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Le tems, dit Bacon, est le grand innovateur ; mais si le tems par sa course empire toutes choses, & que la prudence & l’industrie n’apportent pas des remedes, quelle fin le mal aura t-il ? Cependant ce qui est établi par coutume sans être trop bon, peut quelquefois convenir, parce que le tems & les choses qui ont marché long-tems ensemble, ont contracté pour ainsi dire une alliance, au lieu que les nouveautés, quoique bonnes & utiles, ne quadrent pas si bien ensemble : elles ressemblent aux étrangers qui sont plus admirés & moins aimés. D’un autre côté, puisque le tems lui-même marche toujours, son instabilité fait qu’une coutume fixe est aussi propre à troubler qu’une nouveauté. Que faire donc ? admettre des choses nouvelles & qui sont convenables, peu à peu & pour ainsi dire insensiblement : sans cela tout ce qui est nouveau peut surprendre & boulverser. Celui qui gagne au changement remercie la fortune & le tems ; mais celui qui perd, s’en prend à l’auteur de la nouveauté. Il est bon de ne pas faire de nouvelles expériences pour raccommoder un état sans une extrème nécessité & un avantage visible. Enfin il faut prendre garde que ce soit le desir éclairé de réformer qui attire le changement, & non pas le desir frivole du changement qui attire la réforme.

Quant à la Morale, je m’en tiens à ce seul passage de l’Ecriture : Stemus super vias antiquas, atque circumspiciamus quæ sit via bona & recta, & ambulemus in ea. (D. J.)

Nouveauté, terme de modes ; ce qui est nouveau, ce qui n’a point encore paru.

On appelle ainsi au palais toutes ces nouvelles modes d’écharpes, de coiffures, de rubans, &c. que les marchands y inventent & y étalent chaque jour, pour y satisfaire & y tenter le luxe & le goût changeant & inquiet de l’un & l’autre sexe.

Les Marchands d’etoffes d’or, d’argent & de soie, donnent aussi le nom de nouveautés aux taffetas & autres légeres étoffes qu’ils font faire tous les ans pour les habits d’été des dames, & qui ordinairement ne plaisent guere au delà des trois mois qu’on donne à cette saison. Il y a des nouveautés chez Barbier qu’on ne voit point ailleurs. (D. J.)

Nouveauté, s. f. terme de Jardinier ; on appelle de ce nom les fruits & les légumes, qui, par le soin & l’industrie du jardinier, viennent dans leur perfection avant la saison ordinaire, & au printems. Ainsi c’est de la nouveauté que d’avoir des fraises au commencement d’Avril.

NOUVELLE, s. f. (Politiq.) avis de quelque évenement vrai ou faux. C’est une vieille ruse politique qui trouve toujours des dupes, que de débiter & de répandre en tems de guerre de fausses nouvelles en faveur de son pays. Stratoclés ayant appris que les Athéniens avoient perdu une bataille navale, se hâta de prévenir les porteurs d’une si triste nouvelle, se couronna de fleurs, & publia de tous côtés dans Athènes, que l’on venoit de remporter une victoire signalée. Le peuple crédule courut en foule au temple, s’empressa de témoigner sa reconnoissance aux dieux par des sacrifices ; & le magistrat trompé par la voix publique, distribua des viandes à chaque tribu : mais au bout de deux jours le retour du débris de l’armée dissipa la joie, & la changea en fureur contre Stratoclès. On le cita, il comparut avec assurance, & de sang froid il répondit. Pourquoi vous plaindre de moi ? me ferez-vous un crime, de ce qu’en dépit de la fortune, j’ai su deux jours entiers vous donner les plaisirs de la victoire, & par mon artifice dérober tout ce tems à votre douleur ?

Une autre ruse moins noble, c’est d’inspirer toute la haine possible contre les puissances avec lesquel-

les on est en guerre : je n’en citerai qu’un exemple,

& je ne toucherai point de trop près aux vivans. A la nouvelle de la bataille de la Boine qui se donna en 1689, le bruit de la mort du prince d’Orange s’étant répandu dans Paris, on se jetta dans tous les excès d’une joie effrénée ; on illumina, on tira le canon, on brûla dans plusieurs quartiers des figures d’osier qui représentoient le prince d’Orange. Ces réjouissances indécentes, fruit de la haine qu’on avoit inspiré depuis long-tems au peuple François contre le roi Guillaume, faisoient l’éloge de ce prince, & la honte de ceux qui se livrerent à ces témoignages insensés de leur haine. Ils auroient eu besoin de l’avis sage d’un Phocion. Un jour que sur la nouvelle de la mort d’Alexandre, le peuple athénien alloit s’abandonner à l’ivresse de sa joie, Phocion le retint par cette réflexion judicieuse. « Si Alexandre aujourd’hui est mort, ainsi qu’on le publie, il le sera encore demain. Que risquez-vous donc à modérer & à suspendre les mouvemens d’une joie indécente, dont la précipitation pourroit vous coûter des regrets & de la honte ? »

Je dirois à toutes les personnes capables de sentir & de raisonner : « Savez-vous que la violente joie de la mort d’un ennemi respectable que vous venez d’apprendre, a quelque chose de si honteux, qu’on peut appeller cette joie un crime de lése-humanité ? Savez-vous qu’elle est aussi glorieuse pour celui qui la cause, qu’infâme pour celui qui la ressent ? » Ce n’est pas du moins avec cette bassesse d’ame que pensoit Montecuculli, quand apprenant la mort de M. de Turenne, il s’écria : « Quel dommage que la perte d’un tel homme qui faisoit honneur à la nature ! » (D. J.)

Nouvelle Lune, (Astr.) est le nom qu’on donne au commencement du mois lunaire, ou à l’état de la lune lorsqu’elle se trouve entre la terre & le soleil, & que sa partie obscure est tournée vers nous, de maniere que nous n’appercevons point cette planete : la lune est alors en conjonction avec le soleil. Voyez Conjonction. Les éclipses de soleil n’arrivent que dans les nouvelles lunes, lorsque la lune se trouve précisément entre la terre & le soleil ; ensorte qu’elle cache à plusieurs des habitans de la terre, ou tout le disque du soleil, ou au moins une partie de ce disque. Il y a nouvelle lune quand cette planete se trouve avec la terre & le soleil dans un même plan perpendiculaire au plan de l’écliptique ; & lorsqu’elle est outre cela dans la même ligne droite, ou à peu-près, il y a éclipse de soleil. Voyez Eclipse. (O)

NOUVELLETÉ, s. f. (Jurisprud.) ou cas de nouvelleté ; c’est lorsque quelqu’un trouble un autre dans la possession de quelque héritage ou droit réel, soit en l’usurpant, soit en y faisant quelque innovation qui lui peut faire préjudice.

La nouvelleté donne lieu à l’action possessoire que l’on appelle complainte, en cas de saisine & de nouvelleté. Cette action doit s’intenter dans l’an & jour du trouble : elle étoit différente de celle en cas de simple saisine ; mais cette derniere action est abolie. Voyez Complainte. (A)

NOUVION, (Géog.) village de France en Picardie, diocèse d’Amiens, sur la route d’Abbeville à Montreuil. Je ne parle de ce village, que parce que son château étoit célébre au quatorzieme siecle. Louis XI vint de Rouen y faire sa résidence l’an 1464. François Ier y a aussi donné des déclarations en Février & Mars 1539. (D. J.)

NOYA, (Hist. nat.) serpent d’une couleur grisâtre qui se trouve dans l’île de Ceylan : il a environ quatre pieds de longueur. On voit sur sa tête quelque chose qui ressemble assez à une paire de lunettes. Les habitans lui donnent le nom de noya-