Saint-Remy.

On n’a pas toûjours fondu le canon avec un noyau ou un vuide dans le milieu : il y a eu des Fondeurs qui l’ont coulé massif ; on voit même dans les Mémoires de M. de Saint-Remy, la figure de la machine dont ils se servoient pour former l’ame de la piece. Cette méthode fut abandonnée, suivant cet auteur, pour revenir à l’ancienne : mais le sieur Maritz a obtenu depuis quelques années la permission de fondre les pieces massives. On prétend qu’il a inventé une machine plus parfaite que celle dont il est fait mention dans les Mémoires de M. de Saint-Remy, pour les forer. Voyez Noyau.

Lorsque la piece se coule massive, le moule se forme de la même maniere que s’il devoit avoit un noyau. On ne fait que supprimer ce noyau.

On joint ici une table de ce que le Roi paye actuellement en France pour la façon des pieces de canon dans les différens arsenaux du royaume : le prix des pieces de la fonderie de Strasbourg est plus considérable que celui des autres, parce qu’elles y sont coulées massives & forées avec la machine du Sr Maritz.

Table du prix des façons des pieces de canon en France.


FONDERIES du Roy. Piece de 24. Piece de 16. Piece de 12. Piece de 8. Piece de 4. Piece de 4, de brancard & à dos de mulet. Piece de 2 longue, pesant 6 à 700 liv. Piece de 2 courte. Prix des lumieres.
Paris 800 liv. 700 liv. 600 liv. 450 liv. 350 liv.
Douay 750 712 10s. 500 400 300 200 liv. 100 liv.
Strasbourg 1000 950 650 550 400 100
Lyon 900 850 600 500 350 100
Perpignan 800 750 550 450 300 220 300 200 100


Les métaux sont fournis par le Roi aux commissaires des fontes ; il leur est accordé dix pour cent de déchet sur tous les métaux qu’ils livrent en ouvrages neufs, faits, parfaits, & reçûs.

Le Roi fournit aussi les outils & ustensiles de fonderie : mais les commissaires des fontes sont chargés de pourvoir à leurs frais au radoub & à l’entretien des outils & ustensiles qui leur sont remis en bon état, & dont on les charge par un inventaire en bonne forme.

Le Roi paye à Douay & à Perpignan 3 sous, à Lyon & à Strasbourg 3 sous 6 deniers de façon pour chaque livre de métal pesant, pour les petits ouvrages, comme poulies, boîtes à roüage, mortiers & pilons pour compositions, boîtes à signaux, & autres petits ouvrages à l’usage de l’Artillerie.

Les pieces de canon, mortiers, & pierriers, sont portés aux lieux destinés pour leur épreuve, & rapportés dans les fonderies aux dépens du Roi, à l’exception des pieces qui sont rebutées, que les commissaires des fontes sont obligés de faire rapporter à leurs frais & dépens.

Dans les cas pressans, & lorsqu’il est ordonné aux commissaires des fontes de ne point reparer les pieces, ils sont tenus de les livrer brutes ; & alors il leur est rabattu 50 livres par piece de 24, de 16 & de 12, & 25 livres par chacune piece de calibre inférieur, ainsi que pour les mortiers & pierriers. Mémoires d’Artillerie de Saint-Remy, troisieme édition. (Q)

* Lorsque la piece est finie, on perce la lumiere : pour cet effet, on renverse la piece de côté, de maniere qu’un des tourillons soit tourné vers la terre. Elle est posée sur des chantiers, l’endroit où se doit percer la lumiere correspondant à la pointe du foret quand il est monté sur la bascule, comme on voit Pl. I. fig. 2.

Suivant l’ordonnance du 7 Octobre 1732. le canal de la lumiere doit être pratiqué dans le milieu d’une masse de cuivre rouge, pure rosette, bien écroüi, & qu’on a placée dans le moule à la place où devoit être faite la lumiere. On a préféré le cuivre rouge à la matiere même du canon, parce qu’il résiste davantage à l’effort de la poudre.

La lumiere doit être percée de maniere qu’elle forme un angle obtus de 100 degrés avec l’extérieur de la piece vers la volée. C’est à quoi l’ouvrier doit faire attention en perçant, afin de diriger son foret convenablement.

Dans les pieces de 12, le canal de la lumiere doit aboutir à 8 lignes du fond de la lumiere. Dans celles de 8 à 7 lignes, & dans celles de 4 à 6 lignes.

Dans celles de 24 & de 16 où il y a de petites chambres, à 9 lignes du fond de la petite chambre dans celle de 24, & à 8 lignes dans celle de 16.

Le foret dont on se sert est le même que celui des Serruriers ; sa partie tranchante est seulement en langue de serpent.

Comme la force d’un homme ne seroit pas suffisante pour pousser le foret & le faire mordre, on se sert de la machine qu’on voit fig. 1. elle s’appelle bascule ; & s’en servir, c’est forer à bascule.

La palette G est tenue fortement appliquée au foret par le levier ABC & le poids D.

* Quand la lumiere est faite, on procede à l’épreuve : pour cet effet, on choisit un lieu terminé par une butte de terre assez forte pour arrêter le boulet.

On place la piece à terre sur un chantier, & on la tire trois fois. La premiere charge de poudre est de la pesanteur du boulet. Après la premiere épreuve, on y brûle encore un peu de poudre en-dedans pour la flamber ; on y jette de l’eau sur le champ ; on bouche la lumiere ; on presse cette eau avec un écouvillon, & l’on examine si elle ne s’échappe par aucun endroit.

On prend ensuite le chat : c’est un morceau de fer soit à trois, soit à deux griffes, comme on le voit fig. 3. 4. 5. du calibre de la piece, que l’on conduit partout pour trouver les chambres. On ne peut user de la bougie que pour les petites pieces, la fumée l’éteignant dans les grandes.

On n’éprouve les pieces de la nouvelle invention qu’avec une charge de poudre des trois quarts du poids du boulet.

On substitue quelquefois au boulet des cylindres de terre grasse du calibre de la piece, & d’environ deux piés de long.

Le chat de la fig. 5. est à l’usage de toute sorte de pieces, par la commodité qu’on a d’étendre ou de resserrer ses griffes par le moyen de l’anneau dans lequel elles sont passées, & du ressort qui est placé entre elles.

Quand on s’est assûré par le chat qui se trouve arrêté dans l’intérieur de la piece, qu’il y a chambre, on connoît la profondeur de la chambre de la maniere suivante : on prend le chat simple de la fig. 3. on éleve sur sa plaque de la terre-glaise jusqu’à la hauteur du bout de la griffe ; vous conduisez votre griffe dans cet état dans la chambre ; vous l’y faites entrer le plus que vous pouvez : quand elle y est bien enfoncée, vous retirez votre chat ; les bords de la chambre appuient contre la glaise, & la détachent de la griffe ; & la partie découverte de la griffe marque la profondeur de la chambre.

* L’on met des grains aux lumieres des pieces, en les alesant d’un trou d’environ deux pouces ; cela fait, on fait couler par la bouche du canon de la cire au fond de l’ame, lorsque l’épaisseur de derriere de la culasse n’est pas assez considérable. On met sur cette cire du sable un peu moite : on le frappe avec un refouloir jusqu’à la hauteur des anses ; on fait chauffer la piece ; on place au-dessus un écheno de terre ; la piece est à deux piés au dessous de l’écheno qui y conduit le métal. Il y a dans le fourneau à peu près 800 livres de métal. On pratique un gros jet pour la lumiere ; elle s’abbreuve de métal par ce jet ; on la laisse refroidir : on enleve ce qu’il y a de trop, & on fore une nouvelle lumiere.

Banii, fondeur Polonois, s’y prend autrement : il creuse la lumiere en écrou avant que d’y couler le métal ; le métal s’engage si bien dans ces tours ou pas d’écrou, qu’il n’en peut être chassé.

On a proposé d’autres moyens que les précédens pour mettre des grains, mais qui ont tous leurs inconvéniens. M. Gor, commissaire des fontes de Perpignan, en proposa un en 1736, par le moyen duquel le grain se met à une piece en moins de quatre heures sans la démonter : l’essai s’en fit le deux Mai, & il fut heureux.

Lorsqu’on refond des pieces, il s’agit de les mettre en tronçons pour les jetter dans le fourneau ; pour cela, on fait une rainure à la piece dans l’endroit où l’on veut la couper avec une tranche & le marteau ; puis on fait une maçonnerie seche de quatre briques d’épaisseur : on y place la piece en équilibre ; on remplit de charbon allumé la maçonnerie ; on fait chauffer la piece jusqu’à lui donner la couleur de cerise ; puis on éleve un gros poids avec la chevre, qu’on laisse retomber à plomb sur la piece qui en est brisée.

* Des lavures. Dans les lieux où l’on fond & où on alese les canons, il reste des grains, des sciures, & autres pieces de métal mêlées avec les ordures. Il en reste aussi dans les fourneaux, attaché au fond de l’atre, qu’on appelle gâteau. La maniere de séparer ces portions métalliques s’appelle laver ; & ces portions métalliques séparées s’appellent lavures. Pour laver, on fait passer le ramas de matieres hétérogenes tirées de l’attelier de l’alesoir des terres de la Fonderie, &c. par plusieurs eaux ; & on met au moulin ce qui sort des eaux. Il y a deux sortes de moulins ; la premiere n’a rien de particulier, elle ressemble aux moulins à cidre. C’est une meule de fer coulé, d’environ trois piés de diametre, sur quinze pouces d’épaisseur, posée verticalement sur une cuvette coulée aussi de fer, & assise sur une maçonnerie. Les rebords de la cuvette ont six pouces de haut : un levier passe au centre de la meule, la traverse, & se rend dans un arbre vertical mobile sur lui même, & soûtenu par en haut dans une solive où entre son tourillon, & par en bas sur une crapaudine placée au centre de la cuvette. Deux hommes s’appliquent au levier, & font tourner avec l’arbre la meule qui écrase les lavures : quand elles sont bien écrasées on les relave ; puis on les fond pour les mettre en saumon. Il y a une autre sorte de moulin qu’on voit Plan. II. de la Fonderie de canons.

BB, baquet à laver les lavures.

CC, pilons qui écrasent dans l’auger DD les lavures.

A, arbre qui meut les pilons.

E, grande roue mûe par des hommes.

F, lanterne qui fait mouvoir la roue E.

G, autre lanterne fixée sur le même arbre que la lanterne F, & qui fait mouvoir l’arbre A, qui fait hausser les pilons C, C, C, d’où l’on voit que cette machine à laver, n’est autre chose que celle à bocarder des grandes fonderies & usines placées aux environs des mines.

Les lavures sont portées, comme nous avons dit, au fourneau d’affinage, qu’on voit fig. 3. même Plan.

F, fourneau.

GH, espece de rigoles où l’on jette la matiere & le charbon pêle-mêle.

I, un soufflet.

K, levier à mouvoir le soufflet.

Voilà tout ce qui peut concerner la fonte des canons. Pour l’entendre bien parfaitement, il ne seroit pas hors de propos d’en faire précéder la lecture par celle de la fonte des grandes statues en bronze. Voy. Bronze. Quant à la maniere de charger le canon, voyez Charge ; & pour celle de le mettre en situation nécessaire pour que le boulet atteigne dans un lieu désigné, voyez Pointer.

On croit que l’on n’a commencé à se servir de canons qu’en 1350 sur la mer Baltique ; quoi qu’il en soit, il est certain qu’ils furent employés en 1380 pendant la guerre des Vénitiens avec les Génois. Six ans après, il en passa quelques-uns en Angleterre sur deux vaisseaux François pris par ces insulaires. Les Anglois en firent de fer au commencement du seizieme siecle. (Q)

Canon de la nouvelle invention ou à l’Espagnole : on appelloit ainsi des pieces imaginées vers la fin du siecle dernier, qui avoient une chambre au fond de l’ame, en forme de sphere un peu applatie. Ces canons étoient donc plus courts que les autres.

L’objet qu’on s’étoit proposé dans cette invention, étoit de chasser le boulet dans un canon plus court, moins pesant, & par conséquent plus aisé à transporter que les anciens, avec la même force que dans les canons ordinaires.

Pour cela on faisoit aboutir la lumiere à peu-près vers le milieu de la chambre sphérique, afin qu’il s’enflammât une plus grande quantité de poudre à la fois, que lorsque l’ame du canon étoit par-tout uniforme.

L’expérience a prouvé la réussite de ce qu’on s’étoit proposé dans la construction de ces sortes de pieces ; car quoique beaucoup plus courtes que les anciennes, & avec une moindre quantité de poudre, elles produisoient les mêmes effets : mais comme il étoit difficile de nettoyer leur capacité intérieure après que la piece avoit tiré, il y restoit assez souvent du feu, qui produisoit de fâcheux accidens aux canoniers chargés du service de ces pieces, surtout lorsqu’ils étoient obligés de tirer promptement. D’ailleurs la poudre, avant de sortir de la chambre, agissoit de tous côtés avec une si grande impétuosité, qu’elle brisoit les affûts, ou du moins qu’elle les mettoit en très-peu de tems hors de service ; elles avoient aussi par une suite nécessaire de ce grand mouvement, beaucoup de recul & très-peu de justesse dans leurs coups. Toutes ces considérations ont fait abandonner l’usage de ces pieces, malgré leurs avantages particuliers ; & l’on a même fait réfondre la plûpart de celles qui se trouvoient dans les arsenaux & dans les places. Voyez une de ces pieces de vingt-quatre livres de balle, Plan. VI. de l’Art milit. fig. 1. L’échelle qui est dessous en fera connoître les principales dimensions. Et Pl. II. fig. 1. & fig. A, B, C, D, l’affût du capitaine Espagnol avec ses dimensions. Il servira du moins à faire connoître le canon & l’affût dans tout le détail de ses parties. (Q)


Proportions de la piece de huit livres de balle, & de son affût, roues, & avant-train, de la nouvelle invention du capitaine Espagnol.
Proportion de la piece de huit livres de balle.
Piés. pouc. lig.
La longueur de cette piece, non compris le bouton ni les ornemens de la culasse, 4 2 9
Longueur du bouton & des ornemens de la culasse, 0 7 8
Longueur depuis la platte-bande, ou les ornemens de la culasse, jusqu’au trou de la lumiere, 0 1 6
Longueur depuis la platte-bande, ou les ornemens de la culasse, jusqu’au derriere des tourillons, 1 7 3
Diametre des tourillons, 0 3 0
Longueur depuis le devant des tourilons, jusques & compris le bourlet, 2 4 8
Diametre de la bouche qui est le calibre de la pièce, 0 3 8
Diametre au bourlet, 0 8 4
Diametre derriere les tourillons, 0 10 0
Diametre de la culasse, 1 0 6
Longueur de la culasse, 0 6 0
Diametre auprès de la culasse où sont les armes du roi, 0 9 10
Longueur du bourlet, 0 2 5
Longueur des anses, 0 7 3
Longueur des tourillons, 0 3 10
Longueur de toute la piece, 4 10 5
Proportion de l’affût de la piece de huit livres, de la nouvelle invention du capitaine Espagnol.
Premiere Figure.
Piés. pouc. lig. points.
1 2 Longueur de l’affût, 9 0 6 3
1 3 longueur depuis la tête de l’affût, jusqu’au devant du tourillon, 0 9 2 0
4 5 longueur depuis le derriere du tourillon, jusqu’au cintre de l’affût, 2 6 7 0
5 6 longueur depuis le cintre de l’affût, jusqu’au cintre de la crosse, 4 3 10 0
6 7 longueur depuis le cintre de la crosse, jusqu’au bout de l’affût, 1 1 0 0
3 4 ouverture pour le tourillon, où il est encastré de moitié, 0 3 8 0
8 cintre de l’affût, 0 4 3 0
1 9 hauteur des flasques à la tête de l’affût, 1 0 0 0
10 11 hauteur des flasques derriere les tourillons, 0 11 10 0
12 8 hauteur des flasques au cintre de l’affût, 0 10 4 0
6 13 hauteur des flasques au cintre de la crosse, 0 9 0 0
14 15 hauteur au renfort de la crosse, 0 9 9 0
6 cintre de la crosse, 0 5 0 0
Seconde Figure.
A Epaisseur du flasque depuis la tête de l’affût, jusques au délardement, 0 4 0 0
B épaisseur depuis le délardement jusqu’à la moulure, 0 4 6 3
C C épaisseur depuis la moulure jusqu’à la moulure de l’entre-toise de lunette, 0 3 1 0
D D épaisseur des flasques à l’endroit de l’entre-toise de lunette, 0 4 6 3
E E longueur depuis la tête de l’affût, jusqu’à l’entretoise de lunette, 6 6 4 3
F F longueur depuis la tête de l’affût, jusqu’à l’entre toise de volée, 0 4 8 0
G G largeur de l’entre-toise de volée, 0 5 10 0
G H longueur de l’entre-toise de volée, 0 7 1 0
épaisseur de l’entre-toise de volée, 0 3 11 0
I I longueur depuis l’entre-toise de volée, jusqu’à l’entre-toise de couche, 1 3 8 0
L L longueur de l’entre-toise de couche, 0 10 4 3
I M largeur de l’entre-toise de couche, 0 7 0 0
épaisseur de l’entre-toise de couche, 0 3 11 0
M N longueur depuis l’entre-toise de couche, jusqu’à l’entre-toise de mire, 0 8 1 0
N O largeur de l’entre-toise de mire, 0 4 5 0
P P longueur de l’entre-toise de mire, 0 11 0 0
épaisseur de l’entre-toise de mire, 0 7 11 0
P Q longueur depuis l’entre-toise de mire, jusqu’à la moulure qui est près de l’entre-toise de lunette, 3 10 9 6
C R longueur des moulures, 0 2 2 0
O S longueur depuis l’entre-toise de mire, jusqu’à l’entre-toise de lunette, 3 9 7 6
P T longueur depuis l’entre-toise de mire, jusqu’à la moulure qui est auprès, 0 2 2 0
R V longueur depuis la moulure, près de l’entre-toise de lunette, jusqu’au bout de l’affût, 1 1 11 0
S X largeur de l’entre-toise de lunette, 1 2 5 0
D Y longueur de l’entre-toise de lunette, 1 5 8 0
épaisseur de l’entre-toise de lunette, 0 4 7 0
Z Z longueur depuis la tête de l’affût, jusqu’au devant du tourillon, 0 9 2 0
D K longueur de tout l’affût, 9 0 6 6
Piés. pouc. lig. point..
Proportion des ferrures de l’affût de huit.
Premiere Figure.
A Deux crochets de retraite,
longeur, 1 7 6
largeur près le crochet, 0 5 4
épaisseur, 0 0 4
B deux grands liens de flasque,
long. 2 3 0
larg. 0 2 3
épaiss. 0 0 2
C deux autres liens de flasque,
long. 2 0 6
larg. 0 2 3
épaiss. 0 0 2
D quatre contre-rivures quarrées, ou en façon de trefle,
long. 0 6 6
larg. 0 5 0
épaiss. 0 0 2
E le bandeau, long. 6 9 6
larg. 0 3 4
épaiss. 0 0 3
Il y a aussi à chaque ouverture de tourillon deux clavettes,
long. 0 3 6
larg. 0 1 0
épaiss. 0 0 2
F deux chevilles à tête platte,
long. 1 4 10
circonférence, 0 3 0
largeur de la tête platte, 0 2 2
épaisseur, 0 0 6
G deux heurtoirs, long. 1 5 3
circonférence, 0 3 2
largeur de la tête du heurtoirs, 0 2 3
épaisseur, 0 0 10
Seconde Figure.
1 deux susbandes, long. 2 1 4
larg. 0 2 9
épaiss. 0 0 6
2 deux contre-heurtoirs, long. 2 3 7
larg. 0 2 6
épaiss. 0 0 4
3 deux boulons de charniere,
long. 1 3 0
circonférence, 0 2 10
circonférence de la tête du boulon de charniere, 0 5 6
4 deux petits boulons,
long. 0 3 0
circonférence, 0 1 6
5 deux boulons à tête de diamant, long. 1 2 0
circonférence de la tête, 0 6 0
circonférence du boulon, 0 3 0
6 deux petits boulons à tête de diamant, & à pointe perdue,
long. 0 5 0
circonférence de la tête, 0 3 7
circonférence du boulon, 0 2 0
7 boulon de l’entre-toise de volée,
long. entre les deux têtes, 1 3 4
circonférence du boulon, 0 3 5
circonférence de la tête, 0 6 0
8 boulon de l’entre-toise de couche, long. entre les deux têtes, 1 6 0
circonférence du boulon, 0 3 0
circonférence de la tête, 0 6 0
9 boulon de l’entre-toise de mire,
long. entre les deux têtes, 1 8 0
circonférence du boulon, 0 3 4
circonférence de la tête, 0 6 3
10 boulon de l’entre-toise de lunette, long. entre les deux
têtes, 2 1 0
circonférence du boulon, 0 3 6
circonférence de la tête, 0 6 2
11 Deux bouts d’affûts, long. 6 4 11
larg. entre les deux moulures, 0 2 4
épaiss. 0 0 3
12 largeur des bouts d’affût près l’entre-toise de lunette, 0 3 4
13 deux liens d’entre-toises de lunette, long. 3 1 9
14 lunette de dessus, 1 11 10
lunette de dessous, 1 11 10
15 l’anneau de lunette, diametre 0 4 4
grosseur de l’anneau, 0 3 0
16 le boulon d’anneau de lunette,
long. 0 7 7
circonférence de la tête, 0 3 6
épaisseur de la tête, 0 1 0
17 diametre du trou de l’entretoise de lunette, 0 4 6
Proportion des roues de l’affût de huit livres.
AB Longueur du moyeu, 1 6 0
CD diametre au bouge, 1 3 0
BE face au gros bout, 0 11 6
AT face au menu bout, 0 8 8
FG hauteur des jantes, 0 4 10
Il y a six jantes dans une roue, & à chaque jante il y a deux raies.
HI longueur des raies, 1 4 0
L face des raies, 0 2 5
MN hauteur des roues, 4 8 8
Proportions des ferrures des roues de l’affût.
O Douze bandes, long. 2 4 5
larg. 0 2 6
épaiss. 0 0 5
P Douze liens ronds à une chevillette chacun, long. 1 4 0
largeur par-dessus la bande, 0 1 10
larg. à côté de la jante au
plus gros, 0 4 0
épaiss. sur la bande, 0 0 6
épaiss. à côté de la jante, 0 0 1
Quatre frettes,
Proportion de l’essieu de l’affût de huit livres.
Longueur du corps de l’essieu, non compris les fusées, 2 6 10
Longueur des fusées, 1 9 10
Longueur avec les fusées, 6 2 6
Grosseur du corps de l’essieu, 0 6 10
Largeur du corps de l’essieu, où posent les flasques, 0 6 3
Longueur du petit bout des fusées, qui passe le moyeu, 0 3 3
Face, 0 3 0
Proportion de la ferrure de l’essieu de l’affût de huit livres.
Deux étriers, longueur, 1 10 0
largeur, 0 2 8
épaisseur, 0 0 6
Deux équignons, long. 2 0 0
larg. 0 1 1 6
épaiss. 0 1 1 6
Deux brabans longs, 1 1 5
larg. par le plus large, 0 2 0
& par le plus étroit qui est dessous l’essieu, 0 1 0
épaiss. 0 0 2
Longueur des petits anneaux qui sont au bout des fusées de l’essieu, 0 11 0
largeur, 0 1 0
épaisseur, 0 0 1 6
Proportion de l’avant-train avec les roues & essieu.
Longueur du corps de l’essieu, non compris les fusées, 3 0 10
Longueur des fusées, 1 4 4
Grosseur du corps de l’essieu, 0 5 0
Largeur du corps de l’essieu où pose la sellette, 0 4 0
Longueur de la sellette, 3 2 10
Largeur, 0 4 0
Hauteur de la sellette depuis l’essieu jusqu’à la cheville ouvriere, 1 0 0
Longueur du petit bout de la limoniere qui passe derriere la sellette, 0 4 0
Longueur des limonieres, 7 9 0
Leurs faces, 0 3 0
Longueur de l’entre-toise de limoniere de dedans en dedans, 1 10 10
Largeur de l’entretoise de limoniere, 0 3 8
Son épaisseur, 0 1 6
Longueur de l’épars de dedans en dedans, 1 10 10
Largeur de l’épars, 0 2 8
Epaisseur de l’épars, 0 3 10
Face des limonieres vers l’épars, 0 3 9
Face des limonieres au bout, 0 3 0
Longueur depuis la sellette jusqu’à l’épars, 0 7 6
Longueur depuis l’épars jusqu’à l’entre-toise de limoniere, 0 6 11
Longueur depuis l’entretoise jusque aux ragots, 3 8 3
Longueur du moyeu, 1 1 3
Diametre au bouge, 0 10 0
Face au gros bout, 0 9 0
Face au petit bout, 0 6 6
Longueur des raies, 0 8 0
Hauteur des jantes, 0 4 4
Face des raies, 0 1 6
Epaisseur des jantes, 0 2 5
Hauteur des roues, 3 3 8
Largeur des limonieres vers le milieu, 2 4 8
Proportion des ferrures de l’avant-train & des rouages.
Quatre cordons, long. 3 0 0
larg. 0 0 10
épaiss. 0 0 3
Deux grandes frettes, long. 2 8 0
larg. 0 1 3
épaiss. 0 0 4
Deux petites frettes, long. 2 0 9
larg. 0 1 0
épaiss. 0 0 4
Deux liens de sellette, long. 2 3 7
larg. 0 2 2
épaiss. 0 0 5
Deux petits anneaux de limoniere,
long. 0 11 3
larg. 0 0 11
épaiss. 0 0 3
Deux petits anneaux d’essieu, long. 0 8 10
larg. 0 0 10
épaiss. 0 0 2
Une plaque de sellette, long. 2 0 11
larg. par le haut, diminuant à rien par le bas, 0 7 0
épaiss. 0 0 2
Dix bandes à dix clous chacune,
long. 1 9 3
larg. 0 2 2
épaiss. 0 0 6
Deux ragots, long. 0 6 0
longueur du crochet, 0 3 0
largeur du ragot près le crochet, diminuant à rien par le bas, 0 3 0
Face du crochet. 0 0 6

A l’égard de la maniere de voiturer le canon & de le soûtenir, voyez Affust.

Pour ce qui concerne la méthode de le charger voyez Charge.

Canon à la Suédoise ; c’est une piece de quatre livres de balle de nouvelle invention. Dans l’épreuve de deux de ces pieces fondues à l’arsenal de Paris en 1740, on a aisément tiré dix coups par minute. Ces pieces ne pesent qu’environ 600 ou 625 livres, ce qui les rend d’un transport très-aisé dans toutes sortes de terreins. On assure que M. Dubrocard, tué a Fontenoy, s’en est servi très-avantageusement en Boheme. (Q)

* Canon de fusil, (Arts méchaniques.) Le canon d’un fusil en est la partie principale. C’est ce tube de fer dans lequel on met la poudre & le plomb, & qui dirige le coup où l’on veut qu’il atteigne. Il ne paroît pas au premier coup d’œil, que ce soit un ouvrage difficile, que celui d’un bon canon ; cependant il demande pour l’exécution, des précautions & de l’expérience. Sans les précautions, le canon péchant par la matiere, celui qui s’en servira sera exposé à en être estropié, ou peut-être même tué : sans l’expérience, la matiere sera bonne ; mais étant mal travaillée, celui qui se servira du fusil, sera peu sûr de son coup, à moins que par une longue habitude de son arme, il ne parvienne à en connoître & corriger le défaut. Il y a des canons qui ne portent qu’à peu de distance ; d’autres portent ou trop bas, ou trop haut, ou à gauche, ou à droite. Il y en a qui ont le recul très-incommode. On peut inviter les Physiciens à tourner leurs vûes de ce côté ; à s’instruire de la maniere dont on forge les canons de fusil, & à rechercher tout ce qui peut contribuer à la perfection & à la bonté de cette arme.

Une des principales attentions que doit avoir celui qui fait un canon de fusil, c’est de choisir de bon fer. Le meilleur pour cet usage doit être doux, liant & sans paille.

Il prendra environ six piés de barre de ce fer, de vingt-deux lignes de large, sur quatre lignes environ d’épaisseur. Cette barre pliée en trois, appellée par les ouvriers maquelle, sera chauffée, soudée, & bien corroyée sous le gros marteau, pour en former la lame du canon.

On entend par la lame, un morceau de fer plat, destiné à être roulé ou tourné sur une longue broche, & à former le tube ou canal du canon.

La broche fait ici la fonction d’une bigorne. C’est sur elle que se fait l’opération la plus délicate, celle de souder le canon, ou la lame roulée, selon toute sa longueur. On conçoit que si cette soudure peche en quelque endroit, l’effort de la poudre ne manquera pas d’ouvrir le canon dans cet endroit ; & que si le défaut se trouve malheureusement à la partie inférieure du canon qu’on appelle le tonnerre, le moindre accident qui puisse en arriver à celui qui s’en sert, c’est d’avoir un bras, une main emportée. Il est des Arts dont la bonne police devroit interdire l’exercice à tout mauvais ouvrier, & où les bons ouvriers sont plus particulierement obligés à ne point faire de mauvais ouvrages. Un ouvrier en canon de fusil qui s’est négligé dans son travail, s’est exposé à un homicide. Il n’en est pas d’un canon de fusil ainsi que d’un couteau, d’un ciseau, d’une montre, &c.

Pour que la soudure soit bien faite, il est enjoint à l’ouvrier de donner les chaudes de deux pouces en deux pouces au plus. S’il les donnoit moins fréquentes & sur plus de longueur, quelques portions de matiere se refroidissant avant que d’être travaillées au marteau, ou ne souderoient point, ou souderoient mal.

Lorsque le canon aura été soudé sur la broche de l’un à l’autre bout, l’ouvrier observera avec attention, s’il n’y est pas resté d’éventures ou crevasses, ou de travers. Les travers sont des especes de crevasses transversales, qui viennent du défaut de la matiere. S’il y remarque quelqu’une de ces défectuosités, il rapportera en cet endroit des lames de fer enchassées en queue d’aronde, & au lieu de la troisieme chaude douce, il ressoudra le canon depuis un bout jusqu’à l’autre ; cette ressoudure est même très bonne à pratiquer, soit qu’il y ait eu des éventures ou non. Elle achevera de resserrer les pores de l’étoffe, & de rendre le canon de bon service.

Cela fait, le canon sera forgé. Il s’agit maintenant de le forer ; car on se doute bien que sa surface tant intérieure qu’extérieure au sortir de la forge, doit être très-inégale. Le canon sera foré par vingt forets au moins, qui augmenteront le calibre peu à peu ; mais au lieu de l’instrument appellé la mouche, qui a une espece de ramasse & qui ne peut pas rendre un canon égal de calibre, il est ordonné de se servir d’une meche ou outil quarré de la longueur de douze à quatorze pouces, sur laquelle on appliquera une ételle de bois, qui couvrira les deux carnes de la meche ; à chaque fois que l’on passera la meche dans le canon, on rehaussera l’ételle de bois par une bande de papier mise entre elle & la meche ; ce qui servira à enlever les traits du foret, & à rendre le canon égal dans l’ame, & du calibre prescrit.

Voyez Planche premiere de la fabrication des canons, la perspective d’une usine dont on voit le plan, Planche II. A est un bac qui se remplit d’eau par le moyen du tuyau ou de la canelle B, qui aboutit par son autre extrémité dans un réservoir ou courant qui conduit de l’eau, dont la chûte sur les aubes d’une grande roue fixée sur l’arbre de la roue D, fait tourner cette roue. On a pratiqué deux rainures dans l’épaisseur de la roue D, propres à recevoir deux cordes ; l’une de ces cordes, après s’être croisée, se rend sur la poulie E, & la fait tourner. La poulie E, fixée sur l’arbre F, fait tourner cet arbre, & avec cet arbre, la roue G, la meule H & le quarré I, dans lequel est adapté le foret L. La roue G, porte une corde qui se croise & se rend sur la roue M ; la roue M, fait tourner l’arbre N, la meule O, le quarré P & le forêt Q, qui y est adapté. Cet équipage forme la moitié d’une usine, telle que sont celles de St. Etienne en Forès. Si l’on imagine une corde qui passe sur la seconde rainure de la roue D, & qui se rende sur une roue placée de l’autre côté, & telle que la roue G, on aura l’usine entiere.

Chacune des roues M occupe deux ouvriers ; l’un s’appelle le foreur, l’autre le semeur. Le foreur est placé dans la fosse R ; il adapte dans le quarré P, le foret qui convient. Il applique son canon à ce foret. Le canon est porté dans une piece échancrée T, qui l’embrasse. Une fermeture S, le contient dans l’échancrure de la piece T. Le foreur dirige le canon, & fait succéder les forets les uns aux autres, jusqu’à ce que le canon soit du calibre qui convient. Le semeur est couché sur la planche V, & c’est lui qui réduit le canon sur la meule O, à ses proportions extérieures.

Lorsque le canon est foré, on en vérifie le calibre avec un dé ou mandrin long de trois pouces, tourné, trempé, poli, & du diametre de sept lignes trois quarts. On passe ce mandrin dans le canon de l’un à l’autre bout. Le semeur a deux calibres, l’un de seize lignes justes, & l’autre de huit lignes & demie pour vérifier les bouts du canon ; c’est en semant le canon, c’est-à-dire en le mesurant exactement avec ses deux calibres, que le semeur lui donne à l’extérieur la forme de cierge qu’il doit avoir.

On conçoit aisément que le foret ne peut travailler au-dedans d’un canon, sans qu’il s’y fasse un grand frotement & une chaleur capable de le détremper ; c’est pour obvier à cet inconvénient qu’on a pratiqué les rigoles C, x, y, qui portent de l’eau vers toutes les fosses, & arrosent l’endroit où la fermeture soûtient le canon, & où la pointe & les carnes du foret agissent. Les meules H, O, tournent dans des auges qui sont aussi pleines d’eau qui les rafraîchit.

L’ouvrage du semeur n’est guere moins délicat que celui du forgeron ; c’est lui qui dresse le canon, & qui lui donne cette diminution d’épaisseur, qu’il faut conduire avec tant de précision, de la culasse à la bouche, pour rendre le canon juste. Il faut un grand nombre d’années pour former un excellent ouvrier en ce genre.

Le canon du fusil grenadier ou de soldat, est rond, & n’a qu’un seul pan qui prend de la culasse, & va finir à trois pouces du guidon. La longueur du canon est de trois piés huit pouces justes.

Le diametre entier à l’arriere ou à la culasse est de seize lignes. Le diametre entier sur le devant ou à la bouche est de huit lignes & demie, & le calibre de sept lignes trois quarts, afin que la balle des dix-huit à la livre ait suffisamment de vent.

Suivant ces dimensions, l’épaisseur du fer à la culasse doit être de quatre lignes & un huitieme de ligne, & l’épaisseur du fer à la bouche, de trois huitiemes de ligne.

Il est enjoint de faire la culasse double & bien jointe dessus & dessous ; la queue épaisse de trois lignes proche du talon, venant au bout à deux lignes ; & le talon de deux lignes & demie d’épaisseur par-dessous, allant au-dessus à la largeur du pan du canon, sur six à sept lignes de haut. La vis de la platine de derriere, passant au-travers du talon, il sera ouvert en forme de fourche, afin que le canon se démonte, sans ôter la vis. Il n’y aura que la vis de la queue à lever.

La tête de la culasse sera de huit lignes de haut, & la lumiere sera percée à sept lignes de derriere ; par conséquent la tête de la culasse sera entaillée d’une ligne du côté de la lumiere, & restera plate par le bout.

On n’a pû régler la hauteur de la culasse par le nombre de ses filets, ces filets étant plus gros ou plus fins les uns que les autres : mais il faut avoir soin qu’ils soient vifs & bien enfoncés. La queue de la culasse aura deux pouces de longueur & se terminera en ovale.

Il y aura un tenon aux canons ; il sera placé à quatre pouces du bout, & se trouvera logé dans le fût sous le premier anneau. Le guidon sera aussi brasé à vingt lignes justes du bout. On y aura une attention singuliere, pour que les bayonettes des différentes manufactures puissent se rapporter facilement.

Les canons demi-citadelle ou de rempart seront fabriqués, comme nous l’avons prescrit ci-dessus ; ils auront trois piés huit pouces de longueur : le diametre entier de la culasse sera de dix-huit lignes. Le diametre sur le devant, ou à la bouche, sera d’onze lignes un quart, & le calibre de huit lignes un quart. Ils auront comme ceux de grenadier, un tenon, & le guidon en sera posé à seize lignes du bout.

Le bouton de la culasse aura la même hauteur, & le talon la même épaisseur que la culasse du fusil grenadier ; la lumiere en sera aussi percée à la même distance.

Les canons tant de rempart que de soldat seront éprouvés horisontalement, avec leur vraie culasse, couchés sur des chevalets, la culasse appuyée contre une poutre armée de barres de fer, ce qui arrêtant le recul, rendra l’épreuve plus forte. Chaque canon soûtiendra deux épreuves : la premiere sera une charge de poudre du poids de la balle, bourrée avec du papier, & la balle par-dessus aussi bourrée ; la seconde sera d’un cinquieme de poudre de moins, aussi bourrée & de même la balle par-dessus.

La balle du fusil de soldat est de dix-huit à la livre, & la balle du fusil de rempart est d’une once ou de seize à la livre.

Il est rare qu’il creve des canons à la seconde épreuve : mais elle est ordonnée, parce qu’elle ouvre & fait découvrir les éventures imperceptibles que la premiere épreuve n’a point assez dilatées. Les canons éventés sont mis au rebut, ainsi que les canons crevés.

Le canon tient au bois sur lequel on le monte, par la vis de la culasse, & par deux anneaux qui le joignent au fût ; l’un, au commencement, où il sert de porte-baguette à queue ; & l’autre, vers le bout du fût qu’il saisit avec le canon, & où il est arrêté au moyen d’une petite lame à ressort, qui porte sa goupille encastrée dans le côté du fût. Voyez aux articles Fusil, Platine, &c. ce qui concerne le reste de l’arme-à-feu, avec les dimensions selon lesquelles M. de Valliere, lieutenant général des armées du Roy, & inspecteur des manufactures des armes, a reglé que ses différentes parties fussent toutes fabriquées.

Notre fabrique de canon de Saint-Etienne en Forès est très-considérable, tant par la quantité d’armes qui en sortent, que par la qualité qu’elles ont. Elle est composée d’une multitude d’ouvriers qui ne peut guere s’estimer, que par celle des usines construites sur les bords de la Furense ; cette riviere fait tourner des milliers de meules. Cependant comme elle manque d’eau quelquefois, cela a déterminé quelques fabricateurs à transporter les leurs sur la Loire. M. de Saint-Perieux, gendre de M. Girard un de ceux qui ont le mieux répondu aux vûes que M. de Valliere a toûjours eues pour perfectionner la fabrication des armes, a placé la sienne à Saint-Paul en Cornillon, à deux lieues de Saint-Etienne.

Quelques artistes ont imaginé de souder plusieurs canons ensemble, & d’en faire des fusils à plusieurs coups. Les fusils à deux coups sont communs. Il en est sorti un à trois coups de la fabrique des nouveaux entrepreneurs pour le Roi, remarquable par sa legereté, son méchanisme, sa sûreté, son travail de forge & de lime, & ses ornemens. Nous en ferons mention à l’article Fusil. Voyez l’article Fusil.

Les canons n’ont pas tous la même forme extérieure ; il y en a de ronds ; il y en a à pans, ou cannelés : les uns sont unis ; d’autres sont ciselés. Mais ces ornemens s’exécutent sur le canon du fusil, comme sur tout autre ouvrage. Voyez Ciseler, & Canneler. On a inventé quelques machines pour les pans & pour les cannelures : mais elles n’ont pas répondu à l’effet qu’on en attendoit, & on a été obligé de les abandonner & de s’en tenir à la lime : il y a des canons brisés ; des canons carabinés, &c. Voyez la suite de cet article.

Canon Brisé, (terme d’Arquebusier.) c’est un canon qui est coupé en deux parties au haut du tonnerre ; la partie supérieure est en écrou vissé, & se monte sur le tonnerre qui est en vis, de façon qu’ils se joignent ensemble, & forment en-dessus une face unie. Ces canons sont ordinairement carabinés ; il y en a de toutes sortes de grandeur & de grosseur. Voyez Fusil.

Canon carabiné, (terme d’Arquebusier.) Ce canon fait à l’extérieur comme les canons ordinaires, est tarodé en-dedans dans toute sa longueur de moulures longitudinales ou circulaires. L’on est obligé dans ces canons d’enfoncer la balle avec une baguette de fer, & de l’y forcer ; ces canons portent la balle plus loin & plus juste. Voyez les articles Mousquet & Fusil.

Petit Canon, (Fonderie en caracteres d’Imprimerie : ) quinzieme corps des caracteres d’Imprimerie ; sa proportion est de quatre lignes quatre points, mesure de l’échelle. Voyez Proportion des Caract. d’Imp., & l’exemple à l’article Caracteres.

Gros Canon, (chez les mêmes ouvriers.) dix-septieme corps des caracteres d’Imprimerie ; sa proportion est de sept lignes deux points mesure de l’échelle. Voyez Proportion des Caract. d’Imprim. & l’exemple à l’article Caracteres.

Double Canon, (chez les mêmes.) dix-huitieme corps des caracteres d’Imprimerie ; sa proportion est de neuf lignes deux points, mesure de l’échelle. Voyez Proportion des Caract. d’Imprim. & l’exemple à l’article Caracteres.

Triple Canon, (encore chez les mêmes.) dix-neuvieme corps des caracteres d’Imprimerie ; sa proportion est de douze lignes, mesure de l’échelle. Voyez Proportion des Caract. d’Imprim. & l’exemple à l’article Caracteres.

Canon, (en terme de Chaudronnier.) est un morceau de fer à tête large & foré, que l’on appuie sur la piece, à l’endroit où on la perce. Voyez Pl. II. du Chaudronnier, fig. 8. qui représente un ouvrier qui appuie le canon contre une cuve pendant que l’ouvrier fig. 7. perce un trou avec un poinçon qu’il chasse avec un marteau. La figure 18. de la même Planche représente le canon en particulier, & la fig. 17. une espece de tas qui sert au même usage.

Canon, terme dont les Emailleurs se servent pour signifier les plus gros morceaux ou filets d’émail qu’ils tirent pour le mettre en état d’être employé aux divers ouvrages de leur métier.

Suivant l’article xix. des statuts des Emailleurs, il est défendu à toutes personnes, marchands ou autres, de mêler aucune sorte d’émail, & retenir canon pour vendre, si ce n’est aux maîtres du métier. Voyez Email & Emailleur

Canon, (parmi les Horlogers.) signifie une espece de petit tuyau, ou un cylindre creux un peu long, percé de part en part. On adapte des canons à différentes pieces ou roues, pour qu’elles tournent sur des arbres ou tiges sans aucun bercement, & aussi pour qu’elles puissent y tenir à frottement : tel est le canon de la chaussée, celui de la roue de cadran, &c. Voyez Chaussée, Roue de cadran, &c. & la Planche des Montres. (T)

Canon ; ce mot a deux sens dans le Manege : dans le premier, il signifie la partie qui est depuis le genouil & le jarret jusqu’au boulet. Les fusées ; les sur-os viennent au canon des chevaux ; les arrêtes, tout le long du canon jusqu’au roulet, ne viennent que très-rarement aux barbes. Dans le second, c’est une partie du mors ou de l’embouchure du cheval, qui consiste dans une piece de fer arrondi qui entre dans la bouche & la tient sujette. Il y a plusieurs sortes de canons, savoir le canon simple, le canon à trompe, le canon gorge de pigeon, le canon montant, le canon à compas, le canon à col d’oie la liberté gagnée, le canon à bascule, le canon à pas d’âne, le canon coupé à pas d’âne, &c. dont on peut voir la description dans les auteurs. Voyez Embouchure. & fig. 22. Planc. de l’Eperonnier en P.

Canon, (terme de Plombier.) c’est un tuyau de plomb de trois ou quatre piés de longueur, où vont se rendre les eaux des chêneaux qui entourent un bâtiment, & qui jette l’eau bien loin des fondemens qu’elle pourroit gâter, si elle tomboit au pié du mur.

Canons d’une jauge, sont les ouvertures qui sont percées dans son pourtour, & où sont soudés des bouts de tuyaux. Voyez Jauge. (K)

Canon, (terme de Potier de fayence.) c’est une espece de pot de fayence un peu long & rond, dans lequel les marchands Apothicaires, particulierement ceux de Paris, mettent les confections & les électuaires à mesure qu’ils les préparent.

Canon, (terme de Rubannier.) se dit d’un petit tuyau de buis, ayant ainsi que le rochet de petits bords à ses bouts pour empêcher les soies d’ébouler ; il est percé d’outre en outre d’un trou rond pour recevoir la brochette de la navette dans laquelle il doit entrer ; son usage est d’être rempli dans chaque ouvrage de ce qui compose la trame. Voyez Trame. Il est à propos à chaque ouvrier d’avoir quantité de ces canons, pour éviter de faire de la trame à tous momens.

Canon à devider, qui se passe dans la ceinture de la devideuse ; c’est souvent un vieux rochet dans l’épaisseur du corps duquel on fait un trou qui va jusqu’au trou de la longueur ; il y en a d’uniquement destinés à cet usage, qui sont faits par les Tourneurs ; ils servent à recevoir le bout de la broche à devider, pour soulager la devideuse. Voyez Devider.

Canon, en Serrurerie, c’est cette piece de la serrure qui reçoit la tige de la clé, quand il s’agit d’ouvrir ou fermer la serrure. Cette piece n’est autre chose qu’un canal fendu par sa partie inférieure, qui sert de conducteur à la clé : quand la serrure a une broche, la broche traverse le canon, & lui sert d’axe. Le canon aboutit par son entrée à la partie extérieure de la porte, & par son extrémité intérieure il va se rendre à la couverture ou au foncet de la serrure. Voyez Foncet.

On distingue deux sortes de canons ; il y en a à patte, & de tournans.

Les canons à patte sont attachés avec des rivures ou des vis, sur la couverture ou sur le foncet de la serrure.

Les canons tournans, qui sont d’usage aux serrures de coffres forts, ronds à l’extérieur comme les autres canons, sont ordinairement figurés intérieurement, soit en trefle, soit en tiers point, ou de quelqu’autre figure pareille, & reçoivent par conséquent des clés dont les tiges ont la même figure de trefle ou de tiers point ; d’où il arrive qu’ils tournent sur eux-mêmes avec la clé, sans quoi la clé ne pourroit se mouvoir. Pour leur faciliter ce mouvement, au lieu d’être fixés soit à rivure soit à vis sur la couverture ou sur le foncet, ils traversent toute la serrure, & leur tête qui pose sur le palatre, est sous une piece creuse qu’on nomme couverture, qui les empêche de résister, mais non de se mouvoir : la couverture est fixée sur le palatre par des vis. Voyez Serrure.

Canon pour la trame, instrument des ouvriers en étoffes de soie ; le canon pour la trame est un bois arrondi, pointu d’un côté, & avec une tête de l’autre percée d’un bout à l’autre ; il est de six à sept pouces de long environ ; la trame est devidée sur ce canon. Voyez Navette.

Canon pour l’organcin, instrument des ouvriers en étoffes de soie ; le canon ou rochet pour l’organcin est différent de celui de la trame, en ce qu’il est un peu plus petit, & qu’il a une tête à chaque bout. Voyez Rochet.

Canon, terme de Tourneur ; on nomme canons d’un arbre à tourner en ovale ou en d’autres figures irrégulieres, deux cylindres creux qui sont traversés par une verge de fer quarrée qui joint la boîte au mandrin. Voyez Tour.