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queroit le tems ; sa maison est devant la mienne, c’est-à-dire, qu’elle est placée vis-à-vis de la mienne ; au lieu que si je dis, sa maison est avant la mienne, cela voudra dire que celui à qui je parle arrivera à la maison de celui dont on parle, avant que d’arriver à la mienne.

Avant se prend aussi adverbialement, & alors il est précédé d’autres adverbes ; il a pénétré si avant, bien avant, trop avant, assez avant.

Il faut dire, avant que de partir ou avant que vous partiez. Je sai pourtant qu’il y a des auteurs qui veulent supprimer le que dans ces phrases, & dire avant de se mettre à table, &c. mais je crois que c’est une faute contre le bon usage ; car avant étant une préposition, doit avoir un complément ou régime immédiat ; or une autre préposition ne sauroit être ce complément : je crois qu’on ne peut pas plus dire avant de, qu’avant pour, avant par, avant sur : de ne se met après une préposition que quand il est partitif, parce qu’alors il y a ellipse ; au lieu que dans avant que, ce mot que, hoc quod, est le complément, ou, comme on dit, le régime de la préposition avant ; avant que de, c’est-à-dire, avant la chose de, &c.

Avant que de vous voir, tout flattoit mon envie, dit Quinault, & c’est ainsi qu’ont parlé tous les bons auteurs de son tems, excepté en un très-petit nombre d’occasions ou une syllabe de plus s’opposoit à la mesuré du vers : la poësie a des priviléges qui ne sont pas accordés à la prose.

D’ailleurs, comme on dit pendant que, après que, depuis que, parce que, l’analogie demande que l’on dise avant que.

Enfin, avant est aussi une préposition inséparable qui entre dans la composition de plusieurs mots. Par préposition inséparable, on entend une préposition qu’on ne peut-séparer du mot avec lequel elle fait un tout, sans changer la signification de ce mot ; ainsi on dit : avant-garde, avant-bras, avant-cour, avant-goût, avant-hier, avant-midi, avant main, avant-propos, avant-quart, avant-train, ce sont les deux roues qu’on ajoûte à celles de derriere ; ce mot est sur-tout en usage en Artillerie : on dit aussi en Architecture, avant-bec ; ce sont les pointes ou épérons qui avancent au-delà des piles des ponts de pierre, pour rompre l’effort de l’eau contre ces piles, & pour faciliter le passage des bateaux. (F)

Avant (aller en), terme de Pratique, usité singulierement dans les avenir qui se signifient de procureur à procureur : il signifie poursuivre le jugement d’une affaire. (H)

Avant, a différentes significations en Marine. L’avant du vaisseau ou la proue, c’est la partie du vaisseau qui s’avance la premiere à la mer.

On entend aussi par l’avant, toute la partie du vaisseau comprise entre le mât de misaine & la proue, le château d’avant, ou le gaillard d’avant. Voyez Chateau d’avant.

Vaisseau trop sur l’avant, c’est-à-dire qui a l’avant trop enfoncé dans l’eau.

Etre de l’avant, se mettre de l’avant, se dit d’un vaisseau qui marchant en compagnie, avance des premiers.

Etre de l’avant, se dit aussi lorsque l’on se trouve arrivé à la vûe d’une terre, quand par l’estime de ses routes, on croit en être encore éloigné. V. Estime.

Le vent se range de l’avant, c’est-à-dire qu’il prend par la proue & devient contraire à la route. (Z)

Avant-bec, s. m. en Architecture : nom qu’on donne aux deux éperons de la pile d’un pont. Leur plan est le plus souvent un triangle équilatéral, dont la pointe se présente au fil de l’eau pour la briser & l’obliger à passer sous les arches. L’avant-bec d’aval

est le plus souvent rond, comme au pont de Pontoise.

Les Romains faisoient quelquefois l’avant-bec d’amont rond, comme au pont Saint-Ange à Rome ; & quelquefois à angle droit, comme au pont antique de Rimini en Italie.

L’avant-bec d’amont est opposé au fil de l’eau, & celui d’aval est au-dessous.

Cette pointe d’une pile qu’on appelle l’avant-bec, est ordinairement garnie de dales à joints recouverts. (P)

Avant-bras, s. m. partie du métier à faire des bas. Voyez Bas au métier.

Avant-chemin-couvert, c’est, dans la Fortification, un second chemin-couvert qui est plus avancé dans la campagne que le premier. Lorsqu’il y a un avant-fossé, on construit presque toûjours au-delà un avant-chemin-couvert.

L’avant-chemin-couvert ne doit point être plus élevé que le premier ; au contraire on abaisse quelquefois son terre-plein d’un pié & demi ou deux piés : mais on lui construit alors deux banquettes. L’avant-chemin-couvert se durcit de la même maniere que le chemin-couvert ordinaire : il a, comme ce premier, ses places d’armes, ses traverses, &c. Voyez Chemin-couvert ; voyez aussi une partie d’avant-chemin-couvert. Pl. IV. de l’art milit. fig. 3. (Q)

Avant-cœur ou Anti-cœur. C’est, en Anatomie, cette partie creuse proche le cœur, communément appellée le creux de l’estomac, & par quelques-uns scrobiculus cordis. Ce dernier mot est composé de ἀντὶ, contra, contre, & de cor, cœur. (L)

Avant-cœur, (Maréch.) Les Maréchaux appellent ainsi une tumeur contre nature, de figure ronde, & grosse à peu-près comme la moitié du poing, qui se forme à la poitrine du cheval vis-à-vis du cœur. Si l’avant-cœur ne vient à suppuration, c’est pour le cheval une maladie mortelle. On dit aussi anti-cœur.

L’avant-cœur se manifeste par la tumeur qui paroît en-dehors ; le cheval devient triste, tient la tête basse, & sent un grand battement de cœur ; il se laisse tomber par terre de tems en tems, comme si le cœur lui manquoit, & qu’il fût prèt à s’évanoüir : il perd totalement le manger, & la fievre devient quelquefois si violente par la douleur aiguë qu’il sent, qu’elle l’emporte en fort peu de tems.

Cette maladie peut avoir deux causes : elle vient ou d’une morfondure qui aura fait arrêter & répandre du sang dans les graisses & dans les attaches du muscle pectoral d’un côté, ou de tous les deux ensemble ; ce sang épanché y forme de la matiere, qui étant répandue & fermentant dans un endroit aussi sensible, doit allumer une fievre très-vive par la douleur violente qu’elle cause.

L’autre cause, qui est bien aussi vraissemblable que la premiere, & à laquelle tous ceux qui ont écrit de ce mal ne l’ont point attribué, que je sache, est un écart ou un effort du cheval, lequel aura forcé les tendons des muscles pectoraux ; ce qui causant une grande douleur au cheval, vû la sensibilité de ces parties, y excite une inflammation avec tumeur par l’irruption des vaisseaux dans le tems de l’écart.

Cette tumeur disparoît quelquefois, ce qui est un très-mauvais prognostic, à moins que la saignée n’en soit la cause : enfin si ce mal arrive à un cheval mal disposé, il court grand risque de n’en pas revenir.

Lorsque l’avant-cœur vient à suppuration, & que la matiere s’y forme promptement, il paroît que le cheval a la force de pousser au-dehors cette tumeur, & c’est un bon signe pour sa guérison.

Il vient aussi au cheval une grosse tumeur douloureuse au haut de la cuisse en-dedans, à l’endroit où elle se joint au bas-ventre, c’est-à-dire à l’aine. Ce mal est aussi dangereux que le précédent ; car il est