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Plusieurs auteurs ont essayé de résoudre cette question, entr’autres le capitaine Middleton anglois, qui a donné à ce sujet les conjectures les plus vraissemblables.

Le pays, dit-il, est fort élevé tout le long de la côte de la baie de Baffin, du détroit de Hudson, &c. & il l’est de cent brasses ou davantage, tout près de la côte ; ces côtes ont quantité de golfes, dont les cavités sont remplies de neiges & de glaces gelées jusqu’au fond, à cause de l’hiver presque continuel qui regne dans ces endroits. Ces glaces se détachent & sont entraînées dans le détroit, où elles augmentent en masse plûtôt qu’elles ne diminuent, l’eau étant presque toûjours extrèmement froide pendant les mois de l’été. Elles refroidissent aussi tellement l’air, qu’il se fait un accroissement continuel à ces montagnes de glaces, par l’eau de la mer qui les arrose à chaque instant, & par les brouillards humides & très-fréquens dans ces endroits, qui tombent en forme de petite pluie, & se congelent en tombant sur la glace. Ces montagnes ayant beaucoup plus de profondeur au-dessous de la surface de la mer qu’elles ne s’élevent au-dessus, la force des vents ne peut pas taire grand effet sur elles pour les mouvoir : car quoique le vent souffle du côté du nord-ouest pendant presque neuf mois de l’année, & que par-là ces îles soient poussées vers un climat plus chaud, leur mouvement est néanmoins si lent, qu’il leur faudroit un siecle pour avancer cinq ou six cent lieues vers le sud.

Les amas de glaçons qu’on voit près du Groenland, ont commencé par se détacher des grandes rivieres de Moscovie, en flottant dans la mer où ils se sont accrus chaque année par la chûte de la neige qui ne s’est pas fondue pendant l’été, en aussi grande quantité qu’elle étoit tombée. De plus, l’eau des vagues de la mer qui se brisent sans cesse contre les masses de glace & qui en réjaillissent, ne manque pas de se geler à leur tour, & forme insensiblement dans ces contrées froides, des masses énormes & anguleuses de glace, comme le remarquent ceux qui navigent en Groenland. On voit de ces montagnes de glace s’élever au dessus de l’eau aussi haut que des tours, tandis qu’elles sont enfoncées sous l’eau jusqu’à la profondeur de quarante brasses, c’est-à-dire plus de deux cent piés. Voilà pourquoi les Navigateurs rencontrent dans les mers du Nord, des montagnes de glace qui ont quelques milles de tour, & qui flottent sur mer comme de grandes îles. On en peut lire les détails dans la pêche de Groenland, par Zordrager. (D. J.)

Montagnes de Rome, (Ant. rom.) Romulus fonda la ville de Rome sur le mont Palatin ; & cette ville s’aggrandit tellement dans la suite qu’elle se trouva renfermer sept montagnes dans son enceinte, ce qui lui valut le nom célebre de septicollis, la ville à sept montagnes ; mais il ne faut se figurer ces montagnes ou collines, que comme des hauteurs que l’on monte dans plusieurs endroits presqu’insensiblement.

Les sept montagnes, anciennement renfermées dans Rome, étoient 1o. le mont Palatin, Palazzo maggiore ; 2o. le mont Quirinal, monte Cavallo ; 3o. le mont Cælius, monte di san Giovanni Laterano ; 4o. le mont Capitolin, campidoglio ; 5o. le mont Aventin, monte di santa Sabina ; 6o. le mont Esquilin, monte di S. Mariamaggiore ; 7o. le mont Viminal, Viminale.

Outre ces montagnes, il y a aujourd’hui le Janicule ou le Montorio ; le mont de Gl’ortuli ou della SS. Trinita, ainsi appellé de la belle église des Minimes, contiguë au jardin du grand duc de Toscane. Le Testaceo, qui a été formé de vases de terre brisés ; enfin le Vatican si renommé par l’église de saint Pietre, & par le palais du pape. Nous ne parlerons ici que des

sept montagnes de l’ancienne Rome & du Janicule.

1o. D’abord pour ce qui regarde le mont Palatin, les auteurs sont partagés sur l’étymologie de ce nom. Les uns veulent que les Aborigenes, appellés autrement Palatins, aient donné leur nom à cette montagne, lorsqu’ils la vinrent habiter du territoire de Béate qu’on nommoit aussi Palatium. D’autres en font l’honneur à Palatia femme de Latinus ; d’autres à Palanto fille d Hyperborée, femme d’Hercule & mere de Latinus. D’autres tirent son origine du verbe palare, qui signifie errer, parce qu’on menoit paître des troupeaux sur cette colline. D’autres enfin le font venir de Palas fils d’Hercule, & de Dyna fille d’Evandre, qui eut en ce lieu là sa sépulture. Denis d’Halicarnasse semble décider la question au commencement du second livre, où il dit que les Arcadiens étant venus habiter cette montagne, ils nommerent Paleuce la ville qu’ils y bâtirent, du nom d’une ville d’Arcadie dont ils étoient originaires. Le mont Palatin fut le premier que Romulus fit fermer de murailles, par une prédilection particuliere pour cette montagne, où ils avoient été élevés son frere & lui, & sur laquelle il avoit eu l’heureux auspice des douze vautours, qui lui avoit donné la préférence sur son frere Rémus.

2o. Le mont Quirinal ; les Curetes qui vinrent de Cures à Rome avec le roi Tatius, donnerent leur nom à cette colline, parce qu’ils y avoient placé leur camp. Denis d’Halicarnasse appelle cette montagne, collem Agonalem : c’est le nom qu’elle portoit avant que les Sabins eussent fait alliance avec les Romains.

3o. Mont Calius ; il eut son nom d’un certain Caelius Vibennus, capitaine hétrusque, qui vint avec une troupe d’élite au secours de Romulus contre le roi des Sabins. Cette montagne étoit couverte autrefois de chênes ; c’est pourquoi Tacite, lib. IV. Ann. en parlant du mont Calus, ne le désigne que par le nom qu’il portoit alors, Querquetalanum montem.

4o. mont Capitolin ; cette montagne fut fameuse par trois noms qu’elle porta. 1o. elle fut appellée mons Saturnius, de Saturne qui l’avoit anciennement habitée, & sous la protection duquel elle fut toûjours depuis : 2o. mons Tarpeïus, de cette fameuse Tarpeia, qui y fut accablée sous les boucliers des Sabins, comme Denis d’Halicarnasse le raconte ; & qui y eut sa sépulture : 3o. mons Capitolinus, parce qu’en fouillant les fondemens du temple de Jupiter sur cette montagne, on y trouva la tête d’un homme ; c’est ce nom qui a prévalu dans la suite sur les deux autres qu’elle portoit auparavant. La maison qu’habitoit Tatius sur le capitole, fut changée en un temple dédié à Juno moneta, parce qu’elle avoit donné, dit-on, des avis salutaires aux Romains dans la guerre contre les Arunces ; ou selon Suilas, parce qu’elle leur avoit promis que dans la guerre contre Pyrrhus, l’argent ou la monnoie ne leur manqueroit point.

Ce mont fut le plus célebre de tous, à cause du temple de Jupiter commencé par Tarquin l’ancien, achevé par Tarquin le superbe, & dédié par Horatius Pulvillus. C’étoit là où se faisoient les vœux solemnels, où les citoyens prêtoient serment de fidélité, & où les Triomphateurs venoient rendre graces aux dieux de la victoire qu’ils avoient obtenue.

Mais pour dire quelque chose de plus particulier, on conservoit à Rome sur le mont Capitolin, avec une espece de religion, la maison de Romulas couverte de chaume : elle existoit encore du tems de Virgile. Séneque dit noblement, colit etiamnum in Capitolio casam victor gentium populus : Vitruve ajoûte, significat mores vetustatis casa in arce sacrorum, stramentis tecta. C’est ainsi qu’on conservoit encore alors dans la ville d’Athènes l’ancien Aréopage, qui n’étoit couvert que de terre.