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& la Moldavie, joindre le mont Krapack ; celui-ci par la Moravie, vient embrasser les montagnes de Bohème.

Une derniere branche des Alpes, court le long des états de Gènes & du Parmésan, pour se réunir à l’Apennin, qui comme un arbre envoie quantité de tameaux dans toute l’Italie, jusqu’au phare de Messine. Il se releve encore dans la Sicile, qu’il parcourt presqu’en tout sens, changeant cent fois de nom.

Le mont Atlas en Afrique, envoye une branche qui va jusqu’à l’Océan, & en produit une autre qui va jusqu’à l’Egypte. Le royaume de Dancali, situé tout à l’entrée de la mer rouge, n’est presqu’autre chose que cette même chaîne, que le détroit de Babel-Mandel interrompt à peine. Les montagnes de la Meque & de l’Yémen, se joignent à celles de l’Arabie Pétrée, & puis à celles de la Palestine & de la Syrie, entre lesquelles est le Liban.

Les monts qui s’étendent le long de la mer en-deçà d’Antioche de Syrie, continuent cette chaîne jusqu’au Taurus. Celui-ci a trois principaux bras ; l’un s’étendant à l’occident, court jusqu’à l’Archipel. Le second avançant vers le nord par l’Arménie, va prendre le nom de Caucase, entre la mer Noire, & la mer Caspienne. Le troisieme bras court vers l’orient, passe l’Euphrate, coupe la Mésopotamie en plusieurs sens, va se joindre aux montagnes du Curdistan, & remplit toute la Perse de ses rameaux.

Le bras qui se distribue dans la Perse, ne s’y borne pas. Il entre dans la Corassane, & recevant le nom d’Imaüs, il sépare la Tartarie de l’Indoustan. Entre ses plus considérables parties il s’en détache une qui prend le nom de montagne de Gate, sépare la côte de Malabar de celle de Coromandel, & va se terminer au-cap de Comorin. Une autre partie de l’Imaüs forme trois nouvelles chaînes, dont l’une va jusqu’à l’extrémité de l’île de Malaca ; l’autre jusqu’au royaume de Camboge, & la troisieme après avoir partagé la Cochinchine dans toute sa longueur, va finir dans la mer, au royaume de Ciampa.

Le Junnan & autres provinces de la Chine, sont situés dans une appendice de cette montagne. Le Tangut, le Thibet, la Tartarie chinoise, toute la Tartarie russienne, y comprise la grande presqu’île de Kamtschatka, & la Sibérie & toute la côte de la mer Blanche, sont hérissées de cette même chaîne de montagnes qui par diverses branches qu’elles jettent dans la grande Tartarie, va se rejoindre à l’Imaüs. En vain la mer Blanche semble l’interrompre, elle se releve de l’autre côté dans la Lapponie, & courant de là entre la Suede & la Norvege, elle arrive enfin à la mer de Danemark.

Il regne la même économie de montagnes en Amérique. En commençant par l’isthme de Panama, nous y voyons ces hautes montagnes qui séparent les deux mers, traversent la Castille d’or & le Popayan. Cette même chaîne court le long du Pérou, du Chili & de la terre Magellanique, jusqu’au détroit de Magellan qui en est bordé. Une branche de ces montagnes semble sortir du Popayan, coupe la Goyanne & borde toute la côte du Brésil & du Paraguay. Si on parcourt l’Amérique septentrionale, on trouvera semblablement de vastes chaînes de montagnes qui serpentent dans la nouvelle Espagne, dans le nouveau Mexique, dans la Louisiane, le long de la Caroline, de la Virginie, du Maryland & de la Pensylvanie.

Ne croiroit-on pas à cet étalage de troncs, de branches & de rameaux, qu’il ne s’agit point ici de ces monts sourcilleux qui se perdent dans les nuës, & séparent les plus grands royaumes du globe terrestre, mais qu’il est question des ramifications de l’aorte, de la veine cave, ou des nerfs sympathi-

ques ? Il est cependant vrai que je ne puis guere m’expliquer

autrement, & que les principales montagnes de l’univers ont entr’elles un enchaînement assez semblable à celui qu’ont les nerfs, les vertebres ou les vaisseaux sanguins. Le comte de Marsilly avoit eu le projet, sur la fin de sa vie, de prouver cette singuliere connexion des montagnes. Son livre devoit être intitulé Ossatura terra, l’Ossature de la terre ; & le titre étoit ingénieux dans l’idée d’un physicien qui regardoit les montagnes sur le globe, comme l’anatomiste regarde les côtes & les os dans la charpente du corps de l’animal.

Mais toutes les montagnes de la terre ne se continuent pas par une chaîne plus ou moins grande. Il en est de considérables qui sont très-isolées, comme l’Etna, le Vésuve, le Pic d’Adam, le Pic de Téneriffe & quantité d’autres.

S’il y en a d’une extrème hauteur, comme nous l’avons dit, il s’en trouve aussi d’une hauteur médiocre, comme sont la plûpart des montagnes de France & d’Allemagne ; il y en a même sans nombre de très-peu élevées, & qui ne méritent que le nom de coteaux ou de collines.

Il regne quantité de différences dans leur structure, qui doivent être observées. Il y a par exemple, des montagnes dont la cime se termine en pointe ; d’autres au haut desquelles on trouve une plaine assez spacieuse, & quelquefois même des lacs poissonneux ; d’autres au contraire n’ont que des roches dépouillées de verdure ; d’autres n’ont pour sommet que d’affreuses masses de glaces, comme les glaciers de Suisse : en un mot, on trouve une variété prodigieuse dans la conformation des montagnes ; & cette variété en met beaucoup dans les avantages ou désavantages qu’elles procurent aux pays sur lesquels elles dominent.

Les unes produisent des métaux, des minéraux, des pierres précieuses ; d’autres du bois pour bâtir ou pour le chauffage ; d’autres de gras pâturages ; d’autres sont couvertes d’une pelouse sous laquelle on trouve des veines de marbre, de jaspe ou autres pierres, dont les hommes ont tiré de l’agrément ou de l’utilité. Voyez l’article précédent.

Il y a des montagnes qui jettent de la fumée, des cendres ou des flammes, comme l’Etna, le Vésuve, l’Hécla & plusieurs autres : on les nomme volcans. Voyez l’article Volcan.

Quelques montagnes ont le sommet couvert d’une neige qui ne fond jamais ; d’autres n’ont point de neige, & d’autres n’en ont que pendant une partie de l’année, plus ou moins longue : cela dépend de leur hauteur, de le r exposition, du climat & de la rigueur ou de la douceur des saisons. Les Allemands appellent berg, une montagne, & les Espagnols sierra, voyez Sierra.

Les abimes sont opposés aux montagnes. Il y a des montagnes qui en enferment entre elles de si profonds & de si affreux, que l’on ne peut en soutenir la vue sans que la tête en tourne : c’est ce qu’on nomme des précipices. Il y a finalement, telle montagne dont le passage est très-dangereux, ou absolument impossible à cause de ces précipices. (D. J.)

Montagne de glaces, (Physiq. & Navigat.) on nomme montagnes de glaces ces amas immenses de glaces, tant en étendue qu’en hauteur, qu’on rencontre dans les mers du Nord, de Groenland, de Spitbergen, dans la baie de Baffin, le détroit de Hudson & autres mers septentrionales.

Ces glaces entassées sont si monstrueuses qu’il y en a de quatre ou cinq cent verges, c’est-à dire de douze ou quinze cent piés d’épaisseur ; c’est sur quoi je pourrois citer les relations de plusieurs voyageurs : mais ces citations ne nous expliqueroient point comment ces montagnes prodigieuses se forment.