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gen. & part. tom. VIII. Voyez Quadrupede.

On demande comment les marmottes, les loirs, qui sont plusieurs mois sans prendre de nourriture, ont cependant le ventre rempli de graisse : voici comme on explique ce phénomene. Dans les animaux qui font amas de graisse, il se trouve des membranes redoublées, & comme feuilletées : ces membranes diversement collées les unes aux autres par certains endroits, & séparées par d’autres, forment une infinité de petits sacs, où aboutissent des petites glandes, par lesquelles la partie huileuse du sang est filtrée. Il y a lieu de croire que les veines ont aussi de petites bouches ouvertes dans ces mêmes petits sacs, & qu’elles y reçoivent cette substance huileuse, pour la porter avec les restes du sang dans le ventricule droit du cœur, lorsqu’il se rencontre des besoins extraordinaires.

Les marmottes au-lieu d’un épiploon, qui est unique dans les autres animaux, en ont trois ou quatre les uns sur les autres ; ces épiploons ont leurs veines qui retournent dans la veine cave, comme pour reprendre dans les aquéducs, qui portent au cœur la matiere du sang, & pour lui envoyer dans l’indigence la matiere que les sacs membraneux qui contiennent la graisse ont en reserve, & qu’ils ont reçu des arteres, pendant que le corps de l’animal avoit plus de nourriture qu’il ne lui en falloit pour réparer les dissipations ordinaires.

MARMOUTIER ou MAURMUNTIER, (Géogr.) en latin Mauri civitas, petite ville de France, dans la basse Alsace, à une lieue de Saverne, avec une abbaye de bénédictins, qui a pris son nom d’un de ses abbés, nommé Maurus. Elle fut cependant fondée par saint Firmin, vers l’an 725. Cette abbaye occupe le tiers de la ville, & par conséquent cette ville est misérable. Long. 25. 2. lat. 48. 44.

Il y a une autre abbaye de Marmoutier en France, qui est aussi sous la regle de saint Benoît, & qui a été fondée dans la Touraine, près de la Loire, à une lieue de Tours. Cette abbaye est bien autrement célebre que celle de la basse Alsace. Ce fut S. Martin qui établit ce monastere en 371. On le fait passer pour le premier & le plus ancien de ceux qui sont en occident. Aussi l’a t-on nommé par excellence, majus monasterium, d’où l’on a fait en notre langue Marmoutier. Le revenu de l’abbaye est de 16 mille livres de rente, & celui des moines de 18 mille. Les bâtimens ont été superbement rétablis dans ces derniers tems ; enfin en 1737 cette abbaye a en partie été réunie à l’archevêché de Tours. (D. J.)

MARNAUX, s. m. pl. terme de Pêche, usité dans le ressort de l’amirauté de Marennes, est un rets qui sert à faire la pêche des oiseaux. Ce sont les mêmes filets que les pêcheurs de la pointe du Basck nomment marécages ; les pieces en ont trente à quarante brasses jusqu’à cinquante de long, & trois brasses de chûte ; elles sont amarées sur de hauts pieux plantés à la côte à l’embouchure des petites gorges & basses marécageuses.

Les tems les plus favorables pour faire cette pêche avec succès sont les nuits noires & obscures, & les grands froids, & encore durant les motures & les tempêtes ; les filets sont composés de fil très-fin, & les mailles ont depuis quatre pouces jusqu’à sept ou huit pouces en quarré ; le ret est tenu volant & caché, pour donner lieu aux oiseaux qui s’y prennent de s’engager davantage en se débattant pour se pouvoir échapper.

MARNE, s. f. (Hist. nat. Minéralogie & Economie rustique.) marga, c’est une terre calcaire, légere, peu compacte, qui perd sa liaison à l’air, qui fait effervescence avec les acides, en un mot qui ne differe de la craie, que parce qu’elle n’est point si dense ni si solide qu’elle. Voyez Craie.

Rien de plus confus que les descriptions que les Naturalistes nous donnent de la marne ; leurs définitions de cette substance ne s’accordent nullement ; ils lui assignent des propriétés qui lui sont entierement étrangeres, ou du-moins qu’elle n’a que par son mélange accidentel avec d’autres substances, & sur-tout avec des terres argilleuses ; c’est aussi ce mélange qui semble avoir induit en erreur la plûpart des Naturalistes ; il est cause que Wallerius & beaucoup d’autres ont placé la marne au rang des argilles, c’est-à-dire des terres qui se durcissent au feu, propriété qui ne convient point à la marne comme telle, mais qui ne peut lui être attribuée qu’en raison de la portion d’argille ou de glaise avec laquelle elle se trouve quelquefois mêlée. On sent aussi que c’est au mélange de la marne avec l’argille qu’est dûe la propriété de se vitrifier que quelques auteurs lui attribuent : en effet, nous savons que l’argille mêlée avec une terre calcaire devient vitrifiable, quoique séparées, la premiere de ces terres ne fasse que se durcir par l’action du feu, & la seconde se change en chaux. En un mot il est constant que la marne est une terre calcaire, qui fait effervescence avec les acides, qui ne differe de la craie que parce que la premiere est moins liée ou moins solide que la derniere ; c’est comme terre calcaire qu’elle a la propriété de fertiliser les terres, & M. Pott, dans sa Lithogéognosie, a fait remarquer avec beaucoup de raison qu’il falloit bien distinguer dans la marne, sa partie constituante, par laquelle elle est propre à diviser les terres & à contribuer à la croissance des végétaux, des parties accidentelles, telles que la glaise, le sable, &c.

Si l’on fait attention à la distinction qui vient d’être faite, on sentira que c’est avec très-peu de raison que la marne a été placée par plusieurs auteurs au rang des terres argilleuses, on verra que rien n’est moins exact que de donner le nom de marne à des terres à pipes, à des terres dont on fait de la porcelaine, à des terres propres à fouler les étoffes, à des terres qui se durcissent dans le feu, &c. toutes ces terres ont des propriétés qui ne conviennent qu’aux vraies argilles.

C’est aussi, faute d’avoir eu égard à ces distinctions, que les auteurs anglois sur-tout nous parlent de la marne d’une maniere si confuse & si contradictoire ; en effet, les uns nous disent que rien n’est plus avantageux que la marne pour rendre fertiles les terreins sablonneux ; d’autres au contraire prétendent que cette terre est propre à fertiliser les terres glaises trop denses & trop compactes : il est aisé de voir qu’une même terre n’est point propre à remplir des vûes si opposées. Nous allons tâcher de faire disparoître ces contradictions, qui ne viennent que de ce qu’on n’a point assez connu la nature de la substance dont on parloit, & nous remarquerons en passant que cela prouve combien on peut être trompé quand on ne consulte que le coup-d’œil extérieur des substances du regne minéral.

Si la terre que l’on trouve est seche, en poussiere, peu liée, & soluble dans les acides, c’est-à-dire calcaire, ce sera de la vraie marne proprement dite, alors elle sera propre à fertiliser les terreins trop gras & trop pesans, parce qu’elle les divisera, elle écartera les unes des autres les parties tenaces de la glaise, par-là elle la rendra plus perméable aux eaux, dont la libre circulation contribue essentiellement à la croissance des végétaux. D’un autre côté si ce qu’on appelle marne est une terre purement glaiseuse & argilleuse, ou du-moins une pierre calcaire mêlée d’une grande partie d’argille ou de glaise ; alors elle sera propre à fertiliser les terreins maigres & sablonneux, elle leur donnera plus de liaison, propriété qui sera dûe à la partie argilleuse.