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Un lingot de billon, dont la rouille verdâtre marquoit la quantité de cuivre dominante sur la portion de l’argent qui y entroit, trouvée en même tems & au même lieu que ces moules dont nous parlons, ne laisse aucun lieu de douter qu’ils n’ayent servi à jetter en sable des monnoies d’argent, plutôt que des monnoies d’or.

Il paroît par cette description, & par l’usage que les anciens faisoient de ces moules, que leur maniere de jetter en fonte étoit assez semblable à la nôtre, & que ce qu’ils avoient de particulier étoit la qualité du sable dont ils se servoient, qui étoit si bon & si bien préparé, qu’aprés 1400 ans, leurs moules sont encore en état de recevoir plusieurs fusions.

La bonté des moules, & le grand nombre qu’on en avoit déja trouvé du tems de Savot dans la même ville de Lyon, l’ont persuadé que les Romains mouloient toutes leurs monnoies. Fréher adopta l’idée de Savot, & leur suffrage entraîna tous les antiquaires ; mais on est aujourd’hui bien revenu de cette erreur, & les savans sont convaincus que tous ces moules n’avoient été employés que par les faux monnoyeurs, du genre de ceux qui joignent à la contrefaçon par le jet en sable, la corruption du titre, en augmentant considérablement l’alliage du cuivre avec l’argent.

De-là vient cette différence notable du titre qu’on observe assez souvent dans beaucoup de pieces d’argent du même revers & de même époque sous un même empereur. Cette maniere de falsifier la monnoie, avoit prévalu sur la fourrure, dès le tems de Pline, qui en fait la remarque.

La décadence de la Gravure, qui sous Septime Sévere étoit déja considérable, & l’altération qu’il avoit introduite dans le titre des monnoies, favoriserent encore davantage les billonneurs & les faussaires, en rendant leur tromperie plus aisée. La quantité de ces moules qu’on a découverts à Lyon en différens tems, fait assez juger qu’il devoit y avoir une multitude étonnante de ces faussaires. Le nombre devint depuis si prodigieux, dans les villes mêmes où il y avoit des préfectures des monnoies, & parmi les officiers & les ouvriers qui y étoient employés, qu’il fut capable de former à Rome, sous l’empereur Aurélien, une petite armée, qui, dans la crainte des châtimens dont on les menaçoit, se révolta contre lui, & lui tua dans un choc sept mille hommes de troupes réglées. Bel exemple de la force & de l’étendue de la séduction du gain illicite ! Voilà l’extrait d’un mémoire qu’on trouvera sur ce sujet dans le tom. III de l’acad. des Inscript. (D. J.)

Médaille réparée, (Art numismat.) les antiquaires nomment médailles réparées, les médailles antiques qui étoient frustes, endommagées, & qu’on a rendu par artifice entieres, nettes & lisibles. Nous avons parlé de cette ruse au mot Médaille.

Médaille saucée, (Art numismat.) c’est-à-dire, médaille battue sur le seul cuivre, & ensuite couverte d’une feuille d’étain.

Depuis Claude le Gothique, jusqu’à Dioclétien, il n’y a plus d’argent du-tout dans les médailles, ou s’il s’entrouve dans quelques-unes, elles sont si rares, que l’exception confirme la regle. On a frappé pour lors sur le cuivre seul, mais après l’avoir couvert d’une feuille d’étain ; c’est ce qui donne cet œil blanc aux médailles que nous appellons saucées. Tels sont plusieurs Claudes, les Auréliens, & la suite jusqu’à Numérien inclusivement. On trouve même encore de ces médailles saucées sous Dioclétien, Maximien, quoique l’usage de frapper sur l’argent pur fût déja rétabli. Je ne sai si quelque cabinet peut fournir des Licinius, des Maxences & des Maximes de cette espece ; on y trouveroit plutôt de vrai billon. En tout cas, il semble qu’il ne soit plus question de médailles

saucées sous Constantin. Au reste, si les auteurs qui nous ont donné des collections de médailles eussent fait cette attention, ils auroient évité de grossir leurs livres d’un long catalogue de médailles d’argent, entre Posthume & Dioclétien, puisque toutes celles de ce tems-là ne sont véritablement que de petit bronze couvert d’une feuille d’étain, & que par conséquent il étoit inutile de répéter des médailles absolument les mêmes dans deux différentes classes.

Médaille sans tête, (Art numismat.) nom des médailles qui se trouvent avec les seules légendes, & sans tête. Telle est celle qui porte une victoire posée sur un globe, avec la légende, salus generis humani : au revers S. P. Q. R. dans une couronne de chêne. Les uns la donnent à Auguste, les autres aux conjurés qui assassinerent Jules-César ; en un mot, on en abandonne l’énigme aux conjectures des savans.

Ces sortes de médailles qui n’ont point de tête, se placent ordinairement à la suite des consulaires, dans la classe qu’on appelle nummiincerti. MM. Vaillant, Patin & Morel, en ont ramassé chacun un assez grand nombre ; mais il y en a beaucoup qui leur ont échappé. Les uns veulent que ces médailles ayent été frappées après la mort de Caligula, d’autres après celle de Néron ; car le sénat, dit-on, crut alors qu’il alloit recouvrer sa liberté & son autorité, & il fit frapper ces monnoies pour rentrer en jouissance de ses anciens droits. Aussi, ajoute-t-on, ces médailles ont-elles pour la plûpart sur un des côtés, ou S. P. Q. R. dans une couronne, ou P. R. signa, ou d’autres symboles, qui paroissent appartenir plutôt à la république, qu’à quelqu’un des empereurs. Mais il y eut trop peu de tems entre la mort de Caligula & l’élection de Claude, & entre la mort de Néron & l’arrivée de Galba à Rome, pour que dans des intervalles si courts, le sénat eût pû faire frapper tant de médailles différentes.

On a peine à se persuader aujourd’hui, que sous les empereurs, on ait fait frapper à Rome ou en Italie des monnoies qui ne portoient ni leur nom, ni leur image, parce qu’on se représente l’empire des Césars, comme une monarchie parfaitement semblable à celles qui sont actuellement établies en Europe. C’est une erreur, dit M. le baron de la Bastie, qu’il seroit aisé de réfuter ; & ceux qui voudront s’en désabuser, n’ont qu’à lire le livre du célebre Gravina, de imperio romano, qu’on a joint aux dernieres éditions de l’ouvrage de ce savant homme, sur les sources du Droit civil. (D. J.)

Médaille contorniate, (Art-numismat.) on appelle contorniate en italien medaglini, contornati, des médailles de bronze avec une certaine enfonçure tout autour, qui laisse un rond des deux côtés, & avec des figures qui n’ont presque point de relief, en comparaison des vrais médaillons. Voyez Contorniates.

J’ajoute ici qu’on ignore en quel tems l’on a commencé d’en frapper, quoique M. Mahudel ait soutenu avec assez de probabilité, que ce fut vers le milieu du iij. siecle de J. C. que l’usage en a continué jusque vers la fin du iv. siecle, & que c’est à Rome, & non pas dans la Grece, qu’il faut chercher l’origine de ces sortes de pieces.

Un savant, qui ne s’est point fait connoître, a prétendu dernierement (en 1636) que les médailles contorniates étoient une invention des personnes employées aux jeux publics, sur la scène, ou dans le cirque. Il croit que ces acteurs, après avoir marqué sur un des côtés de la médaille leur nom, celui de leurs chevaux, & leurs victoires, avoient mieux aimé faire mettre sur l’autre côté le nom & la tête de quelque personnage illustre des siecles précédens,