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mot est composé du grec μονος, seul, & de χρωμα, couleur.

MONOCROTON, s. m. (Hist. anc.) vaisseau à un banc de rames de chaque côté. On l’appelloit aussi moneris : ce n’étoit donc pas, comme on le pourroit croire, une barque qu’un seul homme pût gouverner.

MONOCULE, s. m. terme de Chirurgie, bandage pour la fistule lacrymale & autres maladies qui affectent un œil. Il se fait avec une bande longue de trois aunes, large de deux doigts, roulée à un globe qu’on tient de la main opposée à la partie malade ; c’est-à-dire, que pour appliquer cette bande sur l’œil droit, le globe est dans la main droite, & l’on tient le bout avec la main gauche, & vice versà ;. On applique le bout de la bande à la nuque, & l’on fait un circulaire qui passe sur le front, & vient engager le bout de la bande ; on descend ensuite sous l’oreille du côté malade, & on passe obliquement sur la joue au-dessous de l’œil, sur la racine du nez, sur le pariétal opposé, & à la nuque ; le troisieme tour de bande forme un doloire avec le second ; le quatrieme en fait un sur le troisieme, & on finit par quelques circulaires au tour de la téte. Ce bandage est contentif, & suppose l’application de l’appareil convenable. Son nom lui vient du grec, μονος, solus, unicus, seul, unique, & du latin, oculus, œil. Voyez fig. 4. Pl. XXVII.

Un mouchoir en triangle est aussi-bon & est moins cmbarrassant que ce bandage. (Y)

MONOCULES, (Géogr.) peuples qui n’avoient qu’un œil, au rapport d’Hérodote, de Ctésias & de quelques autres auteurs. Ces Monocules fabuleux étoient les Scythes, qui tirant continuellement de l’arc, tenoient toujours un œil fermé pour viser plus juste. Il n’y a jamais eu de peuples qui n’eussent en réalité qu’un œil. Les Cynocéphales qu’on a pris pour des hommes, sont des singes d’Afrique à longue queue ; & ces peuples, qui passoient pour avoir des piés si larges, sont les habitans de la zone glaciale, qui marchent sur des raquettes pour franchir les neiges dont leur pays est presque toujours couvert ; mais l’ignorance & la barbarie peuvent faire renaître les Monocules. (D. J.)

MONODIE, s. f. (Littér.) μονοδια, dans l’ancienne poésie grecque, sorte de lamentation ou de chanson lugubre qu’on chantoit à voix seule, comme l’indique assez ce mot formé du grec μονος, seul & οδη, chant.

MONOÉMUGI, (Géog.) royaume d’Afrique, dans la basse Ethiopie. Luyts le divise en cinq portions, qui sont l’empire de Monoémugi, celui de Monomotapa, la Cafierie, le royaume de Congo & celui de Biafara. Il a au nord le royaume d’Alaba, à l’orient le Zanguebar, au midi le royaume des Borores, & à l’occident celui de Macoco.

Ce pays comprend en partie les montagnes de la lune. Il a des riches mines d’or, d’argent dont les habitans ne tirent aucun parti. Ils sont noirs, idolâtres, sauvages, & obéissent en général à un chef que nous appellons roi. (D. J.)

MONOGAME, s. m. (Jurispr.) terme de droit, qui signifie celui qui n’a eu qu’une femme. Voyez ci-dessous Monogamie.

MONOGAMIE, s. f. (Jurisprud.) état de celui ou de celle qui n’a qu’une femme ou qu’un mari, ou qui n’a été marié qu’une fois Voyez Mariage, Bigamie, &c. ce mot est composé de μόνος, seul, unique, & de γαμὸς, mariage.

MONOGRAMME, s. m. (Monnoies. Inscriptions. Médailles.) caractere composé d’un chiffre, formé de plusieurs lettres entrelacées. Ce caractere ou chiffre étoit autrefois une abréviation de nom, & servoit de signe, de sceau, ou d’armoiries.

La signature avec des monogrammes étoit fort en usage au vij. & viij. siecles. Charlemagne se servoit du monogramme dans ses signatures, comme une infinité de titres de ces tems-là le justifient, il le fit même graver sur un calice dont Louis-le-Débonnaire, ou plûtôt le foible, fit présent à S. Médard, ainsi que l’assure l’auteur de la translation de saint Sébastien ; calicem cum paterâ patris sui magni Caroli monogrammate insignitâ. L’on commença pour-lors, à l’imitation de l’empereur, à se servir en France plus fréquemment du monogramme. Eginard rapporte que Charlemagne ne savoit pas écrire ; qu’il tenta sans succès de l’apprendre dans un âge avancé, & que son ignorance fut cause qu’il se servit pour sa signature du monogramme, qui étoit facile à former, ut imperitiam hanc, honesto ritu suppleret, monogrammatis usum, loco proprii signi invexit. Nombre d’évêques de ce tems-là étoient obligés de se servir du monogramme par la même raison.

On trouve aussi le monogramme de Charlemagne sur les monnoies de ce prince, & c’est une preuve que Charles-le-Chauve n’a pas été le premier, comme l’a cru le pere Sirmond, qui ait ordonné qu’on mît son monogramme sur les monnoies, il ne sert de rien pour défendre l’opinion du savant jésuite, de dire qu’il a seulement prétendu que Charles le-Chauve étoit le premier, qui avoit ordonné par un édit, qu’on marquât les monnoies avec son monogramme, puisqu’il est certain que sans l’ordre exprès du souverain, on ne s’avise jamais de toucher à la marque de la monnoie, qui est une chose sacrée. Sous la seconde race de nos rois, on mit presque toujours le monogramme du prince sur la monnoie, & cette coutume dura jusques sous le roi Robert. Du Cange s’est donné la peine de recueillir les monogrammes des rois de France, des papes, & des empereurs.

Mais l’objet le plus intéressant des monogrammes, est relatif aux médailles. Le pere Hardouin prétend qu’ils désignent les différens tributs qu’on payoit à l’empereur, du dixieme, du vingtieme, da trentieme, du quarantieme, & du cinquantieme. Selon lui, I marque le dixieme denier, K le vingtieme, M le quarantieme. De même le simple X dénote le dixieme, XX le vingtieme, XXX le trentieme, XXXX le quarantieme ; mais ce sentiment est abandonné de tous les savans.

Il seroit plus raisonnable de conjecturer que ces lettres dénotent le prix de la monnoie, que l’I ou l’X marquent, si vous voulez, des oboles, ou semblables petites monnoies du pays, le K ou les XX vingt, &c. comme on voit sur les ochavo d’Espagne, où le VIII. marque maravedis.

Nous avons dans le bas-Empire des monogrammes de villes, & de fleuves, comme de Ravenne, du Rhône, & de quelques autres que M. du Cange a recueillis : & dans les modernes nous avons des monogrammes de noms, comme on le peut voir dans Strada.

Il ne faut pas croire pour cela que les monogrammes soient particuliers au bas-Empire ; les médailles antiques des rois & des villes sont chargées quelquefois de plusieurs monogrammes différens, sur le même revers. Il y en a de simples qu’on devine sans peine, mais la plûpart sont encore inconnues aux plus éclairés.

Il est donc souvent fort difficile d’expliquer ces sortes de lettres à plusieurs branches, renfermant un mot entier qui est ordinairement le mot de la ville ou du prince, ou de la déité représentée sur la médaille, quelquefois encore l’époque de la ville, ou du regne du prince pour qui elle a été frappée. On en trouve grande quantité, principalement sur les médailles greques.