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par l’action musculaire des organes avec lesquels ils nagent, ou en s’efforçant de tendre vers le fond de l’eau, ou par le moyen de quelque corps pesant dont ils se saisissent pour ajouter à leur pesanteur naturelle. Voyez Plongeur.

Il suit donc de ce qui vient d’être dit de la comparaison des animaux terrestres & des volatiles avec l’homme, par rapport à la disposition respective de leur corps dans l’eau, que celle de l’homme s’oppose à ce qu’il puisse nager naturellement, comme le sont tous les autres animaux, parce qu’il n’a pas l’avantage comme eux, que par l’effet de la gravité spécifique, les parties nécessaires à la respiration restent hors de l’eau, & empêchent par ce moyen la suffocation qu’il ne peut éviter, à moins qu’il ne sache industrieusement se soutenir la tête hors de l’eau ; ce que les animaux quadrupedes font par la disposition naturelle de leurs parties, sur-tout de leur tête, qui, outre qu’elle est plus légere, est figurée de maniere que par l’allongement, l’élévation du museau, ils ont beaucoup de facilité pour conserver la respiration.

Ainsi l’on voit pourquoi les animaux nagent comme par instinct, au lieu que c’est un art dans l’homme de pouvoir nager ; art qui suppose une adresse qui ne s’acquiert que par l’exercice propre à cet effet, pour apprendre à soutenir hors de l’eau la tête contre son propre poids, & à plier le cou en arriere pour élever le nez & éviter le défaut de respiration, qui arriveroit infailliblement si son corps étoit abandonné à sa disposition naturelle & à son poids, selon les lois de la gravité spécifique, qui tend toujours à ce que la tête ne soit jamais la partie du corps qui surnage.

En sorte que quelqu’un qui se noie, après avoir d’abord plongé, reparoît ordinairement sur l’eau à plusieurs reprises ; mais rarement montre-t-il alors la tête, à moins que ce ne soit par l’effet des mouvemens de ses bras étendus, qui lui servent dans ce cas comme de balancier, pour se tenir en équilibre avec le poids de l’eau & élever la tête au-dessus de la surface ; mais la force des bras ne pouvant le soutenir long-tems, lorsqu’il n’a pas l’habitude de nager, il retombe par son propre poids & replonge la tête à plusieurs reprises, jusqu’à ce que l’eau ayant pénétré dans la poitrine & rempli les voies de l’air, rend le corps plus pesant, & fait qu’il ne reparoît plus sur l’eau que lorsqu’après avoir resté au fond un certain tems après la mort, la putréfaction qui s’ensuit développe de l’air dans les boyaux, & même dans la substance des parties molles dont la raréfaction augmente le volume du corps, sans en augmenter le poids & le rend plus léger qu’un égal volume d’eau ; d’où résulte que le cadavre est soulevé, & paroît surnager. Voyez Noyé.

Ce n’est donc pas, selon le préjuge assez généralement reçu, la crainte de se noyer, qui fait que l’homme ne nage pas naturellement, comme les quadrupedes, mais le défaut de disposition dans les parties & dans la figure de son corps, puisque l’on voit des enfans & des imbécilles se jetter hardiment dans l’eau, qui ne laissent pas d’y périr faute de nager, & par conséquent par le seul défaut de disposition à se soutenir dans l’eau comme les animaux, sans y être exposés à la suffocation. Extrait de Borelli de morte animalium, part. I. cap. xxiij.

Quoiqu’on trouve peu dans les ouvrages de Médecine tant anciens que modernes, que l’action de nager soit mise au nombre des exercices utiles à la santé ; cependant il paroît qu’elle peut y tenir un rang distingué par les bons effets qu’elle peut produire, étant employée avec les ménagemens, les précautions convenables. En effet, il paroît hors de doute que, outre l’action musculaire dans presque

toutes les parties du corps, à laquelle donne lieu cette espece d’exercice, comme bien d’autres, l’application de l’eau froide dans laquelle on nage, contribue, non-seulement par son poids sur la surface du corps, mais encore par sa qualité froide, qui ne cesse d’être telle, attendu le changement continuel qui se fait des surfaces du fluide ambiant, par une suite de la progression qu’opere l’action de nager, à condenser, à fortifier les fibres, à augmenter leur élasticité, & à rendre plus efficace leur action sur les fluides, dont il empêche aussi la dissolution & la trop grande dissipation en diminuant la transpiration, selon Sanctorius. Static. medic. sect. II. aphro. xiv. ce qui ne peut qu’être d’un grand avantage dans l’été, où les grandes chaleurs produisent un relachement général dans les solides, & causent un grand abattement de forces ; voyez Chaleur animale, pourvu que la natation ne succede pas à un exercice violent, comme le fait observer cet auteur.

D’où s’ensuit que l’action de nager dans un fleuve ou dans tout autre amas d’eau froide, bien pure, peut joindre le bon effet de l’exercice à celui du bain froid, pourvu que cette action ne soit pas excessive, & qu’elle soit suivie des soins, des ménagemens que l’on doit avoir, après cette sorte de bain. Voyez Bain froid, œcon. anim. Voyez aussi la dissertation de M. Raymond médecin à Marseille, sur le bain aqueux simple, qui a remporté le prix de l’académie de Dijon en 1755.

On observera ici, en finissant, qu’il ne faut pas confondre la natation, qui est l’action de nager, avec une sorte de natation, qui dans le sens des anciens, étoit une maniere de se baigner dans un vase beaucoup plus grand que les baignoires ordinaires : c’est ce qui est désigné par les grecs sous le nom de κολυμϐητις, qui est aussi rendu en latin par le mot de natatio, selon qu’on le trouve dans les œuvres de Galien, lib. II. de tem. cap. ij. où cette sorte de vase est encore appellée dexamene. Voyez Gorrh. pag. 101.

NATCHEZ, (Géogr.) peuple de l’Amérique septentrionale dans la Louisiane, sur le bord oriental du Mississipi, & à environ 80 lieues de l’embouchure de ce fleuve.

Si l’on croit les relations, le gouvernement de ces peuples sauvages est despotique. Leur chef dispose des biens de tous ses sujets, & les fait travailler à sa fantaisie ; ils ne peuvent lui refuser leur tête ; il est comme le grand seigneur ; lorsque l’héritier présomptif vient à naître, on lui donne tous les enfans à la mammelle pour le servir pendant sa vie ; vous diriez que c’est le grand Sésostris. Ce chef est traité dans sa cabane avec les cérémonies qu’on feroit à un empereur du Japon ou de la Chine. Les préjugés de la superstition, dit l’auteur de l’esprit des lois, sont supérieurs à tous les autres prejugés, & ses raisons à toutes les autres raisons. Ainsi, quoique les peuples sauvages ne connoissent pas naturellement le despotisme, ce peuple-ci le connoît : ils adorent le soleil ; & si leur chef n’avoit pas imaginé qu’il étoit le frere du soleil, ils n’auroient trouvé en lui qu’un misérable comme eux.

Lorsqu’un de ces sauvage meurt, ses parens viennent pleurer la mort pendant un jour entier : ensuite on le couvre de ses plus beaux habits, c’est-à-dire, qu’on lui peint les cheveux & le visage, & qu’on l’orne de ses plumages ; après quoi on le porte dans la fosse qui lui est préparée, en mettant à ses côtés une chaudiere & quelques vivres. Ses parens vont, dès la pointe du jour, pleurer sur sa fosse, plus ou moins long-tems, suivant le degré de parenté. Leur deuil consiste à ne pas se peindre le corps, & à ne pas se trouver aux assemblées de réjouissance.

Le P. de Charlevoix qui vit leur temple du soleil