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sent ou dépôt que lui avoit remis Hercule en mourant.

Les deux freres étoient tous deux soldats aussi bien que médecins, & Machaon semble avoir été fort brave. Il fut une fois blessé à l’épaule dans une sortie que firent les Troyens ; & il fut enfin tué dans un combat singulier qu’il eut contre Nirée, ou, selon d’autres, contre Euripyle, fils de Telephe. Machaon & Podalyre sont aussi mis au nombre des amans d’Helene. La femme de Machaon s’appelloit Anticlea, elle étoit fille de Dioclès, roi de Messénie ; il en eut deux fils qui possederent le royaume de leur ayeul, jusqu’à ce que les Héraclides, au retour de la guerre de Troye, se furent emparés de la Messénie & de tout le Péloponnese. On ne sait si Machaon étoit roi par lui-même, ou s’il tenoit cette dignité de sa femme : mais Homere l’appelle en deux ou trois endroits, pasteur des peuples, qui est le titre qu’il donne à Agamemnon, & aux autres rois.

Quant à Podalyre, comme il revenoit du siege de Troie, il fut poussé par une tempête sur les côtes de Carie, où un berger qui le reçut, ayant appris qu’il étoit médecin, le mena au roi Dametus dont la fille étoit tombée du toît d’une maison. Il la guérit en la saignant des deux bras, ce qui fit tant de plaisir à ce prince, qu’il la lui donna en mariage avec la Chersonnese. Podalyre eut de son mariage, entr’autres enfans, Hippolochus dont Hippocrate descendoit.

Au reste, la saignée de Podalyre est le premier exemple de ce remede que l’histoire nous offre. On en trouve le récit dans Etienne de Bysance.

Menécrate. Il y a eu plusieurs Ménécrates, mais nous ne parlerons que du Ménécrate qui vivoit sous le regne de Tibere, un peu après Antonius Musa. Il mourut sous Claude, comme il paroît par une inscription grecque qui se trouve a Rome, & qui est rapportée par Grutérus & par Mercurialis. Il est nommé dans cette inscription médecin des Césars, ce qui marque qu’il l’avoit été de plusieurs empereurs.

Galien nous apprend que Ménécrate avoit fait un très-bon livre sur la composition des médicamens, dont le titre étoit autocrator hologrammatos, c’est à-dire, l’empereur dont les mots sont écrits. Ce titre n’est pas aussi ridicule qu’il le paroît, car quant au mot autocrator, ou empereur, il y a divers exemples chez les anciens de cette maniere d’intituler des livres. Le mot hologrammatos marquoit que l’auteur avoit écrit tout au long les noms & le poids, ou la quantité de chaque simple, pour éviter les erreurs qu’on pourroit faire en prenant une lettre numérale pour une autre, ou en expliquant mal une abbréviation.

Cette particularité prouve que les Médecins avoient déja la coutume d’écrire en mots abrégés, & de se servir de chiffres ou de caracteres particuliers, comme quelques-uns de nos Médecins font aujourd’hui, &, à mon avis, fort mal-à-propos. Ménécrate avoit raison de condamner cette nouvelle mode, & de montrer le bon exemple à suivre.

C’est lui qui a inventé l’emplâtre que l’on appelle diachylon, c’est-à-dire, composé de sucs, & qui est un des meilleurs de la Pharmacie.

Mésuack ou Mésué, chrétien, de la secte des Jacobites ou demi-Eutychiens, naquit, selon Léon l’Africain, à Maridin, ville située sur les bords de l’Euphrate, étudia la Médecine à Bagdad, & fut disciple d’Avicenne. Il exerça son art au Caire, il y jouit de la bienveillance du calife, & y acquit de la réputation & des richesses. Il mourut âgé de quatre-vingt-dix ans, l’an de l’hégire 406, & de Jesus-Christ 1015. Le docteur Freind croit que Mésué est

né à Nisabur, & qu’il écrivit ses ouvrages, de medicamentis, & morbis internis, en langue syriaque. Ils ont paru pour la premiere fois en latin, avec des notes de Pierre de Apono, à Venise, en 1494, infol. ensuite à Paris, apud Valgrisium, 1575, in-fol. & enfin Venet. apud Juntas, 1589 & 1623, in fol. qui sont les deux meilleures éditions.

Moschion, médecin grec méthodique qui fleurissoit dans le cinquieme siecle, a fait un livre sur les maladies des femmes, qui nous est parvenu. Il a paru en grec, par les soins de Gaspard Wolph, à Basle, apud Thom. Guarinum, 1566, in-4°. On l’a inséré, en grec & en latin, in Gynœciorum libris, de Spacchius ; Argentinæ, 1597, in-fol.

Musa, (Antonius) a été le plus fameux de tous les médecins qui ont vécu sous le regne d’Auguste, parce qu’il guérit cet empereur dangereusement malade, en lui conseillant de se baigner dans de l’eau froide, & même d’en boire ; cette cure mit ce remede fort en vogue, & valut au médecin de grandes largesses, & des honneurs distingués. Pline parle en trois endroits des remedes qui guérirent Auguste. Dans le premier (liv. XXIX. ch. j.), il dit que ce prince fut rétabli par un remede contraire, c’est-à-dire, opposé à ceux qui avoient été pratiqués. Dans le second (liv. XVIII. ch. xv.), il avance qu’Auguste avoit mandé dans quelques unes de ses lettres, qu’il s’étoit guéri par le moyen de l’orobe. Et dans le troisieme (liv. XIX. ch. viij.), Pline attribue la même chose à l’usage des laitues ; peut-être que ces trois remedes avoient été employés dans la même maladie, ou dans d’autres.

On ne trouve rien d’ailleurs de remarquable dans l’histoire sur la médecine de Musa. Il traitoit les ulceres en faisant manger de la chair de vipere. Galien parle de quelques livres qu’il avoit écrit sur les médicamens. On lui a attribué un petit livre de la bétoine qui nous est resté, & que l’on soupçonne avoir été tirée de l’herbier d’Apulée. Mais Horace & Virgile ont immortalisé ce médecin dans leurs poésies. Il avoit un frere nommé Euphorbus, dont nous avons dit un mot ci-dessus.

Myrepsus (Nicolaus), médecin grec d’Alexandrie, qui vivoit, à ce qu’on croit, sur la fin du douzieme siecle, dans le tems que la barbarie couvroit encore la terre. Il n’est connu que par un livre des médicamens, divisé en quarante-huit sections, traduit du grec en latin par Léonard Fuchsius, & imprimé à Basle, chez Oporin, en 1549, in fol. Il se trouve parmi les Medici principes d’Henri Etienne, publiés en 1567, in-fol.

Oribase, naquit à Pergame, & devint professeur à Alexandrie. Eunapius, médecin auquel il dédia ses quatre livres de Euporistis, &c. en fait les plus grands éloges, & dit qu’il contribua beaucoup à élever Julien à l’empire ; ce qui lui mérita sa confiance, comme cela paroît par une des lettres de cet empereur. Oribase jouissoit d’une fortune éclatante dans le tems qu’Eunapius écrivit cette histoire, c’est-à-dire, l’an 400 de Jesus-Christ.

Oribase écrivit soixante-dix livres de collections selon Photius, & soixante-douze selon Suidas. Il n’en reste que les quinze premiers, & deux autres qui traitent de l’Anatomie. Il s’est perdu quelques traités de cet auteur. Freind remarque que sa diction est extrèmement variée, ce qui jette de la lumiere sur ses écrits. Il paroît que c’étoit un homme d’esprit & un médecin expérimenté, qui a donné dans plusieurs cas des regles de pratique fort bien raisonnées. Ses ouvrages ont paru à Basle, en 1557, in-8°. &, dans les Medici principes d’Henri Etienne, à Paris, 1567, in fol. Mais la meilleure édition est græcè & latinè cum notis G. Dundas ; Lugd. Bat. 1735, in-4°.