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sont ordinairement les vallées. On leur rendoit à peu-près le même culte qu’aux naiades. Voyez Naïades. (G)

NAPEL, s. m. (Botan.) c’est l’espece d’aconit nommé par Tournefort aconitum cœruleum, I. R. H. 425 ; par Morisson, aconita spica florum pyramidali ; & par Linnæus, aconitum foliorum laciniis linearibus, superne latioribus, linea exaratis. Hort. Cliffort, 214.

Sa racine qui est de la grosseur d’un petit navet, noire en dehors, blanchâtre en dedans, produisant souvent d’autres navets collatéraux, jette plusieurs tiges à la hauteur de trois piés, rondes ordinairement, lisses, remplies de moëlle, roides, difficiles à rompre ; elles sont garnies depuis le bas jusqu’en haut de feuilles amples, ovoïdes, disposées alternativement, ou plutôt sans ordre, attachées à des longues queues faites en tuyau, d’un verd obscur, polies, nerveuses, découpées profondément, ou subdivisées en beaucoup de lanieres plus remarquables que dans toute autre espece d’aconit.

Aux sommités des tiges sortent plusieurs fleurs comme en épi, portées chacune sur un pédicule long d’un pouce ; elles sont composées de cinq pétales inégaux, dont le supérieur creusé en façon de casque, cache deux especes de crosse ; les deux feuilles latérales plus larges représentent les oreillettes, & les deux inférieures la mentonniere d’un heaume ; elles sont de couleur bleue, rayées & revêtues en-dedans de quelques poils.

Quand les fleurs sont passées, il leur succede des fruits, à plusieurs fourreaux ou gaînes membraneuses, lisses, oblongues, disposées en maniere de tête, au nombre de trois, quelquefois de quatre & de cinq, renfermant plusieurs semences menues, noires dans leur maturité, anguleuses, chagrinées ou ridées.

Cette plante croît naturellement sur les Alpes, dans la forêt Noire en Silésie & ailleurs, aux lieux montagneux ; on la cultive aussi dans les jardins. Elle fleurit en Mai & en Juin, quelquefois plus tard dans les pays froids, & donne sa graine en Août. Il seroit sans doute prudent de bannir de nos jardins un poison aussi dangereux que le napel, d’autant plus que dans une si grande abondance de fleurs agréables & salutaires, ou qui du moins ne sont point nuisibles, nous pourrions aisément nous passer de celle-ci. De plus, comme sa racine est très-vivace, de sorte que transplantée dans les jardins ou vergers elle y prospere, & y dure fort long-tems, quelque peu de soin qu’on en prenne, il ne faudroit point négliger de la détruire. (D. J.)

Napel, (Hist. médec. des végét. venéneux.) les Médecins réunis aux Botanistes, s’accordent à regarder le napel & toutes ses parties comme un des plus puissans poisons de la famille des végétaux ; mais c’est dans les transactions philosophiques, n°. 432, qu’il faut lire le détail des tristes effets de cette plante sur un homme bien portant qui en avoit mangé dans une salade avec de l’huile & du vinaigre ; il en pensa mourir malgré les prompts & bons secours de la Médecine.

Immédiatement après avoir mangé de cette salade, cet homme sentit une chaleur accompagnée de picotement sur la langue & le palais, avec une irritation dans tout le visage, qui s’étendit jusqu’au milieu du corps. Ces symptomes furent bien-tôt suivis d’une grande foiblesse dans les jointures avec des tressaillemens dans les tendons, & une interception si sensible de la circulation du sang, qu’on ne put s’empêcher de soupçonner qu’il étoit empoisonné. Il avala beaucoup d’huile & d’infusion de chardon-béni, qui lui procurerent le vomissement de tout ce qu’il avoit mangé : cependant les vertiges, l’égarément de la vue, le bourdonnement des oreil-

les & des syncopes succéderent. Le médecin lui versa

de tems à autre dans la bouche quelques gouttes d’esprit de corne-de-cerf ; & dans les intervalles des vomissemens, il lui faisoit prendre une quarantaine de gouttes de sel volatil & de teinture de safran dans du vin : enfin il lui prescrivit du petit-lait avec du vin d’Espagne & un peu de thériaque. La crise de la maladie se termina par une douce chaleur, accompagnée d’une sueur modérée & d’un sommeil de quelques heures.

Il paroît que la nature de ce poison végétal est d’intercepter la circulation du sang & des esprits, & qu’en conséquence les sels volatils de corne-de-cerf, les vomitifs tempérés, le posset du vin d’Espagne, la teinture de safran & la thériaque conviennent beaucoup pour y porter remede. (D. J.)

NAPHTE, s. m. (Hit. nat. Minéral.) en latin naphta. C’est le nom que les Naturalistes donnent à un bitume blanc, transparent, très-fluide & léger qui surnage à l’eau. Cette substance est très-inflammable, au point d’attirer le feu même à une certaine distance ; son odeur est pénétrante ; elle brûle sans laisser aucun résidu.

Il est très-rare de trouver du naphte dans cet état de pureté : la substance à qui on donne communément ce nom, est d’un jaune plus ou moins clair ; c’est-à-dire, de la couleur du succin, & alors elle ne paroît point si pure que celle qui est parfaitement blanche.

Le naphte doit son origine à des arbres résineux ensevelis sous terre, ainsi que les autres substances bitumineuses, le charbon de terre, le jais, le succin, &c. la seule différence vient de ce que la substance qui produit le naphte semble avoir été filtrée, fondue &, pour ainsi dire, distillée dans l’intérieur de la terre ; en effet, ce bitume a beaucoup de rapport avec les huiles essentielles que la Chimie tire de certaines plantes. M. Rouelle croit que le naphte le plus pur & le plus clair vient du succin ; selon ce savant chimiste, les embrasemens souterreins ne se manifestent point toujours par des effets sensibles & éclatans, ils agissent souvent paisiblement & sans produire d’éruptions dans le sein de la terre ; alors ils peuvent distiller &, pour ainsi dire, rectifier les substances bitumineuses solides qui s’y trouvent, les rendre fluides, les forcer à s’élever & à suinter au-travers des couches de la terre & des pierres-mêmes, & alors ces substances ainsi élaborées se montrent sous la forme de naphte, c’est-à-dire, d’une huile ténue & légere que l’on trouve quelquefois nageante à la surface des eaux thermales.

Cette conjecture très-vraissemblable paroît confirmée par plusieurs faits. En effet, on nous apprend que dans le voisinage d’Astrakan, pour avoir du naphte, on n’a que la peine de creuser des puits, qui ne tardent point à se remplir de ce bitume liquide. On s’en sert dans le pays au lieu d’huile pour le brûler dans les lampes, & même au lieu de bois, qui est très-rare, pour se chauffer & pour cuire les alimens. Pour cet effet, on ne fait que jetter sur l’atre des cheminées quelques poignées de terre, on les arrose de naphte auquel on met le feu ; il s’allume sur le champ ; & avec la précaution de remuer ce mélange, on parvient à cuire les viandes plus promptement qu’on ne feroit avec du bois. Il est vrai que par ce moyen toutes les maisons se trouvent remplies de noir-de-fumée & d’une odeur désagréable pour tout autre que des tartares.

A une lieue de l’endroit où sont ces puits d’où l’on tire le naphte, est un lieu appellé Baku, où le terrein brûle perpétuellement. C’est un espace qui a environ un demi-quart de lieue de tour. Le terrein n’y paroît point visiblement enflammé ; pour s’appercevoir du feu il faut y faire un trou d’un demi-pié de