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MINGOL, (Géog.) montagne de Perse sur une des routes de Constantinople à Ispahan ; c’est de cette montagne que sortent les sources dont se forment l’Euphrate d’un côté, & la riviere de Kars de l’autre.

MINGRELA, (Géogr.) fameux bourg des Indes dans le royaume de Visapour, à cinq lieues de Goa. Je n’en parle que parce que le cardamome ne croît que dans son district. Les Hollandois y ont un comptoir. Tous les vaisseaux qui viennent des Indes pour aller dans le golfe Persique, mouillent presque toujours à la rade de ce bourg.

MINGRÉLIE, la, (Géog.) c’est la Colchide des anciens ; province d’Asie qui fait aujourd’hui partie de la Géorgie. Elle est bornée à l’ouest par la mer Noire ; à l’est par le Caucase & l’Imirete ; au sud par la Turcomanie ; au nord par la Circassie.

C’est un pays couvert de bois, mal cultivé, & qui produit néanmoins du grain, blé ou millet, suffisamment pour la nourriture des habitans. Il y a beaucoup de vignes, qui donnent d’excellent vin ; elles croissent autour des arbres, & jettent des seps si gros, qu’un homme peut à peine les embrasser. On y trouve aussi d’admirables paturages qui nourrissent quantité de chevaux. Les pluies qui sont fréquentes pendant l’été reverdissent ces paturages, tandis qu’elles rendent la saison humide & mal-saine. Le gibier abonde dans les vallées, & les bêtes sauvages dans les montagnes. La viande des Mingréliens est le bœuf & le pourceau, qui sont à grand marché.

Le pays se divise en trois petits états, dont les princes indépendans les uns des autres, payent quelque tribut au grand-seigneur. Ils héritent tous du bien des gentilshommes, & ceux-ci du bien de leurs vassaux, lorsque les familles viennent à s’éteindre.

Leur religion a un grand rapport avec celle des Grecs, mais elle est mêlée de tant de superstitions, qu’on peut la regarder comme une espece d’idolâtrie. Les églises y tombent en ruine, & les prêtres qui les desservent croupissent dans l’ignorance.

Les Turcs font quelque commerce en Mingrélie ; ils en tirent de la soie, du lin, des peaux de bœuf, de la cire, du miel, & quantité d’esclaves, parce que les gentilshommes ont le droit de vendre leurs sujets, & qu’ils se servent de ce droit toutes les fois qu’ils en peuvent tirer du profit.

Au reste, les esclaves n’y sont pas chers ; les hommes depuis 25 jusqu’à 40 ans n’y valent qu’une vingtaine d’écus ; les femmes une dixaine, les enfans moitié, & les belles filles depuis 13 jusqu’à 18 ans, trente écus piece.

Cependant les Mingréliens, au rapport des voyageurs, sont tout aussi beaux que les Géorgiens & les Circassiens : il semble que ces trois peuples ne fassent qu’une seule & même race. Il y a en Mingrélie, dit Chardin, des femmes merveilleusement bien faites, charmantes pour le visage, la taille & la beauté de leurs yeux. Les moins belles & les plus âgées se fardent beaucoup, mais les autres se contentent de peindre leurs sourcils en noir. Leur habit est semblable à celui des Persanes ; elles portent un voile qui ne couvre que le dessus & le derriere de la tête ; elles sont spirituelles & affectueuses, mais en même tems perfides & capables de toutes sortes de traits de coquetterie, d’astuce & de noirceur, pour se faire des amans, pour les conserver ou pour les perdre.

Les hommes ont aussi bien de mauvaises qualités ; ils sont tous élevés au larcin, l’étudient, & en font leur plaisir. Le concubinage, la bigamie & l’inceste sont des actions autorisées en Mingrélie ; l’on y enleve les femmes les uns des autres ; on y épouse sans scrupule sa tante ou sa niece, & on entretient autant de concubines qu’on veut. La jalousie n’entre point dans

la tête des maris ; quand un homme surprend sa femme couchée avec son galant, il lui fait payer pour amande un cochon, qui se mange entre eux trois.

Le Caucase met les Mingréliens à couvert des courses des Circassiens par sa hauteur, & par des murailles qu’ils ont élevées dans les endroits les plus accessibles, & qu’ils font garder avec quelque soin. Ils n’ont point de villes, mais des bourgs & des villages, avec des maisons séparées les unes des autres. La chasse est leur occupation ordinaire ; ils mettent leur félicité dans la possession d’un bon cheval, d’un bon chien, & d’un excellent faucon. Leur principal commerce consiste en esclaves ; ils vendent leurs propres enfans, en les échangeant pour des hardes & pour des vivres.

Ces détails sur les Mingréliens sont ici suffisans ; on peut en lire de plus étendus dans Chardin & la Motraye. Mais qui croiroit que l’article de la Mingrélie est oublié dans le dictionnaire de la Martiniere, & dans les contrefaçons faites en France de cet ouvrage ? Après cela, oserons-nous prétendre de n’être point tombés quelquefois à notre tour dans de pareilles obmissions ? Nous espérons l’avoir évité, mais il ne faut répondre de rien. (D. J.)

MINGRÉLIENS, s. m. (Théolog.) Peuples d’Asie, considérés quant à la religion, ils ont à-peu-près la même que les Grecs. Quelques historiens ecclésiastiques disent qu’un esclave convertit à la foi de Jesus-Christ le roi & la reine, & les grands de la Colchide, sous le regne de Constantin le grand, qui leur envoya des prêtres & des docteurs pour les baptiser, & pour les instruire dans les mysteres de notre religion. D’autres disent que ces peuples doivent la connoissance du Christianisme à un Cyrille, que les Esclavons appellent en leur langue Chiusil, qui vivoit vers l’an 806. Les Mingréliens montrent sur le bord de la mer, proche du fleuve Corax, une grande église où ils assurent que saint André a prêché. Le primat de la Mingrélie y va une fois en sa vie faire l’huile sainte, que les Grecs appellent myron. Ces peuples reconnoissoient autrefois le patriarche d’Antioche, maintenant ils obéissent à celui de Constantinople, & ont néanmoins deux primats de leur nation qu’ils appellent catholicos. Celui de la Géorgie a sous sa jurisdiction les provinces de Cartuli ou Cardulli, de Gaghetri, de Baratralu & de Samché : celui d’Odisci a les provinces d’Odisci, d’Imereti, de Guriel, des Abcasses & des Suans. Ce patriarche a presque autant de revenu que le prince de Mingrélie. Il y avoit autrefois douze évêchés dans le pays, mais il n’en reste maintenant que six, parce que les six autres ont été convertis en abbayes. Ces évêchés sont Dandars, Moquis, Bedias, Cïaïs, Scalingiers, où sont les sépultures des princes, & Scondidi : les abbayes sont Chiaggi, Grippurias, Copis, Obbugi, Sebastopoli, Anarghia. Les évêques de ce pays sont fort riches, & vivent ordinairement dans une grande dissolution ; néanmoins parce qu’ils ne mangent point de viande & qu’ils jeûnent fort exactement le carême, ils croient être plus réguliers que les prélats de l’Eglise romaine. La symonie y est ordinaire. Les primats ne consacrent point d’évêque à moins de six cens écus. Ils ne célebrent point de messe des morts qu’on ne leur en donne cinq cens ; & ils ne disent les autres messes que pour le prix de cent écus chacune. Ils se font aussi payer des confessions : & l’on a vu un de ces primats qui fut soit mal satis fait d’une somme de cinquante écus qu’un visir du prince de Mingrélie lui avoit donnée après s’être confessé à lui dans une maladie. Les évêques vendent aussi l’ordination des prêtres. Tous les ecclésiastiques y font fort ignorans, & disent la messe avec beaucoup d’irrévérence. Plusieurs même ont appris une seule