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de pieces peu importantes, & qui n’ont pas besoin d’une si grande propreté.

Le bois de tilleul est aussi fort tendre & fort leger ; peu solide à la vérité dans ses assemblages, mais se travaillant mieux & plus proprement que tous les autres bois. C’est pourquoi on ne s’en sert que pour des modelés ; aussi est-il d’un usage excellent pour ces sortes d’ouvrages.

Tous les bois propres à la menuiserie, qui se vendent chez les marchands de bois, se débitent ordinairement dans les chantiers[1] ou forêts de chaque province ; & arrivent à Paris tous débités par planches de différentes dimensions ; dont la longueur differe de trois en trois piés, depuis six jusqu’à environ vingt & un ; & l’épaisseur à proportion, en variant de trois en trois lignes depuis six lignes, épaisseur des planches de six piés de long qu’on appelle voliches, jusqu’à cinq à six pouces épaisseur des planches qui servent aux tables de cuisine & aux établis de Menuisiers & d’Ebénistes. Mais les Menuisiers intelligens, & qui peuvent faire une certaine dépense, ont soin d’en prendre sur les ports de la Rapée ou de l’Hôpital à Paris, dont ils font une provision qu’ils placent dans leurs chantiers par piles les unes sur les autres, entrelacées de lattes, afin que l’air puisse circuler dans l’intérieur, & que l’humidité puisse facilement s’évaporer. Ils couvrent ensuite ces piles de quelques mauvaises planches en talut, pour faire écouler les eaux, & observent d’entretenir cette quantité de bois, & de n’employer que celui qui a seché pendant cinq ou six ans. Aussi les Menuisiers qui ne sont pas en état de faire cette dépense, & qui l’achetent chez les marchands à mesure qu’ils en ont besoin, sont très-sujets à faire de mauvais ouvrages ; ce qu’ils peuvent, à la vérité, éviter lorsqu’ils ont affaire à des marchands de bonne foi, ou en l’achetant chez leurs confreres, lorsqu’ils en trouvent d’assez complaisans pour leur en vendre.

Pour que le bois soit de bonne qualité, il faut qu’il soit de droit fil, c’est-à-dire que toutes les fibres soient à-peu près paralleles aux deux bords des planches, qu’il n’ait aucun nœud vicieux[2], tampon[3], aubier[4], malandre[5], flache[6], fistule[7], ou galle[8] ; on le distingue selon ses especes, selon ses défauts, & selon ses façons.

Du bois selon ses especes. On appelle bois de chêne ruste ou dur, celui qui a le plus gros fil & dont on se sert dans la charpenterie & dans la menuiserie, pour les chassis des portes & croisées, qui ont besoin d’une certaine solidité.

Bois de chêne tendre, est celui qui est gras & moins poreux que le précédent qui a fort peu de fils, & qu’on emploie dans la menuiserie pour les lambris, profils, moulures, sculptures & autres ouvrages de propreté. On l’appelle encore bois de Vauge ou de Hollande.

Bois précieux & dur, est un bois très-rare, de plusieurs especes & de différentes couleurs, qui reçoit un poli très-luisant, & qu’on emploie le plus souvent dans l’ébénisterie & la marqueterie.

Bois legers, sont des bois blancs dont on se sert au lieu de chêne, tels que le tilleul, le sapin, le tremble & autres qu’on emploie dans les planchers, cloisons, &c. pour en diminuer le poids.

Bois sain & net, est un bois qui n’a aucun nœud, malandres, galles, fistules, &c.

Du bois selon ses défauts. On appelle bois blanc, celui qui est de même nature que l’aubier, & qui se corrompt facilement.

Bois carié ou vicié, celui qui a des malandres, galles ou nœuds pourris.

Bois gelif, celui que l’excès du froid ou du chaud a fait fendre ou gerser.

Bois noueux ou nouailleux, celui qui a beaucoup de nœuds qui le font casser lorsqu’il est chargé de quelques fardeaux, ou lors même qu’on le débite.

Bois qui se tourmente, celui qui se déjette[9], ou se caussine[10], lorsqu’il seche plus d’un côté que de l’autre, dans un endroit que dans un autre.

Bois rouge, celui qui s’échauffe & est sujet à se pourrir.

Bois roulé, celui dont les cernes ou fibres sont séparées, & qui ne faisant pas corps, n’est pas propre à débiter.

Bois tranché, celui dont les fibres sont obliques & traversantes, & qui coupant la piece l’empêchent de résister à la charge.

Bois vermoulu, celui qui est piqué de vers.

Du bois selon ses façons. On appelle bois bouge ou bombé, celui qui est courbé en quelques endroits.

Bois corroyé, celui qui est corroyé avec le rabot, fig. 92, ou la varlope, fig. 95.

Bois d’échantillon, celui qui est d’une grosseur ordinaire ; tel qu’il se trouve dans les chantiers des marchands.

Bois de sciage, celui qui est propre à refendre, & que l’on débite pour cela avec la scie, fig. 125, pour des planches, voliches, &c.

Bois flache, celui dont les arrêtes ne sont pas vives, & où il y a du déchet pour le dresser ou l’équarrir. Les ouvriers appellent cautibai, celui qui n’a du flache que d’un côté.

Bois gauche ou deversé, celui qui n’est pas droit selon ses angles & ses côtés.

Bois lavé, celui dont on a ôté tous les traits de la scie avec le rabot, fig. 92, ou la varlope, fig. 95.

Bois méplat, celui qui a beaucoup moins d’épaisseur que de largeur, telles que des membrures de menuiserie, &c.

Bois tortueux, celui dont les fibres sont courbées, & qui pour cela n’est propre qu’à faire des parties circulaires.

Bois vif, celui dont les arrêtes sont vives, & dont il ne reste ni écorce, ni aubier, ni flache.

Des assemblages de menuiserie. On entend par assemblage de menuiserie l’art de réunir & de joindre plusieurs morceaux de bois ensemble, pour ne faire qu’un corps. Il y en a de plusieurs especes ; on les nomme assemblages quarrés, à bouement, à queue d’aronde, à clé, ou onglet, ou anglet, en fausse coupe, en adeul & en emboiture.

Le premiere espece, que l’on appelle assemblage quarré, fig. 1. & 2, se fait quarrément de deux manieres ; l’une, fig. 1, en entaillant le deux morceaux de bois par les bouts A & B, que l’on veut joindre ensemble, chacun de la moitié de leur épais-

  1. On appelle ordinairement chantier, un lieu à découvert & très vaste, où l’on dispose les matériaux propres à faire des ouvrages.
  2. Un nœud dans une planche est originairement la naissance d’une branche de l’arbre que l’on a débité. Cet endroit est toujours très-dur, & sans aucune solidité ni propreté.
  3. Un tampon dans une planche est le closoir d’un trou formé ordinairement par un nœud.
  4. L’aubier est la partie entre l’écorce & le fort du bois. C’est la pousse de la derniere année, qui, comme nouvelle, est par conséquent plus tendre.
  5. Malandre est une espece de fente qui s’ouvre d’elle-même dans le bois lorsqu’il séche.
  6. Flache est un manque de bois dans un ouvrage fini, comme lorsque l’on emploie des planches ou des bois trop étroits, il en reste une partie qui n’a point été travaillée.
  7. Fistule est toute espece de coup de marteau, de ciseau, ou autres choses semblables donnés mal à propos, qui sont autant de cavités dans les ouvrages finis.
  8. Galles sont des mangeures de vers.
  9. Un bois déjetté est celui qui, après avoir été bien dressé devient gauche.
  10. Caussiné ressemble à peu de chose près au précédent.