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nombre de ces sortes de monnoies ; nous en avons de frappées en 1573, dans Middelbourg en Zélande, dans Harlem, & dans Alemaer. La seule ville de Leyde en fit de trois différens revers pendant le glorieux siege qu’elle soutint en 1474. On en a de Schoonhoven de l’année suivante ; mais une des plus dignes d’attention, fut celle que frapperent les habitans de Kampen durant le siege de 1578 ; elle est marquée de deux côtés. On voit dans l’un & dans l’autre les armes de la ville, le nom au-dessous, le millésime, & la note de la valeur. On lit au-dessus ces deux mots extremum subsidium, derniere ressource, inscription qui revient assez au nom que l’on donne en Allemagne à ces sortes de monnoies ; on les appelle ordinairement pieces de nécessité ; celles qui furent frappées à Mastricht, en 1579, ne sont pas moins curieuses ; mais celles qu’on a frappées depuis en pareilles conjectures, ne contiennent rien de plus particulier, ou de plus intéressant.

On demande si ces sortes de monnoies, pour avoir un cours légitime, doivent être marquées de la tête ou des armes du prince de qui dépend la ville, si l’une ou l’autre de ces marques peut être remplacée par les seules armes de la ville, ou par celle du gouverneur qui la défend ; enfin s’il est permis à ce gouverneur ou commandant de se faire représenter lui-même sur ces sortes de monnoies. Je résous toutes ces questions en remarquant que ce n’est qu’improprement qu’on appelle les pieces obsidionales monnoies ; elles en tiennent lieu, à la vérité, pendant quelque tems ; mais au fond, on ne doit les regarder que comme des especes de méreaux, de gages publics de la foi des obligations contractées par le gouverneur, ou par les magistrats dans des tems aussi cruels que ceux d’un siege. Il paroît donc fort indifférent de quelle maniere elles soient marquées, pourvû qu’elles procurent les avantages que l’on en espere. Il ne s’agit que de prendre le parti le plus propre à produire cet effet, salus urbis, suprema lex esto.

Au reste, il ne faut pas confondre ce qu’on appelle monnoies obsidionales, avec les médailles frappées à l’occasion d’un siege, & de ses divers événemens, ou de la prise d’une ville ; ce sont des choses toutes différentes. (D. J.)

Monnoie des Grecs, (Monnoies ancien.) les Grecs comptoient par drachmes, par mines, & par talens. Mais, selon les différens états de la Grece, la valeur de la drachme étoit différente, & par conséquent celle de la mine, & du talent à proportion. Cependant la monnoie d’Athènes, étant celle qui avoit le plus de cours, servoit, pour ainsi dire, de mesure où d’étalon à toutes les autres. De-là vient que quand un historien grec parle de talens, de mines, ou de drachmes sans désignation, il faut toujours supposer qu’il s’agit de la monnoie d’Athènes, & que s’il en entendoit d’autre, il nommeroit le pays.

Voici cependant la proportion des drachmes d’Athènes à celle des autres contrées. La mine de Syrie contenoit 25 drachmes d’Athènes ; la mine ptolémaïque  ; celle d’Antioche & d’Euboé 100 ; celle de Babylone 116 ; celle de Tyr  ; celle d’Egine & de Rhodes .

Le talent de Syrie contenoit 15 mines d’Athènes, le ptolémaïque 20, celui d’Anthioche 60, celui d’Euboé 60 pareillement, celui de Babylone 70, celui de Tyr 80, celui d’Egine & de Rhodes 100.

M. Brerewood en suivant les poids des Orfèvres, ne fait valoir la drachme attique que la drachme de son poids d’aujourd’hui, qui fait la huitieme partie d’une once ; de cette maniere il en rabaisse la valeur à sept sols & demi monnoie d’Angleterre : mais le docteur Bernard, qui a examiné la chose

avec plus d’exactitude, donne à la drachme attique moyenne, la valeur de huit sols & un quart monnoie d’Angleterre, & aux mines & aux talents à proportion. La table suivante mettra sous les yeux le calcul de ces deux savans.

Monnoies d’Athènes, selon Brerewood.
l. st. sh. s.
La drachme
Cent drachmes faisoient la mine 3 2 6
Soixante mines faisoient le talent 187 10
Le talent d’or sur le pié de 16 d’argent. 3000
Monnoies d’Athènes, selon Bernard.
La drachme
Cent drachmes faisoient la mine 3 8 9
Soixante mines faisoient le talent 206 5
Le talent d’or à raison de 16 d’argent. 3300

(D. J.)

Monnoies des Romains, (Hist. rom.) La pauvreté des premiers Romains ne leur permit pas de faire battre de la monnoie ; ils furent deux siecles sans en fabriquer, se servant de cuivre en masse qu’on donnoit au poids : Numa pour une plus grande commodité, fit tailler grossierement des morceaux de cuivre du poids de douze onces, sans aucune marque. On les nommoit, à cause de cette forme brute, as rudis : c’étoit là toute la monnoie romaine. Long-tems après Servius Tullius en changea la forme grossiere en pieces rondes du même poids & de la même valeur, avec l’empreinte de la figure d’un bœuf : on nommoit ces pieces as libralis, & libella, à cause qu’elles pesoient semblablement une livre ; ensuite on les subdivisa en plusieurs petites pieces, auxquelles on joignit des lettres, pour marquer leur poids & leur valeur, proportionellement à ce que chaque piece pesoit. La plus forte étoit le décussis, qui valoit & pesoit dix as, ce qui la fit nommer denier ; & pour marque de sa valeur, il y avoit dessus un X. Le quadrussis valoit quatre de ces petites pieces ; le tricussis trois ; le sesterce deux & demi : il valut toujours chez les Romains le quart d’un denier, malgré les changemens qui arriverent dans leurs monnoies, & pour désigner sa valeur, il étoit marqué de deux grands I, avec une barre au milieu, suivi d’un S, en cette maniere H-S. Le dupondius valoit deux as, ce que les deux points qui étoient dessus signifioient. L’as se subdivisoit en petites parties, dont voici les noms ; le duns pesoit onze onces, le dextans dix, le dodrans neuf, le bes huit, le septunx sept, le semissis, qui étoit le demi-as, en pesoit six, le quintunx cinq, le triens qui étoit la troisieme partie de l’as, pesoit quatre onces, le quadrans ou quatrieme partie trois, le sextans ou sixieme partie deux ; enfin uncia, étoit l’once, & pesoit une once.

Toutes ces especes n’étoient que de cuivre ; & même si peu communes dans les commencemens de la république, que l’amende décernée pour le manque de respect envers les magistrats se payoit d’abord en bestiaux. Cette rareté d’especes fit que l’usage de donner du cuivre en masse au poids dans les paiemens subsista long-tems ; on en avoit même conservé la formule dans les actes, pour exprimer que l’on achetoit comptant, comme on voit dans Horace, librà mercatur & oere. Tite-Live rapporte que l’an 347 de Rome, les sénateurs s’étant imposé une taxe pour fournir aux besoins de la république, en firent porter la valeur en lingots de cuivre dans des chariots au trésor public, qu’on appelloit ararium, du mot as, genitif aris, qui signifie du cuivre, parce qu’il n’y avoit point à Rome d’or ni d’argent.

Ce fut l’an 485 de la fondation de cette ville que