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rées dans la suite par les migrations des Éoliens, & fertile en hêtres, μυσοις, d’où selon les apparences elles tiroient leur nom. On distinguoit la Mysie en grande & petite Mysie.

La petite Mysie, la plus septentrionale & voisine de l’Hellespont, avoit la Propontide au nord, la Troade, au midi le mont Olympe, les villes de Lempsaque, de Cizique, &c.

La grande, plus méridionale & plus orientale, étoit située entre la petite Bithynie, la grande Phrygie, l’Eolide, & la mer Égée. Elle avoit pour villes principales, Antandre, Pergame, Adramite, &c.

Ces Asiatiques, ainsi que la plûpart de leurs voisins, tels que les Phrygiens, les Cariens, les Lydiens, étoient en assez médiocre considération chez les Grecs ; & s’il en faut croire Cicéron dans son Oraison pour Flaccus, ils avoient donné lieu à quelques expressions proverbiales qui ne leur étoient pas avantageuses.

On disoit des Phrygiens, par exemple, qu’ils ne devenoient meilleurs qu’à force de coups ; que si l’on avoit à faire quelqu’épreuve périlleuse il falloit choisir à cet effet un Carien, comme n’ayant point assez d’esprit pour prévoir le danger ; que dans les comédies, les valets fripons étoient toujours des Lydiens.

Les Mysiens en particulier tomberent dans une telle décadence, qu’ils furent en butte aux outrages de toutes les nations qui les pillerent impitoyablement. De-là, pour désigner un peuple foible, on disoit en proverbe, qu’il pouvoit être insulté par les Mysiens mêmes. Nous connoissons de nos jours, un peuple en Allemagne, que nous voyons également la proie des nations amies ou ennemies, & qui n’auroit point été exposé à de tels outrages il y cinquante ans : ainsi l’on appelloit proverbialement un butin sûr, le butin de Mysie.

Cette décadence des Mysiens n’empêche point qu’ils ne se soient fait un nom dans la Musique, & que Plutarque n’ait été fondé à leur attribuer l’invention de quelques beaux airs. Olympe qui composa le premier sur la flûte en l’honneur d’Apollon, l’air appellé polycéphale, dont Pindare parle avec tant d’éloge, étoit originaire de Mysie. On voit dans la Retraite des dix mille de Xénophon, que les Mysiens excelloient dans les danses armées, qu’on executoit au son de la flûte ; mais la différence est grande entre des peuples guerriers & des peuples danseurs. Les Mysiens dansoient bien & souffroient patiemment toutes sortes d’insultes.

Il me reste à remarquer que Pausanias, lib. II. c. xviij, nomme aussi Mysie une petite contrée du Péloponnèse, où étoit un temple dédié à Cérès myfienne. Ce nom de Mysie donné à ce canton, tiroit son origine d’un certain Mysius que les habitans d’Argos disoient avoir été hôte de Cérès.

Strabon, l. XIII. p. 615. nomme Mysie une ville de la Troade qu’il place au voisinage d’Adramite. Ptolomée, l. VI. c. v, donne aussi le nom de Mysie à une ville de Parthie. Enfin, Ovide & Denys le géographe parlent d’une Mysie & de Mysiens qui étoient en Europe entre le Danube, la Pannonie & la Thrace, c’est-à-dire qui occupoient à-peu-près ce que nous appellons la Servie & la Bulgarie ; mais la Mysie est la Moësie, & leurs Mysiens les Moesiens, c’est dans ces deux auteurs une ortographe vicieuse, voyez ce qu’on en a dit au mot Moesie. (D. J.)

MYSOMACÉDONIENS, (Géog. anc.) Mysomacedones, peuple d’Asie dans la Mysie, selon Pline, l. V. c. xxix. & selon Ptolomée, l. V. c. ij. dans la grande Phrygie. Quoi qu’il en soit, c’étoient des Macédoniens mêlés avec des Mysiens. (D. J.)

MYSOTMOLITES, (Géog. anc.), Mysotmolitæ

dans Pline, l. V. c. xxix ; quelques manuscrits portent Mesotimolitæ. Si on lit Mysotmolitæ, ce mot désigneroit des Mysiens mêlés avec les Tmolites. Si on goûte davantage Mesotymolitæ, ce sont des peuples qui habitent au milieu du mont Tmolus. Le pere Hardouin préfere cette derniere leçon, parce qu’elle est appuyée des notices épiscopales de la province de Lydie, où Mesotimolos a le dixieme rang. (D. J.)

MYSTAGOGUE, s. m. (Lit) en grec, μυσταγαγος ; c’étoit proprement chez les anciens celui qui introduisoit les autres dans la connoissance des mysteres ; mais dans Cicéron, ce mot désigne celui qui montroit les tresors & les autres raretés des temples des dieux. Dans ce dernier sens, le bénédictin qui montre le trésor de S. Denys, est un mystagogue ; le P. Mabillon ne voulut pas l’être long-tems. (D. J.)

MYSTE, s. m. (Littér. gr.) On appelloit mystes ceux qui étoient initiés aux petits mysteres de Cérès, & ils ne pouvoient entrer que dans le vestibule du temple. Il leur falloit au moins un an pour être admis aux grands mysteres, & pouvoir entrer dans le temple même. Au moment qu’ils jouissoient de cette prérogative, on les appelloit époptes, inspecteurs, ou comme nous dirions confreres. Alors on leur montroit toutes les choses saintes, hormis quelques-unes qui étoient réservées pour les prêtres seuls. Il étoit défendu de conférer en même tems à personne les deux qualités de myste & d’épopte. On ne viola la loi qu’en faveur du roi Démétrius, qui dans un même jour, fut fait initié & confrere. (D. J.)

MYSTERE, s. m. (Théologie.) chose cachée & secrette, impossible ou difficile à comprendre. Voyez Acatalepsie.

Ce mot vient du grec μυστηριον, qu’on prétend être formé de μυω, claudo, taceo, je ferme, je tais, & de στόμα, bouche ; mais d’où vient l’r dans mystere ? veut-on que l’m de στόμα se soit changée en r ? Ce mot est donc originairement hébreu : il vient de sator, qui signifie cacher, d’où se fait mystar, une chose cachée.

Mysteres se dit premierement des vérités révélées aux Chrétiens, & dans l’intelligence desquelles la raison humaine ne peut pénétrer. Tels sont les mysteres de la Trinité, de l’Incarnation, &c. Voyez Trinité.

Nous avons un abregé des mysteres de la foi, ou du Christianisme, dans le symbole des apôtres, du concile de Nicée, & dans celui qu’on attribue communément à S. Athanase. Voyez Credo.

Dans ces trois symboles, il est parlé du mystere de la Trinité, de ceux de l’Incarnation du fils de Dieu, de sa mort & passion, de sa descente aux enfers, pour la rédemption des hommes ; de sa résurrection le troisieme jour, de son ascension au ciel, de sa séance à la droite de Dieu, & de sa venue à la fin du monde ; de la divinité & de l’égalité du Saint-Esprit avec le pere & le fils ; de l’unité de l’Eglise, de la communion des saints, & de leur participation mutuelle dans les sacremens, & de la résurrection générale. Ce sont là les principaux mysteres de la foi que chacun est obligé de savoir & de croire pour être sauvé.

L’Eglise a établi dès les premiers âges des fêtes particulieres pour honorer ces mysteres, pour remercier Dieu de les avoir révélés, & pour obliger les ministres & les pasteurs d’en instruire les fideles. Voyez Fête.

Telles sont les fêtes de l’incarnation, de la circoncision, de la passion & de la résurrection. Voyez Incarnation, Circoncision, Paque, Epiphanie, &c.

Les Payens avoient aussi leurs mysteres, particu-