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Il ne faut pas cependant imaginer que les médailles qui ont été frappées par ordre du prince, & sous les yeux du magistrat, soient toûjours exemptes de fautes. Il s’en trouve dont la légende n’est pas exacte ; tantôt quelques lettres y sont obmises ; tantôt il y en a de superflues ; on en voit où les lettres sont transposées, & d’autres où le monétaire à la place des lettres véritables, en a substitué qui ne signifient rien, ou dont le sens ne s’accorde nullement avec le type. Sur quelques-unes, la tête du même prince est gravée en relief des deux côtés, souvent avec des inscriptions qui portent des dates différentes. Sur quelques autres qu’on nomme incuses, la même tête est d’un côté en relief, & de l’autre en creux. Quelquefois le revers d’un empereur est joint à la tête d’une impératrice ; ou bien le revers gravé pour une impératrice, est uni à la tête d’un empereur. Enfin, il est certaines médailles qui ont été frappées plus d’une fois, & celles-là nous représentent souvent l’assemblage monstrueux de mots composés de deux légendes différentes. Voyez Médaille antique. (D. J.)

Médaille frappée sur l’antique (Art numismat. ) les médailles ainsi nommées sont celles que l’on a reformées par fourberie avec le marteau, & auxquelles on a ensuite donné une nouvelle empreinte. Voyez sur cette ruse le mot Médaille.

Médaille non frappée, (Art numismat.) on nomme ainsi des pieces de métal d’un certain poids, qui servoient à faire des échanges contre des marchandises ou des denrées, avant qu’on eût trouvé l’art d’y imprimer des figures ou des caracteres par le moyen des coins & du marteau. On peut lire au sujet de ces sortes de médailles, une savante dissertation de Sperlingius, intitulée, Sperlingii (Othonis) dissertatio de nummis non cusis, tàm veterum quàm recentiorum. Amst. 1700, in-4.

Médaille fruste, (Art numismat.) les antiquaires appellent médailles frustes, toutes celles qui sont défectueuses dans la forme, & qui pechent, soit en ce que le métal est rogné, le grenetis effleuré, la légende effacée, les figures biffées, la tête méconnoissable, &c. Il faut qu’une telle médaille soit fort rare, pour que les curieux l’estiment précieuse malgré ses défauts.

Médaille inanimée, (Art numismat.) les antiquaires appellent médailles inanimées, celles qui n’ont point des légendes, parce que la légende est l’ame de la médaille. Voyez Légende, (Art numis.)

Médaille incertaine, ou inconnue, (Art numismat.) les antiquaires nomment ainsi les médailles dont on ne peut déterminer ni le tems, ni l’occasion pour laquelle on les a fait frapper. M. le baron de la Bastie en cite pour exemple dans cette classe, une d’argent qui étoit dans le cabinet de M. l’abbé de Rothelin. Cette médaille offre d’un côté une tête couronnée de laurier, avec une barbe fort épaisse. La légende est Hercules adsertor : au revers est une femme debout, tenant un rameau de la main droite, & une corne d’abondance de la gauche. On lit autour, florente fortunâ. (D. J.)

Médaille incuse, (Art numismat.) les médailles qui ne sont marquées que d’un côté, s’appellent médailles incuses.

Ce défaut est fort commun dans les monnoies modernes, depuis Othon jusques à Henri l’Oiseleur. Dans les antiques consulaires, il se trouve aussi des médailles incuses, & quelques-unes dans les impériales de bronze & d’argent.

La conformation de ces médailles pourroit surprendre un nouveau curieux, parce qu’au lieu de revers, elles n’ont que l’impression de la tête en creux, comme si on eût voulu en faire un moule ; mais il est certain que cette défectuosité vient de l’oubli, ou de la

précipitation du monnoyeur, qui avant que de retirer une médaille qu’il venoit de frapper, remettoit une nouvelle piece de métal, laquelle trouvant d’une part le quarré, & de l’autre la médaille précedente, recevoit l’impression de la même tête, d’un côté en relief, & de l’autre en creux ; mais toujours plus imparfaitement d’un côté que de l’autre, l’effort de la médaille étant beaucoup plus foible que celui du quarré.

Médaille martelée, (Art numismat.) on appelle une médaille martelée, celle dont on a fait une médaille rare d’une médaille commune, en se servant du martelage. On prend une médaille antique, mais fort commune, on en lime entierement le revers qui est commun, & on y frappe à la place un nouveau revers qui est rare, avec un coin tout neuf, qu’on rend exprès dans le goût antique le plus qu’il est possible. On prend garde dans cette opération frauduleuse, d’altérer la tête qui doit être conservée dans sa pureté. Comme c’est à coups de marteau qu’on empreint ce nouveau revers on a donné à ces sortes de médailles le nom de martelées. Les habiles antiquaires reconnoissent la supercherie, en comparant la tête avec le revers, dont ils apperçoivent bientôt la différente fabrique. (D. J.)

Médaille moulée, (Art numismat.) on appelle médailles moulées, des médailles antiques jettées en sable dans des moules, & ensuite réparées.

On a découvert à Lyon au commencement de ce siecle, des moules de médailles antiques, dont la fabrique n’est pas indigne de notre curiosité.

La matiere de ces moules est un argille blanchâtre ; cuite ; leur forme est plate, terminée par une circonférence ronde, d’un pouce de diametre ; leur épaisseur est de deux lignes par les bords, & est diminuée dans cet espace, de l’un ou des deux côtés du moule, qui a été cavé par l’enfoncement de la piece de monnoie, dont le type y est resté imprimé. Je dis de l’un ou des deux côtés du moule, parce que la plûpart ont d’un côté l’impression d’une tête, & de l’autre celle d’un revers, & que quelques-uns ne sont imprimés que d’un côté seulement.

Chacun de ces moules a un endroit de son bord ouvert par une entaille, qui aboutit au vuide formé par le corps de la piece imprimée ; & comme la forme plate & l’égalité de la circonférence de tous ces moules les rendent propres à être joints ensemble par arrangement relatif des types, à ceux des revers dont ils ont conservé l’impression, & dans une disposition où toutes ces entailles se rencontrent, on s’apperçoit d’abord que le sillon continué par la jonction de ces crénelures, servoit de jeu au grouppe formé de l’assemblage de ces moules, pour la fusion de la matiere destinée aux monnoies.

Ce grouppe qui pouvoit être plus ou moins long ; selon le nombre des moules à double type dont on le composoit, se terminoit à chaque extrèmité par un moule imprimé d’un côté seulement. Il est facile de juger par le reste de terre étrangere, comme attachée aux bords de quelques-uns de ces moules, que la terre leur servoit de lut pour les tenir unis, & pour fermer toutes les ouvertures par lesquelles le metal auroit pû s’échapper ; ce lut étoit aisé à séparer de ces moules sans les endommager, lorsqu’après la fusion, la matiere étoit refroidie.

L’impression des types des têtes de Septime Sévere, de Julia Pia & d’Antonin leur fils, surnommé Caracalla, qui s’est conservée sur ces moules, rend certaine l’époque du tems de leur fabrique ; c’est celui de l’empire de ces princes, dont les monnoies devoient être abondantes à Lyon, puisque le premier y avoit séjourné assez de tems après la victoire qu’il y remporta sur Albin, & que cette ville étoit le lieu de la naissance du second.