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que nous en ayons quantité sous Auguste & sous Tibere. Suetone rapporte que Caligula leur en ota le privilege, en punition de ce qu’elles en avoient battu en l’honneur d’Agrippa son ayeul, dont il trouvoit mauvais qu’on se souvînt qu’il étoit petit-fils, imaginant que ce titre ne tournoit point à sa gloire.

7°. Depuis Gallien, on ne trouve presque plus de médailles d’empereurs frappées dans les colonies ; soit que ce droit leur ait été ôté par les successeurs de Gallien, soit que dans le boulversement de l’empire, les colonies ne sachant presque plus à quels maîtres elles appartenoient, se mirent peu en peine de rendre cet hommage à des princes qui ne pouvoient les protéger. Toujours est-il sûr que depuis Aurélien, on ne voit plus aucune médaille de colonie.

M. Vaillant a fait graver toutes les médailles des colonies, les a décrites & expliquées avec sa sagacité ordinaire, dans un ouvrage qui compose 2 vol. in-fol. Nous indiquerons la maniere de former de cet ordre de médailles, une suite agréable & facile ; ce sera au mot Suite. (D. J.)

Médailles consulaires, (Art numismat.) le nom de consulaires donné aux médailles romaines, frappées dans le tems que Rome étoit gouvernée par des consuls, ne signifie pas qu’elles se frappoient par leur ordre, avec leurs noms & des symboles propres à marquer ce qu’ils avoient fait pour l’avantage ou la gloire de la république.

2°. Il ne faut pas croire que tous les faits historiques que l’on trouve marqués sur les monnoies que nous appellons médailles consulaires, l’ayent été dans le tems même de ces événemens ; & la plus grande preuve qu’il soit possible d’en donner, c’est que la plûpart de ces événemens sont du premier, du second, du troisieme & du quatrieme siecle de Rome, & que ce n’est que sur la fin du cinquieme qu’on a commencé à y frapper de la monnoie d’argent.

3°. Il n’est pas moins certain que pendant plus d’un siecle encore, les questeurs, les édiles & les triumvirs monétaires, qui eurent successivement l’intendance des monnoies, jus cudendæ monetæ, dans la crainte de donner le moindre sujet de jalousie à des concitoyens qui n’en étoient que trop susceptibles, affecterent de ne mettre sur ces monnoies que la double tête de Janus, avec une proue de vaisseau, un bige ou un quadrige au revers, ou bien la tête de Rome casquée, avec des pareilles biges ou quadriges au revers, & plus souvent encore des figures de Castor & Pollux. Ce ne fut que vers le tems de Marius, de Sylla, de Jules César, & surtout du triumvirat, que les monétaires romains, prenant un peu plus l’essor, commencerent à rappeller sur les monnoies les actions mémorables de leurs ancêtres, qui pouvoient donner un nouveau lustre à leur famille, victoires, conquêtes, triomphes, sacerdoces, jeux publics, consulats, dictatures, &c. Aussi ces sortes de médailles sont d’un goût de gravure si semblable, que cette uniformité seule suffiroit pour nous apprendre qu’elles sont presque toutes du même siecle, quand nous n’en aurions pas la preuve d’ailleurs.

4°. Il suit de ces observations, que les chars gravés aux revers de la plûpart des médailles consulaires, avec un attelage de deux, trois ou quatre chevaux, ne sont pas toujours autant de symboles des victoires remportées, & des triomphes obtenus par les consuls romains, dont ces médailles portent le nom ; ils désignent pour l’ordinaire les courses dans les jeux que ces magistrats avoient donnés au peuple pendant leur édilité.

5°. Golztius a fait un recueil de médailles consulaires par ordre chronologique, tandis qu’Ursinus les a disposées par ordre des familles romaines ; mais M. Vaillant a beaucoup amplifié le recueil de ce der-

nier antiquaire, comme nous l’avons remarqué ailleurs,

en indiquant leurs ouvrages. (D. J.)

Médailles greques, (Art numismat.) Il est certain que les Grecs commencerent de frapper des médailles, ou de battre monnoie, long-tems avant la fondation de Rome ; mais il ne nous reste aucune de ces précieuses monnoies greques de ce tems-là.

C’est à Phédon qu’on doit l’invention des poids, des mesures, & des monnoies frappées dans la Grece. Les marbres d’Arondel fixent l’époque de ce prince à l’an 142, avant la fondation de Rome. C’est à Phédon que Beger rapporte une médaille d’argent qu’il a fait graver dans son Trésor de Brandebourg, tom. I. pag 279. On y voit d’un côté un vase à deux anses, au-dessus duquel est une grappe de raisin ; on lit dans le champ à droite Φι, & à gauche Δο. Le revers représente un bouclier béotien. Cette médaille est très-précieuse, mais on doute fort qu’elle ait été frappée du vivant de Phédon ; car entr’autres raisons les caracteres paroissent trop arrondis, & trop bien formés pour être un premier essai de l’art de battre monnoie.

On croit généralement qu’une des plus anciennes monnoies greques qui nous reste, est une petite médaille d’or de Cyrène, publiée par le P. Hardouin, dans les Mém. de Trévoux, Août 1727 : elle représente d’un côté un homme debout, la tête ceinte d’un diadème, & rayonnée, avec une corne de bélier au-dessus de l’oreille. Cet homme tient de la main droite une image de la victoire, & de la gauche une haste, ou un sceptre de la même longueur que la haste ; à ses piés est un mouton : on lit dans le champ à gauche, ΔΑΜΩΝΑΚΤΟΣ ; au revers est un char attelé de quatre chevaux de front, avec un homme qui le guide, au-dessus ΚΥΡΑΝΑΙΩΝ. Cette médaille seroit la plus ancienne qui nous reste, si elle avoit été frappée pour Démonax le mantinéen, régent du royaume de Cyrène, pendant la minorité de Battus IV. car il vivoit du tems de Cyrus, vers la fin du second siecle de Rome, comme on peut en juger par ce qu’Hérodote nous en a appris ; mais il y a toute apparence que le Démonax, dont on lit ici le nom, devoit être un des magistrats de Cyrène, & non pas le tuteur de Battus IV. qui vivoit plus de deux cens ans avant l’archontat d’Euclide. Le nom ΔΑΜΩΝΑΚΤΟΣ qui s’y trouve écrit par un oméga, en est une preuve sans replique ; puisque personne n’ignore que les voyelles longues Η & Ω n’ont été reçues dans l’alphabet grec que sous l’archontat d’Euclide, la seconde année de la 94e olympiade.

La médaille d’Amyntas, roi de Macédoine, bisayeul d’Alexandre-le-Grand, pourroit donc encore passer pour la plus ancienne que l’on connoisse, s’il ne se trouvoit pas dans le cabinet du Roi des monnoies d’or & d’argent de Cyrène, où l’on voit d’un côté des têtes qui paroissent naturelles, & de l’autre le sylphium, ou quelque autre type usité sur les monnoies des Cyrénéens, avec ces légendes ΑΡΚ, ΒΑ, ou ΒΑΤ ; & Κ, ΚΥΡ ; légendes qui ne peuvent être expliquées que par ΑΡΚεσιλαου, ou ΒΑΤτου ΚΥΡανιων. Quand même ces médailles n’appartiendroient qu’à Battus IV. & à Arcésilaus IV. les deux derniers rois de Cyrène, de la ramille des Battiades, elles seroient cependant du tems de Cyrus & de Cambyse, & par conséquent plus anciennes que celles d’Amyntas.

Quoi qu’il en soit, non-seulement les Grecs battirent monnoie avant la fondation de Rome, mais ils la porterent rapidement à un degré de perfection supérieur à celui des tems les plus florissans de la république & de l’empire ; on peut en juger encore par les médailles de Gilon, d’Agathocles, de Philippe, d’Alexandre, de Lysimachus, de Cassandre, &c.

Nous sommes fort riches en médailles greques ; car