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portion de l’air élastique qu’on en chasse. Voici d’ailleurs une expérience qui démontre presque à la vue l’existence de cet air dans ces sortes d’eaux ; elle consiste à adapter au goulot d’une bouteille à deux tiers remplie d’eau minérale, une vessie de porc vuide d’air, qu’on a eu soin de mouiller pour la rendre plus flasque ; pour lors en agitant un peu l’eau de la bouteille par quelques secousses, tandis qu’on comprime d’une main la vessie, l’air élastique se débarrasse, fait irruption dans l’intérieur de la vessie, qui lui présente moins de résistance que le verre, & en remplit la capacité. On peut suppléer cette expérience par une autre plus aisée, c’est-à-dire, on n’a qu’à boucher exactement avec le pouce l’ouverture d’une bouteille à moitié pleine d’eau ; secouer la bouteille, lever ensuite un peu le pouce, comme pour donner de l’air, on entendra pour lors sortir avec sifflement par la petite issue ménagée par le pouce, cet esprit élastique que M. Venel assure être du véritable air, & même de l’air très-pur.

Pour ce qui est de la mixtion de cet air avec l’eau, elle est si foible que la plus legere secousse, le plus petit degré de chaleur, la seule impression de l’air externe est capable de la détruire ; c’est pourquoi lorsqu’on veut transporter un peu loin ces eaux spiritueuses, & qu’on desire d’en conserver toute la vertu, il faut avoir la précaution de ne les mettre en bouteilles que le matin, & de choisir autant qu’on le peut, un tems froid pour les voiturer. Il se trouve de ces eaux qui renferment une si grande quantité d’air élastique, qu’elles romproient toutes les bouteilles, si on n’avoit l’attention de les laisser quelque peu de tems exposées à l’air libre dans les bouteilles non bouchées, pour qu’elles puissent évaporer partie de cet esprit.

Parmi les eaux minérales salées, dont nous avons jusqu’à présent l’analyse, il en est peu de spiritueuses ; nous avons pourtant celle des eaux de Seltz & des eaux de S. Martin de Fenouilla. A l’égard des eaux martiales & spiritueuses, il s’en trouve très-communément ; les eaux de Spa, de Pyrmont, de Camares, & un grand nombre d’autres sont de cette classe.

On a trouvé de nos jours l’art de contrefaire ces eaux salées spiritueuses ; cette invention très-ingénieuse appartient à M. Venel, professeur en l’université de Médecine de Montpellier. Pour avoir de ces eaux spiritueuses factices, on n’a donc qu’à remplir une bouteille d’eau commune pure, sur laquelle on fera tomber successivement quelques gouttes d’un alkali minéral, & d’un acide, soit marin, soit vitrioliques, chacune de ces liqueurs versée à-part dans une dose & proportion convenable, ensorte que le mélange de l’acide avec le sel alkali se fasse tranquillement, peu-à-peu & sans trouble ; par ce moyen tout mouvement d’effervescence étant, pour ainsi dire, étouffé, l’air se trouvera retenu. Voyez le second mémoire sur l’analyse des eaux minérales de Seltz, qui se trouve dans le second volume des mémoires présentés à l’académie royale des Sciences.

Les acides versés dans les eaux minérales spiritueuses y occasionnent constamment de l’effervescence, encore que par l’analyse ces eaux ne donnent que très peu ou même point de sel alkali nud ; d’où Hoffman, conduit par une fausse interprétation de la véritable cause de cette effervescence, conjecturoit qu’il y avoit dans ces eaux quelque alkali volatil très-prompt à s’envoler. Il seroit peut-être aussi naturel de penser que cette effervescence est un effet du conflit ou du choc de l’acide, avec la terre absorbante que contiennent presque toutes ces eaux minérales ; mais il conste des expériences & des observations de M. Venel que ce phénomene est dû réellement à l’air, qui,

par l’affusion des acides, est forcé de rompre son mélange avec l’eau.

On retire du plus grand nombre de ces eaux minérales un sel marin. On a plusieurs expériences pour constater la présence de ces sels dans les eaux ; mais son goût & la forme cubique de ces crystaux en sont des indices suffisans.

Les sels de Glauber, d’Epson, ou de Seidlitz (car ces sels ne sont qu’un même sel), entrent également dans la composition de beaucoup de ces eaux. On les reconnoît à un goût d’amertume qui leur est propre, & qui laisse une impression de froid sur la langue ; à la figure de leurs crystaux, qui est un parallelogramme, dont les angles sont coupés d’un côté ; à l’ordre de la crystallisation, car ces sels qui se trouvent le plus souvent avec le sel marin, ne se crystallisent qu’après ce dernier sel à une évaporation lente.

Le sel alkali, qui se rencontre dans les eaux minérales salées, a pour base un alkali de sel marin, ou autrement un sel alkali minéral : on le distingue à un goût lixiviel qui lui est particulier, & principalement à l’effervescence qui s’excite dans l’eau minérale concentrée lorsqu’on y verse de l’acide vitriolique, ainsi qu’à la forme de ses crystaux.

Les propriétés des sels dont il a été question jusqu’ici, sont de détacher & d’entraîner les matieres glaireuses des premieres voies, de stimuler l’estomac & le canal intestinal, d’augmenter le ton & les oscillations de ces organes, de résoudre les obstructions, de provoquer les urines, & même d’être purgatifs lorsqu’ils se trouvent en grande abondance dans les eaux.

Il est encore plusieurs de ces eaux médicinales qui sont chargées de substances terreuses que nous avons dit être, ou une terre absorbante, ou de la sélénité ; la nature de ces substances est véritablement terreuse ; & lorsque, par l’évaporation, elles se sont formées en masse, elles résistent à leur dissolution dans l’eau pure. A l’égard de la terre absorbante, elle fait effervescence avec les acides, & se transforme avec eux en sels neutres. La sélénite au contraire élude l’énergie des acides. On apprend encore à reconnoître & à distinguer l’une & l’autre de ces substances à la forme de leurs crystaux ; ainsi, par exemple, la terre absorbante, au moyen d’une évaporation lente, se forme en petites lames écailleuses & la sélénite en petites aiguilles qui desséchées ont un luisant comme soyeux. La concrétion de l’une & de l’autre de ces substances précede toujours celle des sels dans une liqueur qu’on soumet à l’évaporation, & c’est toujours la terre absorbante qui se concret la premiere, & la sélénite ensuite. On ignore jusqu’à présent quelles peuvent être les vertus de la terre absorbante & de la sélénite par rapport au corps humain : il faut pourtant en excepter ce qu’on connoît de la propriété qu’a la terre absorbante de corriger & d’adoucir les acides des premieres voies.

Les eaux minérales salées renferment souvent encore un sel marin à base terreuse, résultant de l’acide de sel marin & d’une terre absorbante, qui par leur union forment un sel neutre. Ce genre de sel ne se crystallise point, & on ne parvient même à le dessécher qu’en y employant une très-forte chaleur ; exposé à l’air libre, ce sel se charge de l’humidité de l’atmosphere, & ne tarde pas à tomber en déliquescence : ces divers caracteres serviront à le faire connoître, & autant que son goût amer, âcre, très-pénétrant ; en outre lorsqu’on verse dessus de l’acide vitriolique, l’esprit de sel marin dégagé s’envole & frappe l’odorat ; si sur cette dissolution vous venez à verser le l’huile de tartre par défaillance, il se fait un précipité blanc terreux, ensuite, en filtrant cette