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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/113

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les Romains celui qui se faisoit per coemptionem, à la différence de celui qui se faisoit seulement per usum, ou par usucapion. Parmi nous on entend par mariage solemnel celui qui est revêtu de toutes les formalités requises par les canons & par les ordonnances du royaume. (A)

Mariage spirituel s’entend de l’engagement qu’un évêque contracte avec son église & un curé avec sa paroisse. En général le sacerdoce est considéré comme un mariage spirituel ; ce mariage est appellé spirituel par opposition au mariage charnel. Voyez cap. ij. extra de translatione episcop. Berault sur la coutume de Normandie, article 381, & le traité des matieres bénéficiales de M. Fuet, pag. 254.

Mariage subséquent. On entend par-là celui qui suit un précédent mariage, comme le second à l’égard du premier, ou le troisieme à l’égard du second, & ainsi des autres. Le mariage subséquent a l’effet de légitimer les enfans nés auparavant, pourvu que ce soit ex soluto & soluta. Voyez Batard & Légitimation. (A)

Mariage à tems. Le divorce qui avoit lieu chez les Romains, eut lieu pareillement dans les Gaules depuis qu’elles furent soumises aux Romains ; c’est apparemment par un reste de cet usage qu’anciennement en France, dans des tems de barbarie & d’ignorance, il y avoit quelquefois des personnes qui contractoient mariage pour un tems seulement. M. de Varillas trouva dans la bibliotheque du roi parmi les manuscrits, un contrat de mariage fait dans l’Armagnac en 1297 pour sept ans, entre deux nobles, qui se réservoient la liberté de le prolonger au bout de sept années s’ils s’accommodoient l’un de l’autre ; & en cas qu’au terme expiré ils se séparassent, ils partageroient par moitié les enfans mâles & femelles provenus de leur mariage ; & que si le nombre s’en trouvoit impair, ils tireroient au sort à qui le surnuméraire échéeroit.

Il se pratique encore dans le Tonquin que quand un vaisseau arrive dans un port, les matelots se marient pour une saison ; & pendant le tems que dure cet engagement précaire, ils trouvent, dit-on, l’éxactitude la plus scrupuleuse de la part de leurs épouses, soit pour la fidélité conjugale, soit dans l’arrangement économique de leurs affaires. Voyez l’essai sur la polygamie & le divorce, traduit de l’anglois de M. Hume, inséré au mercure de Février 1757, p. 45. (A)

Mariage par usucapion ou per usum, étoit une forme de mariage usitée chez les Grecs & chez les Romains du tems du paganisme. Le mari prenoit ainsi une femme pour l’usage, c’est-à-dire pour en avoir des enfans légitimes, mais il ne lui communiquoit pas les mêmes privileges qu’à celle qui étoit épousée solemnellement. Ce mariage se contractoit par la co-habitation d’un an. Lorsqu’une femme maîtresse d’elle-même avoit demeuré pendant un an entier dans la maison d’un homme sans s’être absentée pendant trois nuits, alors elle étoit réputée son épouse, mais pour l’usage & la co-habitation seulement : c’étoit une des dispositions de la loi des douze tables.

Ce mariage, comme on voit, étoit bien moins solemnel que le mariage per coemptionem ou par confarréation : la femme qui étoit ainsi épousée étoit qualifiée uxor mais non pas mater-familias ; elle contractoit un engagement à la différence des concubines, qui n’en contractoient point, mais elle n’étoit point en communauté avec son mari ni dans sa dépendance.

Le mariage par usucapion pouvoit se contracter en tour tems & entre toutes sortes de personnes : une femme que son mari avoit instituée héritiere à condition de ne se point remarier, ne pouvoit pas

contracter de mariage solemnel sans perdre la succession de son mari, mars elle pouvoit se marier par usucapion, en déclarant qu’elle ne se marioit point pour vivre en communauté de biens avec son mari, ni pour être sous sa puissance, mais seulement pour avoir des enfans. Par ce moyen elle étoit censée demeurer veuve, parce qu’elle ne faisoit point partie de la famille de son nouveau mari, & qu’elle ne lui faisoit point part de ses biens, lesquels conséquemment passoient aux enfans qu’elle avoit eus de son premier mariage. Voyez ci-devant l’article Mariage per coemptionem, & les auteurs cités en cet endroit. (A)

Mariage des Romains, (Hist. rom.) le mariage se célébroit chez les Romains avec plusieurs cérémonies scrupuleuses qui se conserverent long tems, du-moins parmi les bourgeois de Rome.

Le mariage se traitoit ordinairement avec le pere de la fille ou avec la personne dont elle dependoit. Lorsque la demande étoit agréée & qu’on étoit d’accord des conditions, on les mettoit par écrit, on les scelloit du cacher des parens, & le pere de la fille donnoit le repas d’alliance ; ensuite l’époux envoyoit à sa fiancée un anneau de fer, & cet usage s’observoit encore du tems de Pline ; mais bientôt après on n’osa plus donner qu’un anneau d’or. Il y avoit aussi des négociateurs de mariages auxquels on faisoit des gratifications illimitées, jusqu’à ce que les empereurs établirent que ce salaire seroit proportionné à la valeur de la dot. Comme on n’avoit point fixé l’âge des fiançailles avant Auguste, ce prince ordonna qu’elles n’auroient lieu que lorsque les parties seroient nubiles ; cependant dès l’âge de dix ans on pouvoit accorder une fille, parce qu’elle étoit censée nubile à douze.

Le jour des noces on avoit coutume en coëffant la mariée, de séparer les cheveux avec le fer d’une javeline & de les partager en six tresses à la maniere des vestales, pour lui marquer qu’elle devoit vivre chastement avec son mari. On lui mettoit sur la tête un chapeau de fleurs, & par-dessus ce chapeau une espece de voile, que les gens riches enrichissoient de pierreries. On lui donnoit des souliers de la même couleur du voile, mais plus élevés que la chaussure ordinaire, pour la faire paroître de plus grande taille. On pratiquoit anciennement chez les Latins une autre cérémonie fort singuliere, qui étoit de présenter un joug sur le col de ceux qui se fiançoient, pour leur indiquer que le mariage est une sorte de joug : & c’est de là, dit-on, qu’il a pris le nom de conjugium. Les premiers Romains observoient encore la cérémonie nommée confarréation, qui passa dans la suite au seul mariage des pontifes & des prêtres. Voyez Confarréation.

La mariée étoit vêtue d’une longue robe blanche ou de couleur de safran, semblable à celle de son voile ; sa ceinture étoit de fine laine nouée du nœud herculéen qu’il n’appartenoit qu’au mari de dénouer. On feignoit d’enlever la mariée d’entre les bras de sa mere pour la livrer à son époux, ce qui se faisoit le soir à la lueur de cinq flambeaux de bois d’épine blanche, portés par de jeunes enfans qu’on nommoit pueri lauti, parce qu’on les habilloit proprement & qu’on les parfumoit d’essences : ce nombre de cinq étoit de regle en l’honneur de Jupiter, de Junon, de Vénus, de Diane, & de la déesse de Persuasion. Deux autres jeunes enfans conduisoient la mariée, en la tenant chacun par une main, & un troisieme enfant portoit devant elle le flambeau de l’hymen. Les parens faisoient cortege en chantant hymen, ô hyménée. Une femme étoit chargée de la quenouille, du fuseau & de la cassette de la mariée. On lui jettoit sur la route de l’eau lustrale, afin qu’elle entrât pure dans la maison de son mari.