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Les monogrammes sont parfaits, quand toutes les lettres qui composent le mot y sont exprimées ; tel est celui du Rhône dans la médaille de Justin, celui de Ravenne, & semblables ; telles sont les monnoies de Charlemagne & de ses descendans, où le revers porte Carlus en monogramme. Ils sont imparfaits quand il n’y a qu’une partie des lettres exprimées ; tel est celui de la ville de Tyr, où l’on ne trouve que la tige du T, qui est la massue d’Hercule, divinité tutélaire des Tyriens : le monogramme de cette ville est aussi souvent figuré par Y.

Il faut prendre garde à ne pas confondre les monogrammes avec les contre-marques des médailles. Les contre-marques sont toujours enfoncées, parce qu’elles sont frappées après la médaille battue ; les monogrammes battus en même tems que la médaille, y font plûtôt un petit relief. Pour les découvrir sûrement il faut beaucoup de sagacité, & une grande attention au lieu & au tems où la médaille a été frappée, à toutes les lettres qu’on peut former des différens jambages qu’on y découvre, & aux lettres qui sont répétées, où les mêmes traits servent deux ou trois fois. Tel est le monogramme de Justinien sur le revers d’une médaille grecque de Césarée, où la premiere branche qui fait I sert trois fois dans le mot ΙΟΥϹΤΙΝΙΑΝΟϹ. Le Ϲ & la lettre Ν servent deux fois. Les lettres uniques qui marquent le nom des villes, comme Π Paphos, Σ Samos, &c. ne doivent point être comptées parmi les monogrammes, ce sont de vraies lettres initiales. (D. J.)

Monogramme, (Peint. anc.) en grec μονογραμμος, en latin monogrammus dans Cicéron. Il faut entendre par ce mot de simples esquisses, des desseins où il n’y a que le trait, que nous appellons nous-mêmes aujourd’hui des traits, & c’est en ce sens que Cicéron disoit, que les dieux d’Epicure comparés à ceux de Zénon, n’étoient que des dieux monogrammes & sans action ; ce n’étoit pour ainsi dire que des ébauches de divinités. M. l’abbé d’Olivet, qui montre beaucoup de sagacité & de justesse dans l’interprétation des auteurs anciens, s’est trompé néanmoins en prenant le monogramme pour une figure d’un seul trait, il falloit plûtòt dire une figure au simple trait. La définition de Lambin, fondée sur celle que Nonius Marcellus avoit déja donnée, est plus conforme à la pratique de l’art. Monogramme, dit-il, est un ouvrage de peinture qui ne fait que de naître sous la main de l’artiste, où l’on ne voit que de simples traits, & où l’on n’a pas encore appliqué la couleur, quod solis lineis informatum & descriptum est, nullis dùm coloribus adhibitis. Voyez Traits. (D. J.)

MONOLOGUE, s. m. (Belles-Lettres.) scene dramatique où un personnage paroît & parle seul. Voyez Soliloque. Ce mot est formé du mot grec μονος, seul, & de λογος, discours.

MONOMACHIE, s. f. (Hist. mod.) en grec μονομαχια, duel, combat singulier d’homme à homme. Voyez Duel. Ce mot vient de μονος, seul, & de μαχη, combat.

La monomachie étoit autrefois permise & soufferte en justice pour se laver d’une accusation, & même elle avoit lieu pour des affaires purement pécuniaires, elle est maintenant défendue. Voyez Combat. Alciat a écrit un livre de monomachiâ.

MONOME, s. m. en Algebre, quantité qui n’est composée que d’une seule partie ou terme, comme ab, aab, aaabb ; on l’appelle ainsi pour la distinguer du binome, qui est composé de deux termes, comme ab + cd, &c. Voyez Quantité, Binome, Terme , &c.

MONOMOTAPA, (Géogr.) royaume d’Afrique, qui comprend toute la terre ferme qui est entre les rivieres Magnice & Cuama, ou Zambeze

M. de Lisle borne les états du Monomotapa par ces deux rivieres, & à l’orient par la mer.

Cet état est abondant en or & en éléphans : le roi qui le gouverne est fort riche, & étend presque son domaine jusqu’au cap de Bonne Espérance. Il a sous lui plusieurs autres princes tributaires, dont il éleve les enfans à sa cour, pour contenir les peres sous son obéissance : c’est un trait de politique des plus adroits & des mieux imaginés. (D. J.)

MONOPÉTALE, en Botanique, terme qui se dit des fleurs qui n’ont qu’une pétale indivise ou une seule feuille.

MONOPHAGIES, (Antiquit. grecq.) fête en l’honneur de Neptune chez les Eginetes, en grec, μονοφαγεια ; on appelloit Monophages ceux qui célébroient cette fête, parce qu’ils mangeoient ensemble sans avoir aucun domestique pour les servir ; il n’étoit permis qu’aux seuls citoyens & aubains de l’île d’Egine d’y pouvoir assister. Voyez Poter, Archæol. græc. liv. II. c. xx. tom. I. pag. 364. (D. J.)

MONOPHYSITES, s. m. pl. (Hist. eccles.) nom qu’on donne en général à toutes les sectes du levant qui n’admettent qu’une nature en Jesus-Christ : ce mot vient du grec μονος, seul, unique, & de φυσις, nature.

On designe pourtant plus particulierement par cette dénomination les sectateurs de Severe & de Pierre le Foulon. Jacques de Zanzale, syrien, releva cette secte, & de son nom ils furent appellés Jacobites. Voyez Jacobites.

MONOPODE, s. m. (Littérat.) monopodium, table à un seul pié : ces sortes de tables étoient d’usage pour manger. Dans le tems du luxe des Romains on en faisoit de bois d’érable, quelquefois de bois de citre, soutenues par un seul pié d’ivoire bien travaillé ; on les vendoit un prix exhorbitant, sur-tout si le bois de citre étoit de différentes couleurs naturelles ; c’est ce que nous apprennent Horace, Martial, Juvénal, Pline & Séneque. Cicéron en avoit une qui coûtoit deux cens mille sesterces ; les quatre sesterces, selon dom Bernard, valoient sept sols & demi d’Angleterre. (D. J.)

MONOPOLE, s. m. (Jurisprud.) est le trafic illicite & odieux que fait celui qui se rend seul le maître d’une sorte de marchandise, pour en être le seul vendeur, & la mettre à si haut prix que bon lui semble, ou bien en surprenant des lettres du prince, pour être autorisé à faire seul le commerce d’une certaine sorte de marchandise, ou enfin lorsque tous les marchands d’un même corps sont d’intelligence pour enchérir les marchandises ou y faire quelque altération.

Ce terme vient du grec μονος & πολεῖν, qui signifie vendre seul ; il étoit si odieux aux Romains, que Tibere, au rapport de Suétone, voulant s’en servir, demanda au sénat la permission de la faire, parce que ce terme étoit emprunté du grec.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on voit des monopoles, puisqu’Aristote en ses Politiques, liv. I. ch. vij. dit que Talès, milésien, ayant prévû, par le moyen de l’Astrologie, qu’il y auroit abondance d’olives, l’été suivant ayant recouvré quelque peu d’argent, il acheta & arrha toutes les olives qui étoient à l’entour de Milet & de Chio à fort bas prix, & puis les vendit seul, & par ce moyen fit un gain considérable.

Pline, liv. VIII. de son Histoire naturelle, dit en parlant des hérissons, que plusieurs ont fait de grands profits pour avoir tiré toute cette marchandise à eux.

Chez les Romains le crime de monopole étoit puni par la confiscation de tous les biens, & un exil perpétuel, comme on voit en la loi unique, au code