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marc d’or. En Angleterre, le prix de l’or de la Guinée est de 20 sols sterling ; cependant elle est reçue dans le commerce pour 21 sols sterling. Il est vrai que cela n’est pratiquable que dans un pays, où le monnoyable le fait aux depens de l’état, & c’est le vrai moyen d’attirer l’or & l’argent. Mais une regle générale pour les états commerçans qui fixent une proportion, c’est d’éviter la plus haute & la plus basse.

Quelques politiques ont prétendu que la proportion basse payant l’or moins cher, & attirant conséquemment l’argent par préférence, convenoit mieux aux états qui commercent aux Indes orientales. Mais il faut observer en même tems, que ces pays ont moins d’avantages dans leur commerce avec les peuples qui soldent en or. Aujourd’hui tous les peuples trafiquent dans les Indes orientales, les réexportations sont très bornées en ce genre ; ainsi de plus en plus ce commerce deviendra ruineux ; pour réparer les sommes qu’il coute, il est essentiel de favoriser de plus en plus les commerces utiles.

Ce qui constitue la valeur réelle d’une piece de monnoie, c’est le nombre des grains pesant d’or fin ou d’argent fin qu’elle contient. Une piece d’or du poids d’une once à 24 karats, contient cent cinquante-deux grains pesant d’or fin, & vingt-quatre grains d’alliage. Une piece d’or à 22 karats, pesant une once, un denier, & deux grains, sera de même valeur intrinseque que la premiere, la seule différence consistant dans les vingt-six grains d’alliage qu’elle contient de plus que la premiere, & qui ne sont comptés pour rien. Ce n’est pas qu’un orfevre qui auroit besoin d’or à 23 karats pour son travail, ne payât plus cher dans le commerce la piece d’or à 23 karats que l’autre, de toute la dépense qu’il faudroit faire pour affiner celle à 22 karats : mais aussi la fabrication de la piece à 23 karats auroit monté plus cher du montant de cette même dépense ; les mines ordinaires ne produisant point d’or au-dessus de 22 karats ; outre que l’emploi de l’or très-fin est rare dans le commerce ; il faut encore observer, que si l’on avoit besoin d’or à 24 karats, la piece d’or à 24 karats couteroit autant d’affinage que la piece d’or à 22 karats. (Le chevalier de Jaucourt.)

Monnoie de billon, (Monnoies.) On entend par monnoie de billon, des especes d’argent qu’on a altérées par le mélange du cuivre. Il y a deux sortes de monnoies de billon : l’une est appellée monnoie de haut billon, & comprend les especes qui sont depuis dix deniers de loi jusqu’à cinq ; l’autre se nomme monnoie de bas billon, à laquelle on rapporte toutes les especes qui sont au dessous de six deniers de loi.

Il est douteux qu’en France on se soit servi de monnoie de billon sous la premiere & sous la seconde race ; mais vers le commencement de la troisieme race avant saint Louis, on trouve quelques deniers d’argent bas ; & depuis saint Louis, on ne trouve plus que des deniers de bas billon.

Les blancs, les douzains, les liards, les doubles, les deniers, les mailles, les pites, sont autant de monnoies de billon dont on s’est servi dans ce royaume, sous la troisieme race. (D. J.)

Monnoie de cuir, (Monnoie rom.) Aeschine & Aristide nous apprenent que les Carthaginois se sont servi de monnoie de cuir. Les Romains commencerent par se servir de monnoie de terre cuite & de cuir. Cette derniere a été appellée asses scortei ; elle étoit en usage à Rome, avant le regne de Numa, suivant le témoignage de Suétone, cité par Suidas ; l’auteur anonyme du petit traité de rebus bellicis, imprimé à la suite de la notice des deux

empires, ajoute qu’on imprimoit une petite marque d’or sur ces pieces de cuir qui tenoient lieu de monnoie dans le commerce ; formatos è coriis orbes, auro modico signaverunt. Ensurte Numa introduisit l’usage des pieces de bronze, qu’on prenoit au poids en échange des marchandises & des denrées ; cela dura jusqu’au tems de Servius Tullius, qui le premier les fit frapper, & y fit graver une certaine marque. On peut voir ce qu’ont dit sur ce sujet Saumaise, de usur. pag. 443. & seqq. & Sperlingius, de nummis non eusis, pag. 201. & 221.

Nous connoissions encore chez les modernes de la petite monnoie de cuir, que la nécessité obligea les Hollandois de renouveller dans le dernier siecle, lorsqu’ils défendoient leur liberté contre la tyrannie du roi d’Espagne. Voyez, pour preuve, . (D. J.)

Monnoie obsidionale, (Hist. milit.) on appelle de ce nom une monnoie communément de basalloi, de quelque métal, ou autre matiere, formée & frappée pendant un triste siege, afin de suppléer à la vraie monnoie qui manque, & être reçue dans le commerce par les troupes & les habitans, pour signe d’une valeur intrinseque spécifiée.

Le grand nombre de villes assiégées où l’on a frappe pendant les xvj. & xvij. siecles de ces sortes de pieces, a porté quelques particuliers à en rechercher l’origine, l’esprit, & l’utilité. Il est certain que l’usage de frapper dans les villes assiegées des monnoies particulieres, pour y avoir cours pendant le siege, doit être un mage fort ancien, puisque c’est la necessite qui l’a introduite. En effet, ces pieces étant alors reçues dans le commerce pour un prix infiniment au-dessus de leur valeur intrinseque, c’est une grande ressource pour les commandans, pour les magistrats, & même pour les habitans de la ville assiegée.

Ces sortes de monnoies se sentent de la calamité qui les a produites ; elles sont d’un mauvais métal, & d’une fabrique grossiere ; si l’on en trouve quelques-unes de bon argent, & assez bien travaillées, l’ostentation y a eu plus de part que le besoin.

Leur forme n’est point determinée, il y en a de rondes, d’ovales, & de quarrées ; d’autres en losange d’autres en octogone, d’autres en triangles, &c.

Le type & les inscriptions n’ont pas de regles plus fixes. Les unes sont marquées des deux côtes, & cela est rare ; les autres n’ont qu’une seule marque. On y voit souvent les armes de la ville assiégée, quelquefois celles du souverain, & quelquefois celles du gouverneur ; mais il est plus ordinaire de n’y trouver que le nom de la ville tout au long, ou en abrégé, le millesime, & d’autres chiffres qui dénotent la valeur de la piece.

Comme les curieux ont négligé de ramasser ces sortes de monnoies, il seroit difficile d’en faire ane histoire bien suivie ; cependant la diversite des pieces obsidionales que nous connoissons, la singularité de quelques-unes, & les faits auxquels elles ont rapport, pourroient former un petit ouvrage agréable, neuf & intéressant.

Les plus anciennes de ces monnoies obsidionales de notre connoissance ont été frappées au commencement du xvj. siecle, lorsque François I. porta la guerre en Italie ; & ce fut pendant les sieges de Pavie & de Crémone, en 1524 & 1526. Trois ans après on en fit presque de semblables à Vienne en Autriche, lorsque cette ville fut assiégée par Soliman II. Lukius en rapporte une fort singuliere, frappée par les Vénitiens à Nicosie, capitale de l’île de Chypre, pendant le siege que Selim II. mit devant cette île en 1570.

Les premieres guerres de la république d’Hollande avec les Espagnols, fournissent ensuite un grand