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taines médailles de plusieurs empereurs romains, sur lesquelles ils sont représentés haranguant des troupes ; & la légende de ces sortes de médailles c’est adlocutio, d’où vient que quelques-uns de nos curieux appellent cette espece de médaille, une allocution.

La premiere qu’on connoisse est celle de Caligula. Ce prince y est représenté debout en habit long, sur une tribune d’où il harangue quatre soldats qui ont leur casque en tête & leur bouclier en main, comme tout prêts à partir pour une expédition. A l’exergue on lit, Adloc. coh. c’est-à-dire, adlocutio cohortium.

Il y a une allocution semblable de Néron, ensuite de Galba & de Nerva, de Trajan, de Marc-Aurele, de Lucius Verus, de Commode, de Septime-Severe, de Caracalla, de Geta, de Macrin, de Severe Alexandre, de Gordien Pie, des deux Philippes pere & fils, de Valérien, de Gallien, de Tacite, de Numérien & de Carin joints ensemble, enfin de Maxence. On connoît une douzaine d’allocutions d’Hadrien, trois de Posthume, & quelques médaillons de Probus dans le même genre. Voyez l’hist. de l’accad. des Inscrip. tom. I. (D. J.)

Médaille cistophore, (Art numismat.) médaille qu’on frappoit par autorité publique au sujet des orgies, ou fêtes de Bacchus. Comme dans ces fêtes on nommoit cistophores les corbeilles mystérieuses, & les cassettes portées par de jeunes filles, on appelle médailles cistophores celles où l’on voit la corbeille empreinte avec les serpens autour, ou qui en sortent. Les antiquaires croient aussi découvrir sur quelques-unes de ces médailles, la plante nommée férule, qu’on portoit dans la solemnité des orgies, pour marquer qu’Osiris qu’on regardoit comme l’inventeur de la médecine, avoit composé des remédes salutaires de cette plante. Voyez l’antiquité expliquée du P. Monfaucon, & le traité des cistophores du P. Panel. (D. J.)

Médailles de consécration, (Art numis.) médailles frappées en l’honneur des empereurs après leur mort, lorsqu’on les plaçoit au rang des dieux. On sait les cérémonies qu’on pratiquoit à leur apothéose, par la description qu’Hérodien nous a laissée de celle de Sévere. Il nous apprend entr’autres particularités que dès que le feu étoit au bucher, on en faisoit partir du haut un aigle qui s’envolant dans les airs, représentoit l’ame de l’empereur enlevée au ciel. Nous avons plusieurs médailles qui représentent des monumens de la consécration d’Auguste, rétablis par quatre empereurs, Tite, Domitien, Nerva & Trajan.

Gallien fit frapper de ces sortes de médailles, pour renouveller la mémoire de la consécration de la plûpart de ceux de ses prédécesseurs qu’on avoit mis au rang des dieux après leur mort. Ces médailles ont toutes la même légende au revers, consecratio ; & ces revers n’ont que deux types différens, un autel sur lequel il y a du feu, & un aigle avec les aîles déployées. Les empereurs dont Gallien a restitué la consécration, sont Auguste, Vespasien, Titus, Nerva, Trajan, Hadrien, Antonin Pie, Marc-Aurele, Commode, Sévere & Sévere Alexandre.

Il n’y a que deux médailles pour chacun d’eux, excepté pour Marc-Aurele, dont on en connoît trois ; mais toute la différence qui s’y trouve, c’est que dans les deux premieres on lit du côté de la tête, Divo Marco, & sur la troisieme, Divo Marco Antonino. Il ne s’est pas encore trouvé de médailles frappées sous Gallien, avec les consécrations, de Claude, de Lucius Verus, de Pertinax, de Pescennius, de Caracalla, de Gordien, ni des princesses qui avoient été mises au rang des déesses. Ainsi on ne connoît jusqu’à présent que 23 médailles différentes

des consécrations restituées par Galien. Le P. Banduri n’en a même rapporté que huit, & il ne connoissoit pas celles de Vespasien, d’Hadrien & de Commode. (D. J.)

Médailles de colonies, (Art numis.) ces sortes de médailles exigent des observations générales.

1°. On sait que les Romains envoyoient de tems en tems des familles entieres de citoyens dans le pays qu’ils avoient nouvellement conquis ; & pour en constater l’époque, on frappoit des médailles avec certaines marques distinctives, qui faisoient connoître le sujet pour lequel elles avoient été frappées. Par exemple, un bœuf sur le revers, ou deux bœufs avec un homme qui conduit une charrue, désignent l’établissement d’une colonie.

2°. Les médailles de colonies sont rares en comparaison des médailles ordinaires ; quoique les unes soient plus rares que les autres, tant parmi les grecques que parmi les latines. Leur beauté dépend ou du type, quand il est historique ou extraordinaire, ou du pays, quand ce sont certaines villes peu connues ; d’où l’on apprend quelque trait de l’ancienne géographie : enfin quand les charges & les dignités de ceux qui les ont fait battre sont singulieres.

3°. La médaille passe pour commune quand il n’y a qu’un bœuf sur le revers, ou deux bœufs avec le prêtre qui conduit la charrue, ou les seules enseignes militaires ; cependant nous apprenons de-là quels ont été les premiers habitans de la colonie. En effet, quand les enseignes représentées sur les médailles de colonies, portent le nom de quelque légion, on est en droit d’assurer que ces colonies ont été formées par les soldats de ces légions ; mais quand on ne lit sur ces enseignes le nom d’aucune légion, soit qu’elles accompagnent une charrue, soit qu’elles ne l’accompagnent pas, ce seroit sans fondement qu’on en concluroit que la colonie désignée n’a pas été formée de simples citoyens ; si pareillement la médaille n’a pour type qu’une charrue sans enseignes militaires, on auroit tort de nier pour cela, qu’elle fût composée de soldats.

4°. Les colonies portent ordinairement sur les médailles le nom de celui qui les a fondées, & de celui qui les a ou fortifiées ou rétablies. Toutes celles qui s’appellent Juliæ, ont été fondées par Jules-César. Colonia julia Beritus. Celles qui se nomment Augustæ, ont été fondées par Auguste. Municipium Augusta Bilbilis. Quand elles prennent les deux noms ensemble, c’est que Jules les a fondées, ou qu’Auguste les a renforcées ou réparées par de nouvelles recrues : Colonia Julia Augusta Dertota. Quand le nom d’Augusta est devant celui de Julia, c’est signe que la colonie, étant en mauvais état, Auguste l’a réparée. Cela ne doit néanmoins s’entendre que quand les deux noms se suivent immédiatement ; car s’il se trouve quelque mot entre-deux, ce n’est plus la même chose. Voilà une des finesses de l’art que nous apprenons de M. Vaillant, dans son exposition de la médaille colonia Julia, Concordia, Augusta, Apamæa.

5°. Quoiqu’il y ait eu des colonies en Italie, pas une n’a jamais mis la tête du prince sur ses médailles. C’étoit un honneur réservé aux villes qui avoient droit de battre monnoie, & que les empereurs n’ont jamais voulu accorder à aucune ville d’Italie. Ce droit de battre monnoie, s’accordoit par une permission ou du sénat seul, ou du sénat & du peuple tout seuls, ou de l’empereur. Quand il étoit obtenu de l’empereur, on mettoit sur la monnoie, permissu Cæsaris. Quand on tenoit ce droit du sénat, on gravoit sur les médailles, mêmes sur les grecques, S. C. senatus consulto, ou S. R. senatus romanus, en sous-entendant concessit, permisit.

6°. Depuis Caligula, on ne trouve plus aucune médaille frappée dans les colonies d’Espagne, quoi-