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stances, & l’on ne peut point se contenter des amalgames. Voyez Argent, Coupelle, Départ

C’est sur-tout dans la séparation des métaux unis les uns avec les autres que brille tout l’art de la Métallurgie. En effet, il est très-rare de trouver des métaux entierement purs ; l’or natif est presque toujours mêlé d’une portion d’argent ; l’argent est mêlé avec du plomb ; le cuivre est souvent mêlé avec du fer, & contient outre cela une portion d’argent, &c. Il a donc fallu imaginer une infinité de moyens, tant pour conserver les métaux que l’on avoit intérêt à garder, que pour détruire & dissiper ceux qui nuisoient à la pureté de ceux que l’on vouloit obtenir.

Les demi-métaux exigent aussi des traitemens différens, en raison de leur plus ou moins de fusibilité, de leur volatilité, & des autres propriétés qui les différencient. Voyez Bismuth, Zinc, Antimoine, &c.

Enfin tous les travaux de l’Alchimie qui ont pour objet les métaux, leur amélioration, leur maturation, leur transmutation, &c. sont du ressort de la Métallurgie ; ces travaux, sans peut-être avoir eu les succès que se promettoient ceux qui les ont entrepris, n’ont pas laissé de jetter un très-grand jour sur les sciences chimiques & métallurgiques.

On voit, dans ce qui précede, un tableau abrégé des travaux de la Métallurgie ; on verra par leur variété & par leur multiplicité l’étendue des connoissances que cet art exige ; on sentira qu’il demande des notions exactes de la nature du feu, des propriétés des métaux, des mines, des terres, des pierres ; en un mot on voit que cet art exige les connoissances les plus profondes dans la Chimie, & les notions les plus exactes des propriétés qu’ont les substances du regne minéral, soit seules, soit combinées entre elles. Ces connoissances ne peuvent être que le fruit d’une longue expérience & des méditations les plus sérieuses auxquelles peut-être les physiciens spéculatifs ne rendent point toute la justice qu’elles méritent. En effet, comme la nature des mines varie presque à l’infini, il est impossible d’établir des regles constantes, invariables, applicables à tous les cas. Celles que l’on suit avec le plus grand succès dans un pays, ne réussissent point du tout dans un autre ; il faut donc que le métallurgiste consulte les circonstances, la nature du mineral qu’il traite, les fondans qu’il est à propos de lui joindre. Il faut qu’il s’assure de la forme la plus avantageuse qu’il convient de donner à ses fourneaux pour que le feu y agisse d’une façon qui convienne aux substances qu’on y expose. Il faut qu’il sache les moyens d’éviter la perte des métaux que la trop grande violence du feu peut souvent dissiper. Il faut qu’il sache ménager le bois, surtout dans les pays où il n’est point abondant : c’est de ces connoissances que dépend le succès des travaux métallurgiques, & sans l’économie ce seroit en vain que l’on se promettroit de grands profits de ces sortes d’entreprises.

L’étude de la Métallurgie ne doit donc point être regardée comme un métier, elle mérite au contraire toute l’attention du physicien chimiste, pour qui les différens travaux sur les métaux & sur les mines fourniront une suite d’expériences propres à faire connoître la vraie nature des substances du regne minéral. Il est vrai que souvent la Métallurgie est exercée par des gens foiblement instruits, sans vues, & peu capables de faire des réflexions utiles sur les phénomenes qui se passent sous leurs yeux ; pour toute science ils n’ont qu’une routine souvent fautive, & ne peuvent rendre raison de leur façon d’opérer, qu’en disant qu’ils suivent la voie qui leur a été tracée par leurs prédécesseurs : vainement attendroit-on que des gens de cette espece perfectionnassent un

art si difficile. Mais d’un autre côté, nous voyons combien la Métallurgie a fait de progrès quand des hommes habiles dans la Chimie, tels que les Beccher, les Stahl, les Henckel ont voulu lui prêter leurs lumieres Ces grands physiciens se sont occupés sérieusement d’un art si utile ; ils ont cherché à rendre raison des phénomenes que d’autres avoient vus sans y faire attention, ou du moins sans pouvoir en deviner les causes.

On en peut douter de l’antiquité de la Métallurgie : le témoignage de l’Ecriture-sainte prouve que cet art étoit connu même avant le déluge : elle nous apprend que Tubalcain eut l’art de travailler avec le marteau, & fut habile en toutes sortes d’ouvrages d’airain & de fer. Gen. chap. iv. v. 22. D’où l’on voit que dès ces premiers tems du monde, on connoissoit déja les travaux sur les deux métaux les plus difficiles à traiter. Après le déluge cet art se répandit, & l’histoire profane nous apprend que Sémiramis employoit les prisonniers qu’elle avoit faits à la guerre, aux travaux des mines & des métaux.

La nécessité rendit les hommes industrieux, & les travaux de la Métallurgie s’étendirent chez un grand nombre de peuples. Il paroît que les Egyptiens avoient de très-grandes connoissances dans cet art ; c’est ce que prouve sur-tout la destruction du veau d’or par Moïse, & son entiere dissolution dans des eaux qu’il fit boire aux Israëlites, opération que le célebre Stalh attribue à l’hepar sulphuris, qui a la propriété de dissoudre l’or au point de le rendre miscible avec l’eau. Or l’Ecriture nous apprend que ce législateur des Juifs avoit été élevé dans toutes les sciences des Egyptiens.

Le hasard a encore pu contribuer à faire découvrir aux hommes de différens pays la maniere de traiter les métaux ; du bois allumé auprès d’un filon qui aboutissoit à la surface de la terre, a pu faire naître en eux les premieres idées de la Métallurgie ; les sauvages du Canada n’ont point même aujourd’hui d’autre méthode pour se procurer du plomb ; enfin, les richesses & la quantité des métaux précieux que l’histoire tant sacrée que profane dit avoir été possédées par des peuples différens, dans l’antiquité la plus reculée, prouve l’ancienneté des travaux de la Métallurgie.

Mais cet art semble en Europe avoir sur-tout été cultivé par les peuples septentrionaux, de qui les Allemands l’ont appris. C’est chez ces peuples que la Métallurgie exercée depuis un grand nombre de siecles, a pris un degré de perfection dont les autres nations n’ont point encore pu approcher. Ces travaux étoient des suites nécessaires de la quantité de mines de toute espece que la Providence avoit placées dans ces pays, & il étoit naturel que l’on tâchât de mettre à profit les richesses que la terre renfermoit dans son sein. Le goût pour la Métallurgie, fondé sur les avantages qui en résultent, ne s’est point affoibli chez les Suédois & les Allemands ; loin de diminuer, il a pris des accroissemens continuels : on ne s’est point rebuté de voir les mines devenir moins riches ; au contraire, on a redoublé de soins, & l’on a cherché des moyens de les traiter avec plus d’exactitude & d’économie. La plûpart des princes ont favorisé les entreprises de ce genre, & les ont regardées comme une branche essentielle du commerce de leurs états. Ces soins n’ont point été inutiles ; personne n’ignore les grands revenus que la maison électorale de Saxe tire depuis plusieurs siecles des mines de la Misnie ; on connoit aussi les produits considérables que les mines du Hartz fournissent à la maison de Brunswick. A l’égard des Suédois, on connoît à quel point la Métallurgie fleurit parmi eux ; encouragés par le gouvernement, assistés des conseils d’une académie que l’u-