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ou dans des dignités actuelles qui supposent, mais qui ne prouvent pas toujours une véritable noblesse.

Le point le plus intéressant n’est pas cependant de discuter l’objet de la noblesse d’ancienneté ou de dignité, mais les premieres causes qui formerent la noblesse & la multiplierent.

Il semble qu’on trouvera l’origine de la noblesse dans le service militaire. Les peuples du nord avoient une estime toute particuliere pour la valeur militaire : comme par leurs conquêtes ils cherchoient la possession d’un pays meilleur que celui de leur naissance ; qu’ils s’estimoient considérables à proportion du nombre des combattans qu’ils pouvoient mettre sur pié ; & que pour les distinguer des paysans ou roturiers, ils appelloient nobles ceux qui avoient défendu leur patrie avec courage, & qui avoient accru leur domination par les guerres : or pour récompense de leurs services, dans le partage des terres conquises, ils leur donnerent des francs-fiefs, à condition de continuer à rendre à leur patrie les mêmes services qu’ils lui avoient déjà rendus.

C’est ainsi que le corps de la noblesse se forma en Europe & devint très-nombreux ; mais ce même corps diminua prodigieusement par les guerres des croisades, & par l’extinction de plusieurs familles : il fallut alors de nécessité créer de nouveaux nobles. Philippe-le Hardi, imitant l’exemple de Philippe-le-Bel son prédécesseur, qui le premier donna des lettres de noblesse en 1270 en faveur de Raoul l’orfévre, c’est-à-dire, l’argentier ou payeur de sa maison, prit le parti d’annoblir plusieurs roturiers. On employa la même ressource en Angleterre. Enfin en Allemagne-même, si les empereurs n’eussent pas fait de nouveaux gentilshommes, s’il n’y avoit de nobles que ceux qui prouveroient la possession de leurs châteaux & de leurs fiefs, ou du service militaire de leurs aïeux, du tems de Fréderic Barberousse, sans doute qu’on n’en trouveroit pas beaucoup. (D. J.)

Noblesse de haut parage, est celle qui le tire d’une famille illustre & ancienne. Voyez le roman de Garin & Guillaume Guyart. La Roque, chap. ij. (A)

Noblesse héréditaire, est celle qui passe du pere aux enfans & autres descendans La noblesse provenant des grands offices étoit héréditaire chez les Romains, mais elle ne s’étendoit pas au-delà des petits-enfans.

En France toute noblesse n’est pas héréditaire ; il y a des offices qui ne donnent qu’une noblesse personnelle, d’autres qui donnent commencement à la noblesse pour les descendans ; mais il faut que le pere & l’aieul ayent rempli un de ces offices pour donner la noblesse au petit-fils sans qu’il soit pour vu d’un office semblable ; enfin il y a des offices qui transmettent la noblesse au premier degré, Voyez Noblesse au premier degré, Noblesse patre & avo, Noblesse transmissible.

Noblesse honoraire, est celle qui ne consiste qu’à prendre le titre de noble, & à être considéré comme vivant noblement sans avoir la noblesse héréditaire : ce n’est qu’une noblesse personnelle, elle n’a même que les privileges des nobles, comme la noblesse personnelle de certains officiers. Voyez la Roque, chap. xciv. & ci-après Noblesse personnelle.

Noblesse illustre, est celle qui tient le premier rang ou degré d’honneur, comme sont les princes du sang ; elle est encore au-dessus de ce que l’on appelle la haute noblesse. Voyez Loyseau, traité des Ordres, chp. vj. n. 9. & ci-dessus Haute-noblesse.

Noblesse immédiate, en Allemagne, est celle des seigneurs qui ont des fiefs mouvans directement de l’empire, & qui jouissent des mêmes prérogatives que les villes libres : ils prennent l’investiture en la même forme ; mais ils n’ont pas comme ces villes le droit d’archives.

Le corps de la noblesse immédiate est divisé en quatre provinces & en quinze cantons ; savoir, la Suabe, qui contient cinq cantons ; la Franconie, qui en contient six : la province du Rhin, qui en contient trois, & l’Alsace, qui ne fait qu’un canton.

Cette noblesse immédiate est la principale noblesse d’Allemagne, parce que c’est l’empereur qui la confere immédiatement. Ceux que les électeurs annoblissent, ne sont nobles que dans leurs états, à moins que leur noblesse ne soit confirmée par l’empereur. Voyez la Roque, c. clxxij & ci-après Noblesse immédiate & Noblesse mixte. (A)

Noblesse immémoriale, ou irréprochable, est celle dont on ne connoît point le commencement, & qui remonte jusqu’au tems de l’établissement des fiefs ; c’est pourquoi on l’appelle aussi féodale ; on l’appelle aussi irréprochable parce qu’elle est à couvert de tout reproche ou soupçon d’annoblissement. Voyez la Roque, préface.

Noblesse inféodée ou féodale, est celle qui tire son origine de la possession ancienne de quelque fief. Voyez ci-dessus Noblesse féodale.

Noblesse irréprochable, est celle dont l’origine est si ancienne, qu’elle est au-dessus de tout reproche d’annoblissement fait par lettres ou office, de maniere qu’elle est réputée pour noblesse de race & d’ancienne extraction. Voyez la préface de la Roque.

Noblesse de laine, est la seconde classe de la noblesse. Dans la ville de Florence on y distingue deux sortes de noblesse pour le gouvernement ; savoir la noblesse de soie & la noblesse de laine. La premiere est plus relevée & plus qualifiée que la seconde. Il y a apparence que ces différentes dénominations viennent de la différence des habits. Cette distinction de deux sortes de noblesse se fait au regard du gouvernement de la ville. Voyez le traité de la Noblesse par de la Roque, chap. cxij & c’xvj.

Noblesse libérale, est celle que l’on a accordée à ceux qui poussés d’un beau zele ont dépensé leur bien pour la défense de la patrie. Voyez la préface de la Roque.

Noblesse de lettres, est celle qui est accordée aux gens de lettres, & aux gradués & officiers de judicature. On l’appelle aussi noblesse littéraire. Voyez ci-après Noblesse littéraire.

Noblesse par lettres, est celle qui provient de lettres d’annoblissement accordées par le prince.

M. d’Hozier dans l’histoire d’Amanzé, rapporte une charte d’annoblissement du 24 Juin 1008, mais cette charte est suspecte.

D’autres prétendent que les premieres lettres d’annoblissement furent données en 1095 par Philippe I. à Eudes le Maire, dit Chalo S. Mars.

On fait encore mention de quelques autres lettres de noblesse données par Philippe Auguste.

Mais il est plus certain qu’ils commencerent sous Philippe III. car il se voir un annoblissement de ce tems qu’il accorda à Raoul l’orfévre.

Ses successeurs en accorderent aussi quelques-uns ; mais ils devinrent plus fréquens sous Philippe de Valois, & il en accorda dès-lors moyennant finance & sans finance ; car la charte de noblesse de Guillaume de Dormans en 1339, fait mention qu’elle fut donnée sans finance, & en 1354, Jean de Reims paya trente écus d’or ; un autre en 1355 en paya quatre-vingt.

Dans la suite il y a eu des annoblissemens créés par édit, & dont la finance a été réglée ; mais ils ont toujours été suivis de lettres particulieres pour chaque personne qui devoit profiter de la grace portée par l’édit.

Charles IX. créa douze nobles en 1564 ; il en créa encore trente par édit de 1568.