Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/786

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lutions dans le foie, ensuite traverse le cœur en ligne droite & va finir dans l’anus.

Ce cerveau & ce foie ne le sont guere qu’autant que l’on veut. Le cœur est un peu davantage un cœur. Il a les mouvemens de systole & de diastole, alternatifs dans le ventricule & dans les oreillettes ; l’eau qui lui est apportée par son canal, entre du ventricule dans les oreillettes, retourne des oreillettes dans le ventricule & fait une légere représentation de circulation sans aucun effet apparent ; car une fois arrivée dans ce cœur, elle n’a plus de chemin pour en sortir. Que devient donc l’amas qui s’y en doit faire ? Apparemment il ne se fait point d’amas, parce que l’animal ne fait pas continuellement couler de l’eau par sa bouche dans son cœur ; & que quand il y en fait entrer une certaine quantité, les contractions du cœur l’expriment au travers de ses pores, & la poussent dans les parties voisines qui s’en abreuvent & s’en nourrissent.

Le canal que M. Méry nomme intestin, & qui, aussi bien que l’autre, reçoit immédiatement l’eau de la bouche, ne paroît pas propre à porter la nourriture aux parties, parce qu’il n’a point de branches qui s’y distribuent. Cependant il contient vers son commencement & vers sa fin des matieres assez différentes, dont les premieres pourroient être de l’eau digérée, c’est-à-dire les sucs nourriciers qui en ont été tirés, & les autres en seroient l’excrément.

La moule ne peut respirer que quand elle s’est élevée sur la surface de l’eau, & elle s’y éleve comme les autres poissons par la dilatation qu’elle cause à l’air qu’elle contient en elle-même, en dilatant la cavité qui le renferme. Alors c’est encore son anus qui reçoit l’air du dehors & le conduit dans ses poumons ; mais il faut qu’il ne lui soit pas fort nécessaire, car elle est presque toujours plongée au fond de l’eau.

Elle a des ovaires & des vésicules séminales. Ces deux especes d’organes sont également des tuyaux arrangés les uns à côté des autres, tous fermés par un même bout, & ouverts par le bout opposé. On ne distingue pas ces parties par leur structure qui est toute pareille à la vûe, mais par la différence de ce qu’elles contiennent & d’autant plus que les ovaires sont toujours pleins d’œufs en hiver & vuides en été, & que les vésicules sont en toute saison également peu remplies de leur lait, qui par conséquent paroît s’en écouler toujours. Tous les tuyaux se déchargent dans l’anus, & M. Méry conçoit que quand les œufs vont s’y rendre dans la saison de leur sortie, ils ne peuvent manquer d’y rencontrer le lait ou la semence qui les féconde.

Voilà la description générale des parties du corps de la moule, je n’ajouterai que deux mots sur la structure de chacune en particulier.

Sa bouche est garnie de deux levres charnues ; ces deux levres sont fort étroites à l’entrée de la bouche qui est placée entre le ventre & le muscle antérieur des coquilles, mais en s’éloignant de cet endroit, ces deux levres s’élargissent.

Le foie est un amas de petits globules, formés de l’assemblage de plusieurs grains glanduleux, qui remplissent de telle sorte toute la capacité du ventre, qu’ils ne laissent aucun vuide entre ses parois, ni entre les circonvolutions de l’intestin auquel ils sont intimement unis. Cette glande est abreuvée d’une liqueur jaune, qui s’écoule par plusieurs ouvertures dans l’intestin.

La structure du cœur est surprenante ; à la vérité, sa figure conique n’est pas extraordinaire, mais sa situation est différente de celle du cœur des autres animaux ; car outre qu’il est placé immédiatement sous le dos des coquilles & au-dessus des poumons, sa base est tournée du côté de l’anus, & sa pointe regarde la tête de la moule. D’ailleurs il n’a qu’un seul

ventricule & a cependant deux oreillettes. De plus, il n’a ni veines ni arteres. Le cœur de ce poisson est renfermé avec ses oreillettes dans un péricarde, que M. Méry a trouvé rempli de beaucoup d’eau, sans jamais avoir pu en découvrir la source.

L’intestin commencé dans le fond de la bouche de la moule, passe par le cerveau, fait toutes ces circonvolutions dans le foie, & vient finir dans l’anus, dont le bord est garni de petites pointes pyramidales, & le dedans de petits mamelons glanduleux.

La conformation de ses poumons n’est pas moins extraordinaire que celle de son cœur & de ses intestins ; la voie par laquelle elle respire, est diamétralement opposée à celle des autres poissons. Dans la carpe & le brochet, l’air entre par le nez ou la bouche ; au contraire dans la moule il passe par l’anus dans les poumons.

Les poumons de la moule sont situés entre le péricarde & les parties de la génération, l’un à droite, l’autre à gauche ; ils ont environ 3 pouces de long, & 5 à 6 lignes de large dans les plus grands de ces poissons. Leur figure est cylindrique ; leur membrane propre est tissue de fibres circulaires qui les partagent en plusieurs cellules qui ont communication les uns avec les autres. Ils sont abreuvés d’une humeur noire, dont ils empruntent la couleur. Entr’eux regne un canal de même figure & longueur, mais d’un plus petit diametre & sans aucune teinture. Les deux poumons & ce canal sont séparément renfermés dans une membrane, de sorte que chacun a la sienne particuliere.

La moule a deux ovaires qui contiennent les œufs de ce poisson, deux vésicules séminales qui renferment la semence qui est blanche & laiteuse. C’est par ces quatre canaux que les œufs & la semence de la moule se rendent dans l’anus, où ces deux principes s’unissent ensemble en sortant, ce qui suffit pour la génération. Ce poisson peut donc multiplier sans aucun accouplement, & c’est sans doute par cette raison qu’il n’a ni verge, ni matrice ; c’est donc un androgyne d’une espece singuliere.

Pour ce qui est de la sortie des excrémens, on peut croire qu’elle se fait par la contraction des muscles circulaires de l’intestin qui sont en grand nombre, & par paquets. Pour les voir, il faut couper l’intestin tout-du-long, ôter les excrémens & le bien déployer. On remarquera vers la base de la glande à laquelle l’intestin est attaché, plusieurs gros trousseaux de fibres, qui vont tout-au-tour de l’intestin, toujours en diminuant de leur grosseur, à mesure qu’ils s’éloignent de leur origine.

Maladies des moules. Les moules de riviere sont sujettes à diverses maladies, comme sont la mousse, la gale, la gangrene & même le sphacele.

Lorsque les moules vieillissent, il s’amasse insensiblement sur leurs coquilles une espece de chagrin, qui est une mousse courte, semblable à celle qui naît sur les pierres. Cette mousse pourroit bien être la premiere cause des maladies qui arrivent aux moules, parce que ses racines entrant peut-être dans la substance des coquilles, ces petites ouvertures donnent issue à l’eau qui les dissout peu-à-peu.

On voit quelquefois sur les coquilles certaines longues plantes filamenteuses & fines comme de la soie. Cette chevelure, que les Botanistes appellent alga, peut causer les mêmes maladies que la mousse. Outre cela, elles incommodent beaucoup les moules, parce qu’elles les empêchent de marcher facilement ; & quand ces plantes s’attachent aux coquilles par un bout, & à quelques pierres par l’autre, les moules ne peuvent plus marcher.

Il se forme des tubercules sur la superficie intérieure de la coquille qu’on pourroit appeller des gales. Elles naissent apparemment de la dissolution de