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la coquille qui venant à se gonfler, souleve & détache la feuille intérieure, comme font les chairs qui naissent sous la lame extérieure de l’os altéré & la font exfolier. On trouve de ces tubercules qui sont aussi gros que dés pois, qu’on prendroit pour des perles.

Les coquilles se dissolvent quelquefois peu-à-peu, & deviennent molles comme des membranes qu’on peut arracher par pieces. Cela pourroit faire croire que les coquilles sont des membranes endurcies, comme sont les os, qui en certaines maladies deviennent aussi mous que du drap.

Animaux qui percent les moules. Il ne paroît pas que les petits crabes qu’on trouve dans les moules, les huitres & autres coquillages, s’y renferment, comme quelques-uns l’ont cru, pour manger les poissons. On trouve souvent de ces crabes dans des coquilles dont les poissons sont fort sains, & il paroît plutôt que c’est le hasard qui les y jette, lorsque la coquille se ferme. Voyez là-dessus l’article Pinne marine.

Mais il y a un autre coquillage de l’espece de ceux qu’on appelle en latin frochus ou furbo, parce que sa coquille qui est d’une seule piece est tournée en spirale, qui se nourrit effectivement de moules. La moule si bien enfermée entre ses deux coquilles, ne paroîtroit pas devoir être la proie de ce petit animal ; elle l’est cependant. Il s’attache à la coquille d’une moule, la perce d’un petit trou rond par où il passe une espece de trompe qu’il tourne en spirale, & avec laquelle il suce la moule.

On ne conçoit pas aisément comment il perce la moule, car il n’a aucun instrument propre à cela ; peut être pour la percer, répand-il sur sa coquille quelques gouttes de liqueur forte. On voit quelquefois plusieurs de ces trous sur une même moule ; & quand on trouve des coquilles de moules vuides, on y trouve presque toujours de ces trous ; ce qui fait juger que ces coquillages ne contribuent pas peu à détruire les moulieres.

Moules extraordinaires. Si l’on en croit les voyageurs, on voit en quelques endroits du Brésil des moules si grosses, qu’étant séparées de leurs coquilles, elles pesent quelquefois jusqu’à six onces chacune ; & les coquilles de ces grosses moules sont d’une grande beauté.

Vertus attribuées aux moules. Il falloit bien que quelques auteurs attribuassent des vertus médicinales à la moule & à sa coquille ; aussi ont-ils écrit que ce poisson étoit détersif, résolutif, dessicatif ; que sa coquille broyée sur le porphyre étoit apéritive par les urines & propre pour arrêter le cours de ventre, enfin que la coquille de la moule de riviere étoit bonne pour déterger & consumer les cataractes qui naissent sur les yeux des chevaux, en souflant dedans cette coquille pulvérisée.

Mais tout le monde rit de pareilles futilités. En admirant la singularité du poisson, on le regarde non-seulement comme inutile en médecine, mais comme nuisible à la santé en qualité d’aliment. Les maladies auxquelles la moule est sujette, & les ébullitions qu’elle cause à diverses personnes dans certains tems de l’année, en sont une bonne preuve.

Les Physiciens qui méritent d’être consultés sur les moules sont M. Poupart, dans les Mém. de l’acad. roy. des Scienc. 1706 ; M. Méry, dans lesdits Mém. année 1710 ; M. de Reaumur, dans les mêmes Mém. année 1710 & 1711 ; Ant. de Heyde, dans son Anatomia mytuli, Amstael. 1684, in-8o. (Le Chevalier De Jaucourt.)

Moules, (Pêche.) Les petits bâtimens ou bateaux qui viennent d’Honfleur, du Havre, de Dieppe, des autres ports de la côte de Caux, & de l’embouchure de la Seine pour charger des moules sur la côte de Grancamp, s’y viennent échouer, & y restent à sec toutes les marées, jusqu’à ce que

ceux qui ramassent ces moules à la main leur ayent fourni de quoi faire leur cargaison ; quelquefois, pour ne point tant tarder sur cette côte, les maîtres de ces petits bâtimens préviennent leurs facteurs par des ordres de ramasser d’avance ce coquillage, afin que le bâtiment pour lequel il est destiné, n’ait qu’à le charger à son arrivée.

Si les tems deviennent orageux, & que le chargement ne se puisse faire, ou que les équipages tardent trop à venir enlever les moules, ces coquillages sont perdus pour le compte de ceux qui les ont ordonnés.

La côte de Grancamp est une rade foraine ; il n’y a point de port ; le mouillage y est bon ; & de la côte où se tiennent les bateaux & les petits bâtimens qui y abordent, on découvre près d’une lieue ; dans le tems des grandes marées, il entre de pleine mer cinq à six brasses d’eau dans le lieu du mouillage.

Il aborde à Grancamp des bateaux & des petits bâtimens de 10, 11 à 15 tonneaux, qui y sont en sureté, si les ancres & les cables ne manquent pas.

Les maîtres des bâtimens jettent leur lest sur les roches, & ceux qui se lestent en prennent au même endroit où ils sont mouillés ; sur quoi il n’y a aucune autre police à observer.

Moule, (Gram. & Arts méchaniques.) On appelle de ce nom en général tout instrument qui sert ou à donner ou à déterminer la forme à donner à quelque ouvrage. Il n’y a rien de si commun dans les arts que les moules. Il y a bien des choses qui ne se feroient point sans cette ressource, & il n’y. en a aucune qui ne se fît plus difficilement, & qui ne demandât plus de tems. Nous n’entrerons pas ici dans le détail de tous les moules qu’on emploie dans les atteliers ; nous en allons donner quelques-uns, renvoyant pour les autres aux ouvrages qu’on exécute par leur moyen. Voyez donc les articles suivant, & l’article Mouler.

Moules, s. m. pl. (Hydr.) on appelle ainsi des boîtes de cuivre de deux à trois piés de long qui servent à mouler des tuyaux de plomb, dont les plus ordinaires ont 4, 5 & 6 pouces : on en fait jusqu’à 18 pouces de diametie, & de 7 lignes d’épaisseur. Les plus petits moules sont pour des tuyaux de trois quarts de ligne.

Moule de Maçon, (Archit.) c’est une piece de bois dur ou de fer creusé en-dedans, suivant les moulures des contours ou corniches, &c. qu’on veut former. On l’appelle aussi calibre. Voyez Calibre & Panneau.

Moule de Fusil, (Artificier.) c’est un canon de bois ou de métal, dans lequel on introduit la cartouche vuide & étranglée par un bout, afin qu’il soit appuyé pour résister à la force de la pression de la matiere combustible qu’on y foule à grands coups de maillet.

La base de ce moule, qui est une piece mobile, s’appelle culot ; c’est elle qui résiste à la pression verticale, & le canon à l’horisontale.

On appelle aussi moule toutes pieces de bois qui servent à former des cartouches de différentes figures, comme ceux des pots, des balons, des vases, &c.

Moule, chez les Batteurs d’or, signifie un certain nombre de feuilles de vélin ou de parchemin coupé quarrément & d’une certaine grandeur, qu’on met l’une sur l’autre, & entre lesquelles on place les feuilles d’or ou d’argent qu’on bat sur le marbre avec le marteau. On compte quatre especes de ces moules, deux de vélin, & deux de parchemin ; le plus petit de ceux de vélin contient quarante ou cinquante feuilles, & le plus grand en contient cent ; pour ceux de parchemin, ils en contiennent cinq cens chacun. Voyez l’article suivant.

Ces moules ont chacun leurs étuis ou boîtes,