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roît comme une surface couverte de clous dorés ; dans une certaine position, il paroît comme une surface couverte de pyramides ; dans une autre il est couvert de cones, & dans d’autres situations, il paroît couvert de figures toutes différentes.

Le degré de lumiere doit être proportionné à l’objet ; s’il est noir, on le verra mieux dans une lumiere forte ; mais s’il est transparent, la lumiere doit être à proportion plus foible : c’est pour cela qu’il y a une invention dans le microscope simple & dans le microscope double, pour écarter la trop grande quantité de rayons, lorsqu’on examine ces sortes d’objets transparens avec les plus fortes lentilles.

La lumiere d’une chandelle, pour la plûpart des objets, & sur-tout pour ceux qui sont extrèmement petits & transparens, est préférable à celle du jour, & pour les autres celle du jour vaut mieux ; j’entends la lumiere d’un jour serein. Pour ce qui est des rayons du soleil, ils sont réfléchis par l’objet avec tant d’éclat, & ils donnent des couleurs si extraordinaires, qu’on ne peut rien déterminer avec certitude par leur moyen ; par conséquent cette lumiere doit être regardée comme la plus mauvaise.

Ce que je dis des rayons du soleil, ne doit pas s’étendre néanmoins au microscope solaire ; au contraire, on ne peut s’en servir avec avantage sans la lumiere du soleil la plus brillante ; en effet, par ce microscope on ne voit pas l’objet en lui-même dans l’endroit où il est frappé des rayons du soleil : on voit seulement son image ou son ombre représentée sur un écran, & par conséquent il ne peut résulter aucune confusion de la réfléxion brillante des rayons du soleil, qui ne viennent pas de l’objet à l’œil comme dans les autres microscopes. Mais aussi dans le microscope solaire, nous devons nous borner à connoître la vraie figure & grandeur d’un objet, sans nous attendre à en découvrir les couleurs, parce qu’il n’est pas possible qu’une ombre porte les couleurs du corps qu’elle représente.

De la préparation & application des objets microscopiques. Il y a plusieurs objets qui demandent beaucoup de précautions pour les bien placer devant les lentilles. S’ils sont plats & transparens, en sorte qu’en les pressant, on ne puisse pas les endommager ; la meilleur méthode est de les renfermer dans les glissoirs entre deux pieces de talc. Par ce moyen les aîles des papillons, les écailles des poissons, la poussiere des fleurs, &c. les différentes parties, & même les corps entiers des petits insectes & mille autres choses semblables peuvent se conserver. Il faut donc avoir un certain nombre de ces glissoirs toujours prêts pour cet usage.

Lorsqu’on fait une collection d’objets microscopiques, on ne doit pas remplir au hasard les glissoirs, mais on doit avoir soin d’assortir les objets, selon leur grandeur & leur transparence ; de maniere qu’on ne doit mettre dans le même glissoir, que ceux qu’on peut observer avec la même lentille, & alors on marquera sur le glissoir le nombre qui désigne la lentille convenable aux objets qu’il renferme. Les nombres marqués sur les glissoirs, préviennent l’embarras où l’on peut être pour savoir quelle est la lentille qu’on doit leur appliquer.

En plaçant vos objets dans les glissoirs, il est bon d’avoir un verre convexe d’environ un pouce de foyer, & de le tenir à la main pour les ajuster proprement entre les talcs, avant que de les enfermer avec les anneaux de cuivre.

Les petits objets vivans, comme les poux, puces, cousins, petites punaises, petites araignées, mites, &c. pourront être placées entre les talcs, sans qu’on les tue ou qu’on les blesse, si l’on prend soin de ne pas presser les anneaux de cuivre qui ar-

rêtent les talcs, & par ce moyen ils resteront vivans

des semaines entieres ; mais s’ils sont trop gros pour être placés de cette maniere, il faudra les placer dans un glissoir avec des verres concaves destinés à cet usage, ou bien on les percera d’une pointe pour les observer, ou bien encore on les tiendra avec des pincettes.

Si vous avez des fluides à examiner pour y découvrir les petits animaux qu’ils peuvent contenir ; prenez avec une plume ou avec un pinçeau une petite goutte du fluide, & faites-la couler sur un morceau de talc ou sur un des petits verres concaves, & appliquez-la de cette façon à la lentille. Mais au cas qu’en faisant votre observation, vous trouviez, comme il arrive souvent, que ces petits animaux nageant ensemble, soient en nombre si prodigieux, que roulant continuellement les uns sur les autres, on ne puisse pas bien connoître leur figure & leur espece, il faut enlever du verre une partie de la goutte, & y substituer un peu d’eau claire, qui les fera paroître séparés & bien distincts. C’est tout le contraire, lorsqu’on veut examiner un fluide pour y découvrir les sels qu’il contient, car il faut alors le faire évaporer, afin que ces sels qui restent sur le verre puissent être observés avec plus de facilité.

Pour disséquer les petits insectes, comme les puces, poux, cousins, mites, &c. il faut avoir beaucoup de patience & de dextérité ; cependant on peut le faire par le moyen d’une fine lancette & d’une aiguille, si l’on met ces animaux dans une goutte d’eau ; car alors on pourra séparer aisément leurs parties & les placer devant le microscope, pour observer leur estomac & leurs entrailles.

Les corps opaques, tels que les semences, les sables, les bois, &c. demandent d’autres précautions : voici le meilleur moyen de les considérer. Coupez des cartes en petits morceaux d’environ un demi-pouce de longueur, & de la dixieme partie d’un pouce de largeur ; mouillez-les dans la moitié de leur longueur avec de l’eau gommée bien forte, mais bien transparente, & avec cette eau vous y attacherez votre objet. Comme les figures des cartes sont rouges & noires, si vous coupez vos morceaux de cartes sur ces figures, vous aurez pour vos objets un contraste de presque toutes les couleurs ; & fixant les objets noirs sur le blanc, les blancs sur le noir, les bleus ou verds sur le rouge ou le blanc, & les autres objets colorés sur les morceaux qui leur sont le plus opposés en couleurs, vous les observerez avec plus d’avantage. Ces morceaux sont principalement destinés au microscope nouvellement inventé pour les objets opaques, & on doit les appliquer entre les pincettes ; mais ils sont aussi utiles aux autres microscopes qui peuvent découvrir les objets opaques.

Il faut avoir une petite boîte quarrée destinée à conserver ces morceaux de cartes, avec un nombre de petits trous fort peu profonds, & l’on colera un papier sur un côté de chaque carte pour servir de fond.

Précautions dans l’examen des objets microscopiques. En examinant les objets dans tous les degrés de lumiere, il ne faut rien assurer qu’après des expériences réitérées & des observations exactes. Ne formez donc aucun jugement sur les objets qui sont étendus avec trop de force, ou resserrés par la sécheresse, ou qui sont hors de leur état naturel en quelque maniere que ce soit, sans y avoir les égards convenables.

Il est fort douteux si l’on peut juger des vraies couleurs des objets que l’on voit par la plus forte lentille ; car comme les pores ou interstices d’un objet sont agrandis à proportion de la force du verre dont on se sert, & que les particules qui en compo-