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d’un long & vaste canal. Mais ce qui rend ce lac très-remarquable, c’est qu’il est d’une grande profondeur & qu’il ne gele jamais ; la sonde va depuis 116 jusqu’à 120 toises, & dans un endroit jusqu’à 135. Il abonde en gros & excellent poisson : son eau est douce, & dissout promptement le savon.

On cherche avec empressement la cause qui l’empêche de se geler ; car il paroît qu’il ne faut pas songer ni à des minéraux, ni à des sources chaudes. Je croirois donc qu’il faut l’attribuer à la grande profondeur de ce lac. Le comte de Marsigli a observé que la mer à la profondeur de 10 jusqu’à 120 toises, est du même degré de chaleur, depuis le mois de Décembre jusqu’au commencement d’Avril ; & il conjecture qu’elle reste ainsi toute l’année. Or il est raisonnable de penser que la grande profondeur de l’eau du lac Ness n’est guere plus affectée que celle de la mer ne l’est de la chaleur & du froid de l’air ; ainsi la surface du lac Ness peut être préservée de la gelée par la vaste quantité d’eau qui est au-dessous, & dont le degré de chaleur est fort au-dessus du degré de froid qui gele l’eau.

Une autre chose peut encore concourir à empêcher le lac Ness de se geler, c’est qu’il ne regne jamais de calme parfait sur ce lac ; le vent soufflant toûjours d’un bout à l’autre, y fait une ondulation assez considérable pour empecher que l’eau qui est sans cesse agitée, ne se prenne par la gelée. Cette derniere raison semble être confirmée par une observation qu’on fait communément dans le voisinage ; c’est que lorsqu’on tire de l’eau de ce lac en hiver, & qu’on la laisse reposer, elle gele tout aussi vîte qu’une autre eau. (D. J.)

NESSA, (Géog. anc. & mod.) nom commun à plusieurs villes : 1° à une ville de Sicile dont parle Thucidide : 2° à une ville de l’Arabie heureuse que Pline, liv. vj. chap. xxviij. met sur la côte de la mer : 3° à une ville de Perse dans la partie méridionale du Schirvan. Les Géographes du pays mettent cette derniere à 84. deg. 45. de long. & à 38. deg. 40. de lat.

NESTE, (Géog.) petite riviere de France ; elle prend sa source vers le haut Cominge, coule dans la vallée d’Auge, & se jette enfin dans la Garonne à Montréal.

NESTÉES, s. f. pl. (Littérat.) νυστεκα, de νυστις, qui est à jeun ; c’étoit un jeûne établi à Tarente, en mémoire de ce que leur ville étant assiegée par les Romains, les habitans de Rhégio pour leur fournir des vivres, s’abstinrent généreusement de manger tous les dixiemes jours, ravitaillerent ainsi sur l’épargne de leur subsistance, la ville de Tarente, & l’empêcherent d’être prise. Les Tarentins voulant laisser un monument de l’extrémité à laquelle ils avoient été réduits, & du service signalé que leur avoient rendu les Rhégiens, instituerent ce jeûne mémorable. (D. J.)

NESTORIENS, s. m. (Théolog.) anciens hérétiques, dont on prétend que la secte subsiste encore aujourd’hui dans une grande partie du Levant, & dont la principale doctrine est que Marie n’est point mere de Dieu. Voyez Mere de Dieu.

Ils ont pris leur nom de Nestorius, qui de moine devint clerc, prêtre & fameux prédicateur, & fut enfin élevé par Théodose au siege de Constantinople après la mort de Sisinnius, l’an 428.

Il fit paroître d’abord beaucoup de zele contre les hérétiques dans les sermons qu’il prononçoit en présence de l’empereur ; mais s’étant émancipé jusqu’à dire qu’il trouvoit bien dans l’Ecriture que la Vierge étoit mere de J. C. mais qu’il n’y trouvoit pas qu’elle fût mere de Dieu, tout son auditoire fut choqué de ses paroles, & une grande partie se sépara de sa communion.

Ses écrits se répandirent bientôt après dans la Syrie & en Egypte, où ils séduisirent beaucoup de monde malgré les oppositions de S. Cyrille.

Il soutenoit qu’il y avoit deux personnes en J. C. que la Vierge n’étoit point mere de Dieu, mais seulement de J. C. comme homme. Voyez Personne. Sa doctrine fut condamnée dans le concile d’Ephese, où assisterent 274 évêques : Nestorius y fut anathématisé & déposé de son siege.

Nestorius n’étoit pas le premier auteur de cette hérésie ; il l’avoit apprise à Antioche où il avoit étudié. Théodore de Mopsueste avoit enseigné la même chose avant lui.

Il est difficile de savoir si les chrétiens chaldéens, qui font encore aujourd’hui profession du nestorianisme, sont dans les mêmes sentimens que Nestorius, qu’ils regardent comme leur patriarche. Ils ont fait diverses réunions avec l’Eglise romaine ; mais il ne paroît pas qu’elles aient subsisté long-tems. La plus considérable est celle qui arriva sous le pontificat de Paul V.

Jusqu’au tems de Jules III. les Nestoriens n’avoient reconnu qu’un patriarche, qui prenoit la qualité de patriarche de Babylone. Mais une division qui survint entre eux fut cause que le patriarchat fut divisé, au-moins pour quelque tems. Le pape Jules leur en donna un autre qui établit sa résidence à Carémit en Mésopotamie ; mais ses successeurs incapables de balancer le pouvoir de celui de Babylone, furent obligés de se retirer en Perse. Les affaires demeurerent dans cet état jusqu’au pontificat de Paul V. sous lequel il se fit une réunion solemnelle avec l’Eglise romaine. Leur patriarche reconnut qu’elle étoit la mere & la maîtresse de toutes les autres Eglises du monde, & dépêcha vers le pape des personnes habiles pour négocier cette réunion, & composer ensemble une explication des articles de leurs religions, prétendant que leurs disputes avec l’Eglise romaine n’étoient que des disputes de nom.

De-là quelques savans prétendent qu’il n’y a plus de véritable hérésie nestorienne, ce qu’ils prouvent par les actes que les Nestoriens mêmes ont produit à Rome sous le pape Paul V. & qui ont été imprimés dans la même ville, dans le recueil de Strozza, l’an 1617. Elie qui étoit alors patriarche des Nestoriens, joignit à la lettre qu’il écrivit au pape, une confession de foi de son église, où il témoigne avoir des sentimens orthodoxes sur le mystere de l’incarnation, quoique les expressions ne soient pas toûjours les mêmes que celles des Latins. Voici qu’elle est selon ces auteurs, la croyance des Nestoriens sur ce mystere. Ils assurent que J. C. a pris un corps de la sainte Vierge, qu’il est parfait tant en l’ame qu’en l’entendement, & en tout ce qui appartient à l’homme : que le verbe étant descendu en une vierge, s’est uni avec l’homme, & qu’il est devenu une même chose avec lui : que cette unité est sans mélange & sans confusion, & que c’est pour cela que les propriétés de chaque nature ne peuvent être détruites après l’union. Pour ce qui est du reproche qu’on leur fait qu’ils n’appellent point la Vierge mere de Dieu, mais mere de J. C. le patriarche Elie répond, qu’ils en usent ainsi pour condamner les Appollinaristes qui prétendent que la divinité est en J. C. sans l’humanité, & pour confondre Themisthius qui assûroit que le Christ n’étoit que l’humanité sans la divinité. Il réduit ensuite les points de créance dans lesquels on dit que les Nestoriens ne conviennent point avec l’Eglise romaine, à cinq chefs : savoir en ce que les Nestoriens n’appellent point la sainte Vierge mere de Dieu, mais mere de J. C. 2° en ce qu’ils reconnoissent en J. C. deux personnes. 3° en ce qu’ils n’admettent en lui qu’une puissance & une volonté. 4° en ce