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liqueur & la faisant concentrer à une évaporation lente, vous en obtiendrez les crystaux du sel marin régéneré, appellé vulgairement sel febrifuge de Sylvius. Ce sel a les mêmes vertus que tous ceux dont nous avons déja parlé ; il est néanmoins à présumer d’après le goût qu’il doit être plus énergique que les autres.

Il se trouve encore nombre d’eaux minérales salées qui contiennent du bitume, ou une huile minérale dissoute par des sels ; telles sont les eaux de Bourbon, celles d’Yeuzet, s’il faut en juger par le goût, les eaux d’une source singuliere qui se voit près de Clermont (le puits de la Pege), & celles d’une source à-peu-près semblable auprès d’Alais. On s’assûre de la présence du bitume dans ces eaux, soit par le goût lorsque cette substance y abonde, soit en versant de l’esprit-de-vin sur l’eau entierement concentrée, car pour-lors le bitume débarrassé des sels surnage les eaux.

Il est quelques autres sources encore qui contiennent de l’alun dans leurs eaux ; ce genre de sel se reconnoît tout de même à son goût stiptique, à la figure de ses crystaux, & à ce qui arrive en le mêlant avec l’huile de tartre par défaillance, c’est-à-dire que dans ce procédé la terre de l’alun étant dégagée de l’acide vitriolique qui s’unit au sel alkali, il en résulte un tartre vitriolé. M. Leroi, professeur en l’université de Médecine de Montpellier, a reconnu au goût une de ses sources sur un volcan appellé solfatara, près de Naples ; il prétend que les habitans du pays ont coutume d’employer extérieurement les eaux de cette source contre les maladies de la peau. Du reste il suffira de savoir que les eaux alumineuses ne sont du tout point propres à aucun usage intérieur, pour ne pas leur appliquer ce que nous allons dire de l’usage rationel des eaux minérales salées.

Les vertus des eaux minérales salées en général sont d’être éminemment stomachiques, ce qui est confirmé par leur opération qui consiste à balayer les premieres voies, à emporter les matieres qu’on suppose y croupir, à en détacher les mucosités tenaces qui peuvent s’y être accumulées, à redonner du ton à l’estomac & aux intestins, &c.

En conséquence prises intérieurement, elles sont très bonnes. 1° Dans une lésion quelconque de coction, pourvu toutesfois qu’elle ne provienne pas d’un engorgement des vaisseaux du ventricule, ou d’un état de phlogose de cet organe, ou enfin de quelque tumeur, soit au pylore, soit dans quelque autre endroit du canal intestinal, les eaux cathartiques, comme par exemple celles de Balaruc, de Vichy ou de Vals, conviennent dans ce cas aux personnes robustes, & les minérales non-cathartiques, comme celles d’Yeuzet, aux personnes délicates, aux hypochondriaques, aux mélancholiques, &c. 2° Dans les accès rebelles de vertige, lorsque le foyer de la maladie est censé résider dans les premieres voies, ce qui est assez ordinaire, & c’est le cas d’user par préférence des eaux cathartiques. 3° Dans l’hémiplegie, cas dans lequel conviennent éminemment les eaux minérales cathartiques, soit que dans cette maladie l’estomac & les intestins ayent perdu leur ressort, soit qu’elle soit entretenue par des sucs épais, visqueux, ou autrement, tels qu’il plaira de les imaginer, qui résident dans les premieres voies : cependant il est prudent de ne pas se presser dans ces sortes de maladies de recourir à l’usage, soit interne, soit externe de ces eaux, voyez Paralysie. 4° Dans l’épilepsie (voyez Epilepsie), dont elles ne servent jamais mieux à éloigner les paroxysmes que quand on les ordonne aux malades à trois ou quatre reprises dans l’année, & qu’on en fait continuer la boisson durant trois ou quatre jours chaque fois. 5° Ces eaux sont admirables pour ré-

soudre les obstructions des visceres, principalement

les engorgemens bilieux qui produisent un ictere opiniâtre. 6° Leur qualité apéritive les rend excellentes contre les fievres-quartes rebelles, dont il a été observé plusieurs fois qu’elles ont opéré la guérison. 7° Elles sont encore fort bonnes, prises hors ce tems du paroxysme, dans les affections des reins qui sont occasionnées par du gravier, ou des mucosités visqueuses qui obstruent les racines des ureteres, ou les bassinets des reins : dans ces cas, il faut choisir les eaux non-cathartiques ; en outre dans toutes ces affections, le bain tempéré des eaux minérales salées est d’un grand soulagement, tout comme dans les maladies qui proviennent d’une lésion de coction, & dans l’ictere. 8° Bien que les eaux minérales salées soient très propres à provoquer le flux menstruel en désobstruant les vaisseaux utérins, elles ne le sont pas moins pour arrêter ce flux s’il est trop abondant, sur tout lorsqu’il y a lieu d’accuser ou des obstructions des visceres, ou des impuretés dans les premieres voies, ce qui n’est pas rare. 9° Elles arrêtent également le flux hémorhoïdal trop copieux, lorsque les obstructions des visceres en sont la cause, & elles l’excitent dans le cas d’une suppression ; ici conviennent les eaux les plus douces. 10° Enfin on observe qu’elles font quelquefois des merveilles dans les affections cutanées.

Les eaux minérales salées ont cela de commun avec tous les autres secours efficaces qu’emploie la Médecine, qu’elles font beaucoup de bien si elles sont données à propos, & qu’elles font beaucoup de mal dans le cas contraire. Il faut donc être d’abord fort circonspect en conseillant l’usage des eaux minérales aux hémiplégiques, & ne les ordonner qu’avec beaucoup de prudence. Ces eaux, les piquantes sur-tout, ne conviennent pas mieux aux personnes qui ont la poitrine délicate, ou à celles qui sont sujettes à l’hémopthisie ; elles sont très dangereuses pour les maladies qui ont des tumeurs confirmées, renitentes, &c. dans quelque viscere ; à plus forte raison leur seroient-elles nuisibles si ces tumeurs étoient déja parvenues à l’état de skirrhe ; car, bien loin que les malades en retirassent aucun soulagement, ils ne tarderoient pas de tomber dans l’hydropisie. Ce seroit par la même raison le comble de l’erreur de faire prendre ces eaux aux personnes qui ont quelque abscès interne, ou qui sont travaillées de quelque fluxion séreuse. Il faut encore avoir la plus grande attention de ne pas gorger de ces eaux, principalement de celles qui ne purgent point, les personnes chez lesquelles elles passent difficilement, car le tempérament pituiteux, froid, ou une certaine habitude corporelle, qui est particuliere à ces personnes, les dispose éminemment à l’hydropisie. Il ne faut pas non plus ordonner, sans de très grandes raisons, les eaux minérales salées, les piquantes sur-tout, aux personnes sujettes aux stranguries, non plus qu’aux asthmatiques. Enfin les vieillards sont ceux qui supportent le moins bien l’usage de ces eaux, au contraire des jeunes gens.

Quant à ce qui regarde la préparation qui doit précéder l’usage des eaux minérales salées, il peut être quelquefois utile de saigner auparavant, si la maladie le permet ; on peut encore préparer le malade par quelques bouillons ou de simples décoctions rafraîchissantes, apéritives, & légerement atténuantes.

Lorsque le malade est déterminé à prendre les eaux, il doit en commençant jetter dans la premiere verrée un léger cathartique ; par exemple, trois onces de manne ou environ. Il doit en faire autant le dernier jour de la boisson à l’égard du dernier verre, sur-tout si les eaux n’ont pas bien passé par les voies alvines ou par les voies urinaires.