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Remarquez que tous ces verbes s’arrêtent, s’attachent, s’amusent, conviennent fort bien avec l’écorce pris au propre ; mais vous ne diriez pas au propre, fondre l’écorce ; fondre se dit de la glace ou du métal : vous ne devez donc pas dire au figuré fondre l’écorce. J’avoue que cette expression me paroît trop hardie dans une ode de Rousseau, l. III. ode 6. Pour dire que l’hiver est passé & que les glaces sont fondues, il s’exprime de cette sorte :

L’hiver qui si long-tems a fait blanchir nos plaines,
N’enchaîne plus le cours des paisibles ruisseaux ;
Et les jeunes zéphirs, de leurs chaudes haleines,
Ont fondu l’écorce des eaux.

» 6°. Chaque langue a des métaphores particulieres qui ne sont point en usage dans les autres langues : par exemple, les Latins disoient d’une armée, dextrum & sinistrum cornu ; & nous disons, l’aile droite & l’aile gauche.

» Il est si vrai que chaque langue a ses métaphores propres & consacrées par l’usage, que si vous en changez les termes par les équivalens même qui en approchent le plus, vous vous rendez ridicule. Un étranger qui depuis devenu un de nos citoyens, s’est rendu célebre par ses ouvrages, écrivant dans les premiers tems de son arrivée en France à son protecteur, lui disoit : Monseigneur vous avez pour moi des boyaux de pere ; il vouloit dire des entrailles.

On dit mettre la lumiere sous le boisseau, pour dire cacher ses talens, les rendre inutiles. L’auteur du poëme de la Madeleine, liv. VII. pag. 117, ne devoit donc pas dire, mettre le flambeau sous le nid ».

[Qu’il me soit permis d’ajouter à ces six remarques un septieme principe que je trouve dans Quintilien, inst. VIII. vj. c’est que l’on donne à un mot un sens métaphorique, ou par nécessité, quand on manque de terme propre, ou par une raison de préférence, pour présenter une idée avec plus d’énergie ou avec plus de décence : toute métaphore qui n’est pas fondée sur l’une de ces considérations, est déplacée. Id facimus, aut quia necesse est, aut quia significantius, aut quia decentiùs : ubi nihil horum præstabit, quod transferetur, improprium erit.

Mais la métaphore assujettie aux lois que la raison & l’usage de chaque langue lui prescrivent, est non seulement le plus beau & le plus usité des tropes, c’en est le plus utile : il rend le discours plus abondant par la facilité des changemens & des emprunts, & il prévient la plus grande de toutes les difficultés, en désignant chaque chose par une dénomination caractéristique. Copiam quoque sermonis auget permutando, aut mutuando quod non habet ; quoque difficillimum est, præstat ne ulli rei nomen deesse videatur. Quintil. inst. VIII. vj. Ajoutez à cela que le propre des métaphores, pour employer les termes de la traduction de M. l’abbé Colin, « est d’agiter l’esprit, de le transporter tout d’un coup d’un objet à un autre ; de le presser, de comparer soudainement les deux idées qu’elles présentent, & de lui causer par les vives & promptes émotions un plaisir inexprimable ». Eæ propter similitudinem transferunt animos & referunt, ac movent huc & illuc ; qui motus cogitationis, celeriter agitatus, per se ipse delectat. Cicer. orat. n. xxxjx. seu 134. & dans la traduct. de l’abbé Colin, ch. xjx. « La métaphore, dit le P. Bouhours, man. de bien penser, dialogue 2. est de sa nature une source d’agrémens ; & rien ne flatte peut-être plus l’esprit que la représentation d’un objet sous une image etrangere. Nous aimons, suivant la remarque d’Aristote, à voir une chose dans une autre ; & ce qui ne frappe pas de soi même surprend dans un habile étranger & sous un masque ». C’est la note

du traducteur sur le texte que l’on vient de voir]. (B. E. R. M.)

MÉTAPHYSIQUE, s. f. c’est la science des raisons des choses. Tout a sa métaphysique & sa pratique : la pratique, sans la raison de la pratique, & la raison sans l’exercice, ne forment qu’une science imparfaite. Interrogez un peintre, un poëte, un musicien, un géometre, & vous le forcerez à rendre compte de ses opérations, c’est-à-dire à en venir à la métaphysique de son art. Quand on borne l’objet de la métaphysique à des considérations vuides & abstraites sur le tems, l’espace, la matiere, l’esprit, c’est une science méprisable ; mais quand on la considere sous son vrai point de vûe, c’est autre chose. Il n’y a guere que ceux qui n’ont pas assez de pénétration qui en disent du mal.

MÉTAPLASME, s. m. μεταπλασμὸς, transformatio, du verbe μεταπλάσσω, transformo ; c’est le nom général que l’on donne en Grammaire aux figures de diction, c’est-à-dire aux diverses altérations qui arrivent dans le matériel des mots ; de même que l’on donne le nom général de tropes aux divers changemens qui arrivent au sens propre des mots.

Le métaplasme ne pouvant tomber que sur les lettres ou les syllabes dont les mots sont composés, ne peut s’y trouver que par addition, par soustraction ou par immutation.

Le métaplasme par augmentation se fait ou au commencement, ou au milieu, ou à la fin du mot ; d’où résultent trois figures différentes, la prosthése, l’épenthése & la paragoge.

On rapporte encore au métaplasme par augmentation, la diérèse qui fait deux syllabes d’une seule diphtongue : ce qui est une augmentation, non de lettres, mais de syllabes. Voyez Prothèse, Epenthèse, Paragoge, Diérèse.

Le métaplasme par soustraction produit de même trois figures différentes, qui sont l’aphérèse, la syncope & l’apocope, selon que la soustraction se fait au commencement, au milieu, ou à la fin des mots ; mais il se fait aussi soustraction dans le nombre des syllabes, sans diminution au nombre des lettres, lorsque deux voyelles qui se prononçoient séparément, sont unies en une diphthongue : c’est la synérèse. Voyez Aphérèse, Syncope, Apocope & Synérèse. Voyez aussi Crase & Synalephe, mots presque synonymes à synérèse.

Le métaplasme par immutation donne deux différentes figures, l’antithèse, quand une lettre est mise pour une autre, comme olli pour illi ; & la métathèse, quand l’ordre des lettres est transposé, comme Hanovre pour Hanover. Voyez Antithèse & Métathèse.

Voici toutes les especes de métaplasme assez bien caractérisées dans les six vers techniques suivans :

Prosthesis apponit capiti ; sed aphæresis aufert :
Syncopa de medio tollit ; sed epenthesis addit :
Abstrahit apocope fini ; sed dat paragoge :
Constringit crasis ; distracta diæresis effert :
Antithesin mutata dabit tibi littera ; verûm
Littera si legitur transposta ; metathesis extat.

Rien de plus important dans les recherches étymologiques que d’avoir bien présentes à l’esprit toutes les différentes especes de métaplasme, non peut-être qu’il faille s’en contenter pour établir une origine, mais parce qu’elles contribuent beaucoup à confirmer celles qui portent sur les principaux fondemens, quand il n’est plus question que d’expliquer les différences matérielles du mot primitif & du dérivé. (B. E. R. M.)

MÉTAPONTE, Metapontum, ou Metapontium, (Géog. anc.) ville d’Italie dans la grande Grece, sur le golfe de Lucanie, aujourd’hui Tarente. Elle fut bâtie par les Pyliens & par Nestor leur chef, au