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profondeur, & alors on n’a qu’à y présenter un bouchon de paille, il s’allumera sur le champ. Les Gaures ou Persans qui adorent le feu & qui suivent la religion de Zoroastre, viennent en cet endroit pour rendre leur culte à Dieu, qu’ils adorent sous l’emblême du feu. C’est-là le feu perpétuel de Perse ; il a cela de particulier qu’il ne répand, en brûlant, aucune odeur, & qu’il ne laisse point de cendres. Ce détail est tiré d’une lettre allemande, datée d’Astrakan le 2. de Juillet 1735, & insérée dans un ouvrage de M. Zimmermann, intitulé Académie minéralogique.

On trouve encore du naphte en plusieurs endroits de la Perse, de la Chine, de l’Italie, & sur-tout aux environs de Modene. On en trouve aussi en Allemagne & en France ; mais il n’a que rarement la limpidité & la transparence du naphte le plus pur. (—)

NAPITIA, (Géog. anc.) ville de la Calabre dans le pays des Brutiens. Scipion Mazella prétend que Napitia est aujourd’hui Pizzo, château de la Calabre ultérieure au royaume de Naples, dans le golfe Hipponiate, qui est aussi nommé Napitinus sinus, vulgairement le golfe de sainte-Euphémie, environ à 6 milles nord d’Hipponium.

NAPLES, (Géogr.) belle, grande & ancienne ville d’Italie sur un petit golfe. On sait qu’elle est la capitale & la métropole du royaume auquel elle donne son nom, avec un archevêché, une université & des châteaux pour sa défense.

L’avantage de sa situation & la douceur de son climat l’ont toujours faire regarder comme le séjour des délices & de l’oisiveté ; otiosa Neapolis, c’est l’épithete que lui donne Horace : In otia natam Parthenopem, dit Ovide. Les Napolitains étoient autrefois ce qu’ils sont aujourd’hui, épris de l’amour du repos & de la volupté.

Le nom grec de Naples, Νέαπολις, veut dire la nouvelle ville, pour la distinguer de la petite ville Palœpolis, c’est-à-dire l’ancienne ville, qui en étoit peu éloignée ; ou plutôt les Chalcidiens originaires de l’Attique, envoyerent des colonies en Italie, qui fonderent la ville de Cumes, dont une partie des habitans se détacha bien-tôt après pour élever une autre ville qu’ils nommerent la ville neuve. Elle fut appellée Parthénope, à cause, disent quelques-uns, de Parthénope fille d’Euméléus roi de Thessalie, qui y mena une colonie des états de son pere. Quoi qu’il en soit, Naples passe pour être plus ancienne que la ville de Rome, à laquelle néanmoins elle se soumit. Elle lui garda toujours inviolablement la fidélité, & en reconnoissance, la république & les empereurs la mirent au nombre des villes libres & confédérées.

Malgré les assauts terribles que Naples a essuyés, c’est encore une des belles villes du monde, & une des plus également belles. Elle est toute pavée d’un grand carreau d’échantillon. La plûpart de ses maisons sont à toits plats, & d’une structure uniforme. La mer y fait un petit golfe qui l’arrose au midi, & vers le nord elle a de riches côteaux, qui montent insensiblement à la campagne-heureuse. Plusieurs de ses églises sont magnifiques, & enrichies des ouvrages des grands peintres. Le dôme de l’église des Jésuites est de la main de Lanfranc : la Nativité, du Guide, & outre quatre tableaux de la cene, qui sont de l’Espagnolet, d’Annibal Carache & de Paul Véronese, ornent le chœur de l’église de S. Martin.

Mais les richesses prodigieuses ensevelies dans les églises de Naples, les dépenses excessives que fait cette ville pour l’entretien du prince & des garnisons, enfin le nombre exorbitant de couvens, de monasteres, de prêtres, de religieux & de religieuses qui fourmillent dans cette ville, la consument & l’appauvrissent tous les jours davantage. Si l’on y

compte près de trois cent mille ames, il y en a cinquante mille qui ne vivent que d’herbes, & qui n’ont pour tout bien que la moitié d’un habit de toile. Ces gens-là également pauvres & misérables, tombent dans l’abattement à la moindre fumée du Vésuve. Ils ont la sotise de craindre de devenir malheureux, dit l’auteur de l’Esprit des lois ; cependant il est difficile de ne pas appréhender que la ville de Naples ne vienne à crouler, & à disparoître un jour comme Herculanum. Cette ville est toute creusée par-dessous, & bâtie sur un grand nombre de vastes cavernes, où se trouvent des abysmes d’eau & de matieres combustibles, qui ne peuvent à la fin que s’enflammer, & renverser Naples de fond en comble, par quelque affreux tremblement de terre ; ajoutez-y le voisinage du volcan & ses terribles éruptions.

Naples arrosée par la petite riviere que les anciens nommoient Sebethus, aujourd’hui le Fornello, est à 43 lieues S. E. de Rome, 70 N. E. de Palerme, 86 S. E. de Florence, & 120 S. E. de Venise. Long. suivant Cassini, 32. 11. 30. lat. 40. 48.

C’en est assez sur la Parthénope moderne ; parlons à présent de quelques gens célebres dans les lettres & dans les arts dont elle a été la patrie ; car leurs noms embélissent l’article de cette ville.

Paterculus Caïus (d’autres disent Publius ou Marcus) Velleïus, historien latin du premier ordre, naquit, selon les apparences, l’an de Rome 735. Il occupa les emplois qu’il pouvoit se promettre par ses talens distingués & par son illustre naissance. Il fut tribun des soldats, commanda la cavalerie des légions en Allemagne sous Tibere, suivit ce prince pendant neuf ans dans toutes ses expéditions, en reçut des récompenses honorables, & devint préteur de Rome l’année de la mort d’Auguste ; c’est ce qu’il nous apprend lui-même avec une tournure qui montre la finesse & la délicatesse de son esprit : Quo tempore, dit il, mihi fratrique meo, candidatis Cæsaris proximè à nobilissimis ac sacerdotibus viris, destinari prætoribus contigit ; consecutis ut neque post nos, quemquam D. Augustus, neque ante nos Cæsar commendaret Tiberius. lib. II. cap cxxiv.

Il étoit éclairé par des voyages dans les provinces de Thrace, de Macédoine, d’Achaïe, de l’Asie mineure, & d’autres régions encore plus orientales, principalement sur les deux bords du Pont-Euxin ; on peut juger de-là combien nous devons regretter la perte de l’histoire entiere & étendue qu’il promet si souvent, & qui devoit renfermer toutes ces choses, dont il avoit été non-seulement témoin oculaire, mais en partie exécuteur ; cependant dans l’abrégé incomplet de l’Histoire romaine qui nous reste de cet homme célebre, on y apprend beaucoup de particularités, d’autant plus estimables, qu’elles ne se trouvent point ailleurs, soit par le silence des autres historiens, soit par la perte trop ordinaire d’une partie de leurs travaux. Il y marque avec exactitude l’origine des villes & des nouveaux établissemens, & tous ses portraits des grands hommes sont de main de maître.

Son style enchanteur est du beau langage du siecle d’Auguste. Il excelle sur tout quand il blâme ou loue ceux dont il parle ; c’est toujours dans les plus beaux termes & avec les expressions les plus délicates. J’aime beaucoup le discours qu’il met dans la bouche du fils de Tigranes à Pompée pour se le rendre favorable ; mais entre toutes les figures de rhétorique dont il se sert, il emploie l’épiphonème à la fin de ses narrations avec tant de grace & de jugement, que personne ne l’a surpassé dans cette partie ; comme personne n’a jamais loué plus dignement Cicéron, qu’il le fait dans ce bel endroit de ses écrits, où il avoue que sans un tel personnage, la Grece